Ses doigts s’obstinaient à pincer les cordes de l’instrument.
Les notes s’enchaînaient fébriles, en une mélodie évidée qui n’avait de cesse de la faire grimacer. Comme si son art s’était meurtri, flétri, éclaboussé par le chaos contrarié des récents évènements.
Quelques minutes s’écoulèrent encore avant que Cassandra ne laisse retomber sa main, laissant enfin la harpe en paix. Le silence tomba lourdement dans la pièce, lui arrachant une nouvelle grimace. Elle répugnait à demeurer ainsi, figée dans une espèce d’immobilité qui commençait à la rendre un peu nerveuse. L’obscurité l’indisposait plus que de coutume. Que n’aurait-elle pas donner pour quelques rayons de soleil, soudain… Peut-être la lumière chaude, immobile, familière, aurait-elle suffit à alléger son état d’esprit. Ou peut-être pas.
Qu’importe. Elle n’allait pas pouvoir vérifier cela sous peu. L’astre solaire répugnait encore à s’élever, éprouvant tout et tout le monde.
Attrapant une étole, Cassandra la noua étroitement autour d’elle. Elle était sensée retrouver sa mère plus tard dans la journée. Une perspective encourageante. La présence de Devona la tranquillisait, sentiment réconfortant qui ne durait malheureusement jamais assez.
Si elle chérissait chaque instant de solitude, la princesse nouvelle redoutait aussi les moments de fausse accalmie où aucune compagnie n’était plus à même de la maintenir distancée du chaos grossier de ses pensées.
Elle ne réfléchissait que trop. Elle n’avait de cesse de ré-évaluer sa place en ce monde, et plus directement au sein du cercle. Son amour pour sa famille s’opposait à la rancune que cette dernière lui inspirait également. L’idée de demeurer constamment du côté d’un mouvement qui l’avait toujours tant contrariée… La pensée de rester pour toujours cet être « inférieur », invariablement moqué dans l’ombre... Et puis, il était aussi question d'imposer cela à son enfant… Son enfant et celui de Marcus. Marcus dont l’absence était aussi bienvenue que franchement douloureuse.
Elle eut la sottise de fermer les yeux, Cass, juste pour un instant.
Il n’en fallut pas plus. Avec une netteté frustrante, elle se sentit revivre pour la énième fois leur ultime confrontation. Les mots qu’elle avait eut à son encontre, comme autant de lames acérées venues se jucher dans la peau déjà amochée du trinitaire… Son impuissance à la retenir ce jour-là. Et s’il y était parvenu ? Si elle était restée ? Aurait-elle regagné non pas Rezbia mais Aldion, à ses côtés ? A moins que la tournure des évènements ait été plus tragique… Peut-être aurait-elle connu à la place la sombre destinée de son petit frère.
Des petits coups se firent entendre, l’arrachant à cette odieuse penchée. La gorge sèche, elle braqua son regard chagrin sur la porte de la pièce. Aucun garde ne fit mine d’entrer pour annoncer une arrivée. S’agissait-il de sa mère ? Etait-elle en avance ?
Resserrant les pans de son étole autour de son buste, Cassandra se leva. Elle alla gagner la porte qu’elle ouvrit pour découvrir non pas sa génitrice mais sa cousine.
Reyna, solaire, gorgée de lumière. Précisément le genre de compagnie dont elle avait bien besoin.
«
Bonjour, Cassandra. » L'enfant blonde souriait, expression joviale qui eut sur la mutante un ravissant effet miroir. Elle se sentait déjà nettement mieux, comme si la présence nouvelle de sa parente suffisait à distancer légèrement les trop sombres pensées avec lesquelles elle se débattait encore un instant plus tôt. «
Rey. » Répondit-elle affectueusement, galvanisée par cette soudaine apparition.
«
Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vues et je me disais qu’on pourrait … parler un peu ? Passer du temps ensemble ? » Elle craignait d'essuyer un timide refus. Cela se percevait dans son attitude. Cass secoua doucement la tête, un sourire toujours juché sur ses lèvres. «
“Je comprendrais si tu es occupée, ne t’inquiètes pas… »
La brune n'eut pas la douce cruauté de faire mariner sa cousine. «
Avec grand plaisir, viens donc, entres ! » La voix sonore, tendre. Cassandra attrapa l'une des mains de sa cousine et, d'une petite pression, la tira en avant. «
Je m'ennuyais justement » énonça-t'elle en lâchant Reyna pour refermer la porte derrière elle.
@reyna sielle