Nael la pousse dans la boue avec un peu trop de joie alors qu’elle s’écrase tête première dans la flaque. Elle se lève dans un bond tout en criant et chargeant contre son frère qui ne réussit pas à contenir son rire. Elle le plaque contre le sol violemment alors qu’il fait mine d’essuyer ses larmes de joie. « Totally worth it. » Elle grogne, irritée par son je m’en-foutisme, qu’elle jalouserait presque. « Someday you’ll pay. What is it what father always says? Vengeance is better served cold. » Qu’elle rétorque avec un petit rictus au bout des lèvres alors qu’elle se lève et se tourne en direction de Noé. « Thanks for your help. » Elle le fusille du regard alors qu’il se contente de sourire innocemment. « This is between you and him, I had nothing to do with it. » Menteur, qu’elle a envie de rétorquer. Si Noé est plus sensible et sur la réserve que Nael, il n’en est pas moins que les mauvaises idées ou du moins les idées ayant rapport à lui faire manger de la boue, viennent trop souvent de lui. Elle se contente pourtant de lui ébouriffer les cheveux et d’enrouler son bras autour de ses épaules. Nomi ne sait rester trop longtemps en colère contre lui, contrairement à l’autre abruti qui lui sert de frère. Elle attend pourtant de marcher tendant son second bras comme pour faire signe à Nael de les rejoindre. Nomi le dépose sur son épaule alors qu’un petit sourire se forme sur ses lèvres. C’est comme ça que la vie devrait toujours être ; elle est ses deux frères, eux trois contre le monde entier. Elle les serre davantage alors qu’ils marchent en direction du manoir Haven, rejoignant la réalité qu’ils aiment parfois tant oublier. « We should make a promise. » Noé arque un sourcil alors que Nael ne l’écoute pas. « Something like a blood pact. » Le mot sang élève la curiosité de Nael alors que Noé se contente de grimacer. Ses frères n’ont pas l’air convaincu, mais elle sait qu’avec quelques arguments bien ficelés elle les aura dans sa poche, comme à chaque fois. Comme toujours. Parce qu’au fond, malgré tout, c’est toujours Nomi qui décide, qui les vire d’un côté à l’autre. Elle a le pour-parler dans leur dynamique, le contrôle de la situation, le dernier mot. Et jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont pas cherché à questionner son autorité, ni à se rebeller contre. Obéissants et parfaitement enclins à la suivre dans ses plans rocambolesques, elle est la colle qui les tient ensemble, le gouvernail de leur existence. Et c’est exactement comme ça qu’elle se complet. « A pact for what ? » Que Nael demande, aucune méfiance dans sa voix, juste une interrogation complètement justifiée. Il ne bronche jamais face au sang ou face aux mauvaises idées de sa sœur, au contraire, il est en général toujours le premier à s’y jeter tête première. Et pour ça, elle pourrait presque lui pardonner son idiotie. « A pact where we promise we’ll never leave each other, and we’ll never let anything, or anyone come between us. » Nael pousse un peu sa soeur alors que Noé a toujours l’air terrifié à l’idée de faire ce pacte. Elle peut voir le scepticisme sur ses traits et les mécaniques de sa cervelle tourner dans sa caboche alors qu’il réfléchit aux conséquences que leur plan pourrait avoir. « I don’t know Noms. Seems kind of dangerous...Plus, we don’t need to promise anything; if we’re not together then who are we? » Nomi le sert davantage, il n’a pas tort. Ils n’ont jusqu’à maintenant pas eu une seule fois besoin de se promettre de rester ensemble pour toujours, parce que finalement ça s’est fait naturellement. Deux sans trois, elle sans eux, eux sans elle, ce n’était évident pour personne, au contraire. Ils sont une évidence, un trio indestructible. « Don’t be a chicken Noé. We have nothing to lose by doing it, on the contrary it officializes what we’ve said all our lives. » Mais elle insiste, elle insiste parce que Nomi aime avoir des preuves, elle aime avoir un plan bien échafaudé, elle aime savoir que ses frères la suivront jusqu’au noyau de la terre sans jamais broncher. « Come on Noé, it’ll be fun, and we have nothing else to do, I'm boooored. » Nael rajoute sa pierre à l’édifice alors qu’elle voit la détermination de Noé vaciller. Elle sait qu’avec nael de son côté, Noé ne prendra pas longtemps à les suivre. « All right. How do you want to do it? » Nomi sourit de toutes ses dents alors qu’elle attrape les mains de ses deux frères et les traîne en direction de sa chambre. Elle s’agenouille à côté de son étagère et sort une vielle boîte poussiéreuse sur laquelle elle souffle. « So, we’ll put in this box an object that is very dear to us with a paper where we wrote the promise on. » Nael hoche de la tête alors qu’il tape son menton de son doigt, faisant mine de réfléchir. « And then we’ll burry the box in the garden and seal it with our blood. » Noé grimace, Nomi hausse les épaules alors qu’elle ouvre la petite boîte. Elle se tourne vers son petit bureau où elle récupère trois feuilles qu’elle leur tend. Ils écrivent, planifient les détails, cherchent l’objet qu’ils souhaitent y mettre et retournent à l’extérieur. Nomi arrête ses frères d’un geste et les regarde sérieusement. « We can’t tell anyone about this, not even Nerin. » Nael hoche la tête sans véritablement réfléchir alors que Noé a l’air sceptique, mais il se contente de hausser les épaules au lieu d’argumenter avec sa soeur; il sait que de toute façon c’est peine perdue. Ils se dirigent vers l’arrière du petit jardin où ils creusent un trou, Nomi dépose délicatement la boîte dedans et tend sa main en direction de Nael pour qu’il lui donne le couteau. Elle coupe son index tout en grimaçant. « Are you going to cry? » Nomi fusille Nael du regard et lui flanque un coup sur la tête, éteignant le sourire satisfait de son frère qui lui rend son regard furibond. Nomi inspire, expire et commence à scander: « I promise I’ll never leave my brothers and will never let anyone, or anything come between us. If I fail to keep my promise, the gods may punish me as they seem fit. » Une goutte, puis deux de son sang tombe sur la boîte alors que Noé et Nael font de même. Le trou est recouvert, les rires fusent, les bras liés aux uns et aux autres ; ils sont peut-être fous, peut-être incompris, peut-être innocents, mais au moins ils sont ensembles.
Pour toujours et à jamais. Ou du moins c’est ce qu’ils pensaient.


Nomi prend la main d’Ezra et de Nael et les tire vers l’extérieur de la bâtisse afin qu’ils puissent vagabonder loin de leurs parents. « Wait for me. » La voix de Nerin résonne dans le hall de la maison alors que Nomi se retourne lentement. Regardant de bas en haut sa sœur avec sa signature de mépris, elle lève les sourcils et se détache de son meilleur ami et de son frère. « And why would we do that? » Un petit sourire mauvais se mue sur les lèvres de la Haven alors qu’elle observe sa petite soeur. Cette petite soeur dont elle n’a jamais voulu. Elle ne comprend pas pourquoi ses parents ont ressenti le besoin d’avoir un quatrième enfant, pourquoi ils les ont forcés à devoir lui faire de la place dans leur fratire. « I want to play with you. » Nomi ricane alors qu’elle ébouriffe les cheveux de sa soeur. Ça pourrait presque être un geste fraternel, amical, mais c’est tout le contraire. C’est condescendant, preuve que Nomi ne voit pas sa soeur comme une soeur, mais bien comme un inconvénient. « What makes you think we want to play with you? » Qu’elle répond alors qu’elle voit Nerin se replier sur elle-même. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, qu’elle se fasse repousser par une aînée bien trop injuste, bien trop jalouse de l’attention que la cadette reçoit. Nomi veut les projecteurs sur elle et elle seule, elle veut être la fierté de ses parents, elle veut leur prouver qu’elle est tout aussi robuste que ses frères, tout aussi capable de rendre le nom Haven fier. Mais Nerin, Nerin existe et dans son existence tout ce qu’elle réussit à faire, c’est ternir les accomplis de sa sœur. « Come on Noms, it’s getting dark soon. » Qu’elle entend Ezra crier alors qu’il a déjà un pied dehors. Nomi ne perd pourtant pas le contact visuel avec sa sœur. Son regard se fait dur, presque méchant, expulsant toute sa rage à son égard ; à croire que Nerin y peut quelque chose, d’être en vie, d’exister. D’être tout simplement là. Elle sait que face aux parents, elle doit se comporter comme la grande sœur qu’elle n’a jamais véritablement été, ainsi que face à Noé, Noé qui aime prendre cette inutile petite chose sous sa protection. Mais face à Ezra ou Nael, elle s’en fout, parce qu’Ezra est indifférent, bien trop dans son monde, bien trop dans sa bulle, ce qui l’intéresse c’est jouer, c’est vivre et non pas la cadette de la famille. Et Nael, Nael parfois se bat, il tente d’amener raison à sa triplette sans pourtant jamais y parvenir ; peut-être que s’il y mettait plus de conviction, alors elle consentirait à l’écouter. « Please. » Que Nerin murmure alors que le rictus de Nomi s’agrandit à perte de vue. Prédateur et cible, loup et biche. Nerin n’a pas encore le courage ou l’insolence de se défaire de la mauvaise humeur de sa sœur, alors elle la subit. « No, you’re too small, you won’t be able to follow and you’ll only slow us down. » Refus catégorique, comme toujours. Si Nomi devait offrir un compliment à sa sœur, ce serait sur sa détermination, cette détermination à toujours réitérer la tentative, à toujours demander alors qu’elle connaît déjà la réponse. « Why do you always have to be so mean? » La lèvre inférieure de la cadette tremble, signe de larmes qui finiront par couler sur ses joues et si Nomi était peut-être une personne meilleure, quelqu’un de bien, elle regretterait ses mots et sa rudesse. Mais ce n’est presque jamais le cas, tout du moins jamais avec Nerin. « I’m teaching you a lesson here Rin. In life, you won’t always get what you want, and playing with us is one of them. » Parce qu’elle aime se faire passer pour le héros, pour la sauveuse, pour la grande soeur qui sait cracher ses sagesses ci et là sans réellement y croire. Elle ne fait pas ça en guise de leçon, ou peut-être que si, mais pas celle qu’elle blablate. Non, ce qu’elle veut faire comprendre à Nerin c’est qu’auprès d’eux, elle n’aura jamais, ô grand jamais sa place. « But why? I can run as fast as you can if I put my mind to it, I won’t slow you down, I promise. » Nomi lève les yeux au ciel alors qu’elle bride sa colère et cette jalousie qui pompe dans son crâne. Elle sait que Nerin est rapide, elle sait même qu’elle est agile, presque tout autant qu’elle, alors qu’elle a deux ans de moins. Et ça rend Nomi folle de rage, de savoir qu’un jour, un jour peut-être, sa sœur sera capable de la rattraper ; qu’elle sera la meilleure et que les rôles soient inversés. « I said no. Don’t you have friends? Why do you always keep following us? It’s like you’re a dog or something. » Le ton est froid, presque menaçant alors qu’elle fusille sa petite soeur du regard. « Noms you’re being too harsh. » Nael se décide enfin à intervenir, mais c’est d’une petite voix à peine audible. Commentaire qu’elle ignore. Elle lève la main dans sa direction lui faisant signe de se taire avant de le dire. « Shut up Nael, I’m teaching her a lesson here, I’m being her big sister, isn’t that what she wants? A sister? Well here you have it. » Nael secoue la tête comme exaspéré, mais ne dit pas plus, ne se bat pas davantage pour les droits de sa petite sœur. Il est toujours comme ça, éviter le conflit, particulièrement avec Nomi. Nomi qui elle ne flanche jamais, est prête à tout pour defender ce qui lui revient; ou détruire ce qu’elle méprise. « Sometimes it’s really hard no to hate you. » Que sa soeur chuchote. Le sourire satisfait de Nomi tombe alors que la signification de ses mots la frappe de plein fouet. Haine. Colère. Rage. Jalousie. Discorde. Et injustice. Des choses que Nomi fait endurer à sa sœur depuis qu’elles sont gosses, depuis que Nerin a l’âge de les suivre. Ça ne devrait pas l’étonner de savoir que sa sœur la déteste, à sa place Nomi aurait probablement fait de même. Alors elle pourrait concevoir d’enterrer la hache de guerre, elle pourrait arrêter d’être cruelle, mais à quoi bon ? Ça ne sert à rien, parce qu’à la fin, si Nerin saura brider sa colère, Nomi sait qu’elle ne pourra jamais brider son ambition et cette terrible jalousie. « The feeling is mutual. Now go be useless somewhere else. » Qu’elle crache presque, alors que le visage de Nerin se déconfit davantage. Mais elle écoute, elle tourne les talons et disparaît dans la cuisine alors que Nomi se retourne avec un petit sourire. Encore une bataille gagnée. « Don’t you think you’re being a bit too mean to her? » Elle lève les yeux en direction de Nael et hausse les épaules. « It’s to toughen her up, she’ll thank me one day. Plus, I didn’t see you coming to her rescue. » Nael fronce les sourcils, puis soupire alors qu’il passe sa main dans ses cheveux dans un geste nerveux. Il semble presque sur le point de lui déglutir des vérités qu’il retient depuis des années, mais Ezra use de cet instant pour taper contre la baie vitrée. « Can we stop talking about Rin and like go play please? » Nomi tourne la tête dans sa direction, avant de jeter un regard interrogeant à son frère. « I’m just saying Noms, she’s our sister, she’s family, you should start treating her like it. Now let’s go, we’ve been waiting enough. » Il s’en va, alors que Nomi reste plantée dans le centre du hall, sa tête tournée en direction de la cuisine. Elle pourrait appeler sa soeur, lui dire qu’elle a change d’avis.
Et pourtant, Nomi, comme Nerin, savent qu’elle ne le fera pas.


Il la regarde avec ces yeux, ces yeux dont seul lui a le secret. Il est parfaitement immobile, son regard fixé dans le sien, une sorte de plaidoirie dans ses iris qui aurait presque pu la faire rire ; si cette situation n’avait rien du sérieux qu’elle avait. « Marry me Nomi, you know I love you, more than anything. » Qu’il lui avoue. Elle inspire, expire, et tente de ne pas rire. Ils étaient amis, rien de plus. Une amitié qui avait enduré le temps, qui avait enduré la vie et les méandres de leur adolescence. Il ne pouvait décemment pas penser que c’était plus, pas alors qu’elle lui avait toujours fait comprendre qu’elle ne se marierait pas. Jamais peut-être. Surtout pas à lui. Les lèvres retroussées, le cœur peut-être quelque peu battant, elle pose sa tête dans ses mains. « I can’t. » Elle serre la mâchoire, peut-être plus douloureusement qu’elle ne devrait. Frustrée, situation hors de son contrôle qu’elle pensait pourtant avoir mis sous scellé, elle sent que l’amitié qu’ils ont construit lui file entre les doigts comme de la poudre. Irrécupérable, un pas qu’il a décidé de prendre, sans véritablement la concerter. Un trait tiré sur des années à se supporter, s’aimer. Platoniquement. « Why not? » Qu’il demande presque innocemment. Mais il sait, il connaît toutes les raisons qui l’amènent à refuser. Une amitié, pas un amour; pour lui elle ne connaît que les rires, les grimaces, les mauvais et les bons jours. Rien de plus, rien de moins. Elle ne s’imagine pas pouvoir l’embrasser, elle ne s’imagine pas pouvoir passer sa vie auprès de lui, bague au doigt, mariée pour le pire comme pour le meilleur. Until death do us part. Elle grimace, acte qu’il remarque, grimaçant à son tour, il passe ses doigts dans ses cheveux et soupire. « You know why. I’m.. I’m not ready to get married, I want to fight, I want to prove to my family I deserve all of this. You’d get tired of it, of me. » Qu’elle articule alors qu’il rit, il rit de ces rires qui n’ont rien de joyeux, mais tout d’une ironie difficile à avaler. Il lève ensuite les yeux au ciel et s’approche d’elle. « I would never get tired of you. I love you Nom’, I really do. I think since the day I’ve met you, I’ve been in love with you. » Elle avale difficilement la salive coincée dans sa gorge, alors qu’elle ressent l’envie imminente de pleurer. Parce qu’elle l’aime, elle l’aime beaucoup, trop, mais pas comme ça, pas comme lui le voudrait. Nomi serre les poings, enfermée dans une cage, recluse contre un mur, elle sent les larmes monter et la colère se fragmenter. « It’s not going to work, maybe you don’t believe me now, but eventually you will. » Elle marque une pause avant de s’approcher de lui pour prendre ses mains, geste qu’il rejette quelque peu trop brusquement. « We’re friends Ez’, I love you, but i’m not in love with you. » Le visage déconfit, il recule de quelques pas et soupire longuement. Un silence désagréable s’installe entre eux, alors que Nomi ressent un besoin instantané de prendre ses jambes à son cou et fuir. Fuir ce champ de bataille, cette situation hors de son contrôle, ces sentiments non réciproques qui viendront la hanter plus tard. Et si c’est une erreur, et si elle l’aime, et si elle n’a pas reconnu leur connexion ? Elle serre la mâchoire ; c’est de sa faute à lui si elle ressent cette satané indécision. « Is that all ? » Qu’il balbutie alors qu’elle sent les battements de son cœur pomper rapidement, trop vite. Elle ne répond pas immédiatement et face à son silence, Ezra tourne les talons. « No. » Il se retourne brusquement, l’espoir plaqué sur les traits, les mains bouillonnantes à ses côtés. « What ? What is it ? » Elle se hait, elle se hait pour les prochains mots qui vont s’échapper de sa bouche, parce qu’elle sait, elle sait pertinemment que ce n’est pas ce qu’il veut entendre. « I hope we can still be friends. » Il hoche de la tête un peu trop vite, regarde ses chaussures avec attention, avant de lever la tête, fixer son regard dans le sien, un sourire forcé se muant sur ses lèvres. « I hope so too. » Puis, il tourne les talons, s’en va ; laissant dans son sillage un amas d’interrogations qui ne devraient pas être là, si au fond tout ça n’était véritablement que platonique.


Il la regarde complètement ébahi, choqué peut-être avec un brin de colère qui vient faire briller ses iris. « Why now ? » Qu’il dit, murmure à peine audible, croassement bridé par la rage et la frustration. Et elle pourrait s’en vouloir, elle pourrait vraiment s’en vouloir de jouer à la girouette, d’être si indécise, et pourtant c’est plus fort qu’elle. Elle ne sait pas exactement quand elle a eu la réalisation, peut-être peu après leur conversation ou à l’instant même où ses fiançailles à Nerin lui ont été annoncé ; mais la jalousie est venue s’emparer de tous ses membres, une jalousie si ébouriffante qu’elle n’a pu s’empêcher de lui en faire part. « I honestly don’t know. What I know though is that I’ve been such an idiot. » Ça le fait sourire, un sourire timide encore bien trop désillusionné par la confession bancale qu’elle lui a offerte. Elle l’aime oui, et bien plus que platoniquement. Est-ce que c’est trop tard ? Elle n’en sait rien. Est-ce que c’est peut-être motivé par son obsession de dérober tout ce qu’a sa sœur ? Potentiellement. Mais même si ses motivations ne sont pas les plus glorieuses ou les plus honnêtes, elles sont ce qu’elles sont. Parce qu’à la fin, à la fin elle sait très bien qu’elle l’aime, elle l’aime plus qu’un ami ; peut-être assez pour un époux. « This is absurd. Nerin and me just announced our engagement. You have terrible timing Nom’, like really terrible. Everybody knows and I’m not a toy, you sisters can pass around. I won’t just wait around and come when you call for me. » Elle fronce les sourcils. Non pas qu’elle s’attendait à un accueil à bras grands ouverts, mais elle s’attendait à plus, bien plus. Serrant la mâchoire, comprenant rapidement que cette situation, encore une fois, lui file entre les doigts, elle inspire, expire. Ce n’est pas le moment de s’énerver, de crier, gueuler, ce n’est pas le moment de lui montrer la pire facette de son caractère. « I know that, of course I do. I just.. when you told me, I was not ready. I needed time and I’m sorry, sorry that I came so late. » Elle marque une pause. « But you can’t possibly love her. Right ? » Il soupire. À croire que ces derniers temps c’est la seule chose qu’il sait faire. « I don’t, but I made a promise. » Il détourne les yeux, se laissant quelques secondes pour recomposer son visage, faire disparaître l’instant de choc auquel elle l’a soumis. « I feel like.. I feel like you’re doing this because it’s your sister, because you always wanted what she had. And now that she has me, you need to have that too. » Elle grimace à la franchise de ses mots, à la vérité que ceux-ci transpirent. Parce que c’est vrai, c’est vrai que Nomi n’a jamais accepté le fait que sa cadette puisse un jour la dépasser, qu’elle puisse un jour être meilleure qu’elle et savourer le feu des projecteurs actuellement encore vrillés en direction de son aînée. « I know it may look like that, but it’s not. » il la regarde droit dans les yeux, aucune once d’humour dans ses yeux, pas l’étincelle qui y réside habituellement. « You can’t have your cake and eat it too Nom’. I’m not some weapon in your war. » Elle attrape sa main avant qu’elle n’hésite, avant qu’elle n’oublie pourquoi elle est là, pourquoi elle vient tout juste de lui avouer ses sentiments, son amour, aussi bancal soit-il, pour lui. « Look, when I said I love you but was not in love with you ? Total bullshit. I think.. I think the reality of the engagement scared me to death, it made me want to cry and shout at myself for being such an idiot. » Elle dit ça d’une traite, un ton nerveux, un discours bien trop pressé, bien trop peu préparé. « I love you, that’s all there is. I promise. The engagement was only a trigger and nothing more. Just a reminder that you weren’t going to be by my side forever. And that thought, that thought alone terrified me. » Il secoue la tête, mais ne recule pas cette fois-ci alors qu’elle s’approche de lui. Elle retire une mèche rebelle de son visage et lui sourit. C’est un sourire sincère, un sourire lumineux, solaire qu’elle n’offre que très rarement. « This is a catastrophe and you're a mess. » Qu’il marmonne alors qu’elle attrape sa main. Il ne la rejette pas, ne part pas dans la direction inverse, ne prend pas ses jambes à son cou. Petite victoire qu’elle fête en agrandissant davantage le sourire qui orne ses lèves. « I’m sorry. » Il rigole pas encore pleinement, laissant les quelques touches de sa rancune abréger l’instant de joie, de frustration et d’incompréhension. Elle en profite pour se rapprocher de lui une nouvelle fois, et il lève enfin les yeux dans sa direction. « I love you too by the way. » Qu’il chuchote, alors qu’elle enroule ses bras autour de sa nuque et le serre contre lui. « I’m very happy to hear that. » Elle se décolle de lui avant de déposer ses lèvres sur les siennes ;
Au diable les conséquences, au diable les responsabilités, au diable Nerin, c’est au moins à deux qu’ils feront face au monde.


Nerin la fusille du regard, alors qu’elle empoigne la robe de mariée de sa sœur. En général, la cadette est silencieuse, obéissante, courbant l’échine à chaque faux pas mené par sa grande sœur, leur relation semble pourtant aujourd’hui avoir pris un tout autre tournant. Il n’y a que la colère dans ses yeux, un semblant de rancune que Nomi ne peut pourtant pas ignorer, pas cette fois-ci. « You had to do it didn’t you? » L’aînée hausse les épaules, feignant une ignorance qui n’existe pas. Parce que Nomi sait tout, elle sait tout des maux qui troublent sa famille, son propre sang ; et ce mal, celui profondément ancré chez Nerin, c’est bien elle qui l’a provoqué. « It was too much for you to know that I had something that you didn’t, right? » La cadette ne crie pas, mais le ton est glacial, froid, orné d’une rancune qu’elle a jusqu’à aujourd’hui, toujours su cacher derrière de jolis petits sourires. Nomi l’a peut-être cette fois-ci poussée à bout, peut-être qu’elle a réussi, pour la première fois, à véritablement faire sortir la nerin qui sommeillait là-dedans ; derrière cette fausse modestie, cette méprisante politesse. « It’s not like that Nerin. » le ton condescendant ressort, alors que Nomi lève exagérément les yeux au ciel, comme si ça sœur racontait des conneries qui ne faisaient aucun sens. Mais elles deux savent que ce n’est pas le cas ; que les accusations sont justifiées, qu’elles ont tout d’une base pour faire éclater la dispute qui gronde depuis des années. La confrontation a trop longtemps attendu, tapie dans les ombres, attendant impatiemment de pouvoir sortir et leur sauter à la gorge. Nomi n’est pourtant pas dupe, plutôt crever que de lui donner raison, plutôt crever que de lui dire pourquoi elle a fait ça, pourquoi elle est comme ça. À vouloir tout lui dérober, à être terrifiée à l’idée que Nerin pourrait un jour la dépasser. Contrôle et perfection, deux mots que la cadette a toujours menacé, deux mots qui résument pourtant l’existence de son aînée. C’est tellement plus simple de nier, de la faire passer pour la méchante, plutôt que d’endosser le rôle de l’accusée. « But it is, isn’t it? You’ve been doing this for as long as I can remember. » Nomi lève enfin les yeux en direction de sa soeur un sourcil arqué. Elle se demande si au fond, son talent caché n’est pas la comédie, l’art pour la théâtralité. Elle pourrait presque, presque se faire croire que sa sœur a tort et qu’elle a raison depuis le début. « What is that supposed to mean? You don’t even love him, why are you so worked about this? » Qu’elle rétorque avec une audace qui l’étonne. Elle fait preuve de mauvaise foi, la même mauvaise foi avec laquelle elle a traité sa sœur depuis leur enfance. « Because. » Sa sœur lâche la robe et se lève d’un bond, alors même qu’elle serrer la mâchoire. Son corps est arqué rejetant une aura de colère, cette colère que Nerin a toujours réussi à brider. Nomi pourrait presque sourire, sourire à l’idée d’avoir enfin provoqué sa cadette au point où celle-ci ne pourrait plus hocher docilement de la tête. Mais la discussion n’a rien de l’humour, elle a tout de la tragédie que Nomi a provoqué. « Because I have every right to. Because you’ve been casting me aside, ignoring me, snapping at me, stealing from me since we were children. It was my time to shine, it was my time to do something for this family and you had to step in and break everything. » C’est regardé un accident de loin, ne pas savoir réagir tout en sachant pertinemment que les conséquences seront grandes, dévastatrices. Cette relation qu’elles ont, elle ne tient plus que sur un fil. À force de l’avoir poussée, Nerin combat, elle combat toute l’influence que nomi a voulu apposer sur elle. Relation fraternelle presque ambidextre, à jouer entre la grande sœur protectrice et la sœur jalouse, elles n’ont jamais véritablement su sur quel pied danser. Mais ça n’a jamais été la faute de la cadette, toujours sa faute à elle, cette faute qu’elle ne saura jamais véritablement accepter. Parce qu’elle ne sait pas exactement pourquoi, pourquoi elle s’est obstinée toutes ces années à la détester. Alors Nomi fait ce qu’elle sait faire de mieux, elle dévie la discussion, elle se fait passer pour la sauveuse, l’héroïne de son propre roman, alors même qu’elle préfère s’immiscer dans celui des autres. « Oh, come on, he doesn’t love you, you would’ve been miserable, both of you. I did you a favor by ‘stealing’ him although I wouldn’t call it that. You knew what we meant for each other; you knew he was never meant for you. » Et ça, pour une fois, c’est toute la vérité. La pensée même d’un futur pour Nerin et Ezra lui semble absurde, ils ne sont pas faits l’un pour l’autre, ils ne sont pas faits pour s’aimer. Pas comme Nomi et lui. Alors peut-être que la manière de faire est reprochable, peut-être même qu’elle est difficile à justifier, mais elle est quelque part honnête ; honnête à ses yeux tout du moins. « Maybe, but still, it wasn’t your decision to make, he was not yours to take, not when he and I had an agreement. » Elle sent l’agitation chez sa cadette, ce feu qui brûle dans ses entrailles et qui n’attend que de vouloir sortir. Nomi pourrait continuer à la provoquer, elle pourrait pousser l’accusation davantage plus loin, mais avant d’avoir le temps d’ouvrir la bouche, sa sœur réitère son attaque. « You just... You just need to control everything don’t you ? My life, his life, the life of our brothers. You have to shape it into something you want, and not something we want. » Nomi lève les yeux au ciel à la naïveté de ses mots. La vie est conquise par ceux qui n’ont pas peur de marcher sur les plates-bandes des autres, ces gens-là s’appellent des opportunistes, et jusqu’à maintenant, en ce jour, Nomi n’a jamais manqué une opportunité. Si cela voulait dire contrôler la vie des siens pour s’assurer qu’une ambition assoiffée serait abreuvée, alors qu’il en soit ainsi. Personne ne s’en ait jamais plaint, jamais jusqu’à aujourd’hui.

« Where is this all coming from? You’ve never complained before especially not when my control was ensuring your protection, or your happiness. » Ah. Le mélodramatique, mécanique de défense, pointant du doigt l’accusateur, usant de ses émotions pour lui infliger mauvaise conscience. Un petit jeu que la Haven a perfectionné au cours des années afin de s’assurer de toujours avoir ce qu’elle convoitait ; cette fois-ci c’est avoir raison. « I. was. Not. Happy. Just because you thought I was, didn’t mean I actually was. You have to stop this nonsense Nomi, really stop or... » Phrase laissée en suspension, menace qui se construit, se forge face aux arguments peu convaincants de l’aînée et la colère de la cadette. « Or what? » Nomi n’a pas peur de sa soeur, elle sait très bien ce dont Nerin est capable, et ce n’est rien comparée à ce qu’elle serait capable de faire pour protéger les siens et ce qui lui est dû. Elles sont fondamentalement différentes ; chez nerin il bat un cœur, un cœur presque innocent, dans la cage thoracique de Nomi ce qui pompe c’est son besoin de contrôle, son ambition, celle qui a remplacé tout ce qui fait d’elle un humain. Femme robot, l’empathie ou la pitié l’ont quitté il y a bien des années, qualité (ou défaut) dont Nerin est dénudée. « Someday it’ll all coming back to haunt you, I swear. You think you’re doing this for us? You’re just doing it for yourself. You’re selfish and you try to mask it by making us think that you’re doing it for us. At least stop being so delusional and accept the fact that this, this whole thing is for your own damn self. » Nomi rit à ces mots et lève un sourcil. Elle n’a jamais nié que son organisation, que le contrôle qu’elle émane est pour son propre bien à elle, avant tout, puis celui des autres. Égoïste masquée, désillusion ancrée dans la moelle de ses os, jusqu’à maintenant tout a toujours fonctionné ainsi ; pourquoi changer de mauvaises habitudes alors qu’elles ont toujours porté leurs fruits ? « And what if it is? What are you gonna do about it? Cry? Tell our parents? Take revenge? I’d really like to see you try. » Elle se croit intouchable, avec ses grands airs, ceux d’une grande soeur bien trop condescendante. Et pourtant, elle n’arrête pas, elle n’arrête pas pour lui avouer qu’elle a peut-être raison, que peut-être tout ce qu’elle fait c’est pour abréger cette jalousie qui s’émancipe dans ses entrailles depuis qu’elles sont gosses. Alors elle préfère provoquer, faire passer Nerin pour celle désillusionnée, alors qu’au fond, celle qui se berce d’illusions, n’a toujours été que Nomi. « Now if you don't mind, I have a marriage to plan and you’re doing nothing for my good mood. » Nerin la fusille du regard et serre les poings à ses côtés. Elle est en colère, plus en colère qu’elle ne l’a jamais vue. « Screw you Nomi. » Elle marque une pause comme hésitante avant de balbutier. « Soon enough, karma’ll get to you and I’ll be right here to watch. » Menace à peine voilée, Nerin tourne les talons, sortant de la chambre dans un bond. Laissant une Nomi perplexe ; peut-être même terrifiée à l’idée de l’avoir tant poussée.


Elle sourit, de ces sourires lumineux, sincère, alors qu’il le miroite à son tour. Cœur sur la main, doigts liés, elle se rapproche de lui et lui chuchote à l’oreille. « I’m going to become Nomi Galathynius, isn’t it weird ? » Il embrasse sa joue chastement alors qu’il serre davantage son emprise sur ses doigts. « To me, it sounds perfect. » Leurs familles les regardent, quelques-uns les larmes aux yeux, d’autres un sourire aux lèvres. Ils ont l’air tous heureux et elle espère qu’ils sont tous aussi heureux qu’elle. Ils se sont fiancés sur un coup de tête et quelques mois après le mariage était organisé ; elle l’aime, c’est indéniable. Et il l’aime, dieu qu’il l’aime. C’est innocent, c’est presque beau, cette innocence dans l’âme et dans le cœur, cette impression de pour toujours et à jamais. La prêtresse incline sa tête en guise de salut et commence la cérémonie alors qu’Ezra ne lâche jamais son emprise sur sa main, elle fait de même. Nerveuse, peut-être plus que jamais, elle sait pourtant que c’est la bonne chose à faire, la correcte chose à faire. Capitaine dans l’armée, mariée, elle exhausse tous les rêves de sa famille, ces idéaux qu’elle a toujours défendus bec et ongle. Elle ne pensait pas se marier, pas dans cette vie, ni une autre et pourtant elle l’a trouvé lui. Lui qui la fait rire, sourire, qui comprend et qui accepte. Qui ne bronche pas face à l’ouragan qu’elle sait être, face au contrôle qu’elle émane. Il lui remet les pieds sur terre, une attache à la réalité et non pas aux illusions qu’elle aime parfois tisser. He’s her perfect match and she’s his. (…) « I, Nomi Haven, take you, Ezra Galathynius, to be my lawfully wedded husband, to have and to hold, from this day forward, for better, for worse, for richer, for poorer, in sickness and in health, until death do us part. » Qu’elle balbutie alors qu’Ezra lui sourit, c’est le moment, le moment qu’ils ont tant entendu. Les mots se sont échappés de ses lèvres sans qu’elle comprenne vraiment leur sens. Elle venait d’accepter son mariage, de déclarer qu’il serait son mari. Dans la vie. Et dans la mort. Son cœur manque un battement alors que la prêtresse leur fait échanger les bagues. « You can now kiss the bride. » Ezra enroule son bras autour de ses hanches et dépose ses lèvres sur les siennes. Un sourire fend les lèvres de la Haven, maintenant Galathynius, alors qu’elle pose ses mains dans sa nuque. « We did it. » Qu’il murmure contre ses lèvres alors qu’un rire s’échappe de sa bouche. « We did. Any regrets ? » Il la serre davantage dans ses bras. « Never. You ? » Elle se détache de lui pour faire face à leurs proches, tout en ne le lâchant pourtant pas du regard. « Never ever did something feel so right. » Ils descendent les escaliers en direction de leur futur ; leur nouvelle vie.
À deux.

Elle regarde autour d’elle ; le cœur sur la main, le sanglot niché dans la gorge, elle ne semble plus appartenir à ce monde, non, elle a l’impression de le regarder à travers une lucarne, bien loin de tout. Bien loin des cris, bien loin de la mort, bien loin de l’agonisante douleur nichée dans sa poitrine. Et elle crie, se mêlant au reste des siens qui gisent à présent à ses pieds, tout ce qu’elle balbutie c’est un truc viscéral, un truc inhumain. « We have to go Nomi. » Qu’elle entend dans son dos, alors qu’elle se rend compte qu’elle vient de tomber à genoux. Quelques minutes ont fait toute la différence ; bombe détonée, tout son bataillon envoyé dans les airs, morceau par morceau retombant au sol. Retombant à ses pieds. Elle sent les larmes couler sur ses joues alors qu’elle ramasse une poignée de poussière. Nomi se tourne en direction de la voix, Nael la regarde, les yeux emplis de larmes et de chagrin. Leur famille. Leurs camarades. « They’re all dead. » Qu’elle croasse alors que ses sanglots commencent à s’emparer de tous ses sens. « They’re. Dead. » qu’elle murmure cette fois-ci. Elle a du mal à comprendre ou même y croire.  Son frère s'agenouille à ses côtés, le regard lointain, les poings serrés, il finit pas s'asseoir et lui prendre la main. « I'm sorry. » Qu'il balbutie alors qu'elle est tout autant désolée pour lui. Vingt personnes dans ce bataillon, sa famille de destitution, ses amis, ses collègues avec qui elle est passée par monts et merveilles. Ils savaient tout d'elle, ils savaient qui elle était, ce dont elle était capable, qui elle était véritablement. Et aujourd'hui ils ne sont plus. Son coeur manque un battement à l'idée d'avoir pu perdre Nael, à l'idée d'avoir pu perdre son frère; mais elle doit se rappeler qu'il est face à lui, main dans la main, ils ont survécu et c'est cette pensée seule qui la réveille. Elle voit au loin des soldats, une guerilla prend place face à ses yeux alors qu'ils sont attaqués par des personnes masquées et armées jusqu'au dent. Elle serre les doigts de son frère et se tourne en direction de la fumée provoquée par les bombes. « What's happening? » qu'elle articule alors qu'elle sent un terrible deuil s'emparer de sa cage thoracique. Elle a du mal à respirer, à même parler alors même que le chagrin et la peur viennent enivrer ses sens. Elle sait où elle est, ce qu'elle a à faire, et pourtant elle ne bouge pas. Immobile face au chaos, immobile face à la mort qu'elle vient tout juste d'effleurer de ses doigts, elle repose sa tête sur l'épaule de son triplé et commence à violemment sangloter. « You're hurt Nom'. » Elle regarde ses jambes et ses bras et remarque qu'un débris s'est positionné dans son abdomen. Le choc et l'adrénaline pompent toujours violemment dans ses veines et la douleur se fait minime, et pourtant il a raison. le sang coule, coule, coule à perte de vue. Mais Nomi s'en fout. Qu'elle crève ici, ça ne fera aucune différence. Contrôle perdu, espoir étouffé, elle sent rien, plus rien, ne serait-ce la terrible impression que sa vie vient de finir. « I don't care. » Qu'elle murmure. Mais Nael ne l'écoute pas, il se lève d'un bond et tire sur sa main qu'il n'a pas encore lâché. « But I do. I won't lose you too. We have to go, bring you to safety. » Elle rit, de ces rires sans émotions. Qu'est-ce que la sécurité, qu'est-ce que sont des soins quand elle ne veut pas guérir? Quand cette plaie est la preuve qu'elle aurait, elle aussi, dû tomber aujourd'hui. « I don't care. » Qu'elle dit en secouant la tête alors que Nael continue à tirer sur son bras. Elle l'entend soupirer, alors qu'il arrête enfin son caprice. il tente de la regarder droit dans les yeux, mais Nomi fixe son regard sur un point au loin, un horizon composé de fumée et de cris. « Let me care for you then. » Une plaidoirie dans sa voix, une demande logique, qu'elle se refuse pourtant à entendre. « Maybe I should die. I want to die. » Son frère grogne et attrape à nouveau sa main. Il se plante face à elle, de façon à ce qu'elle ne puisse pas détourner ses yeux. « Don't say things like that. Come on Nom', do it for me, please. » L'urgence dans la voix de son frère a l'effet escompté, elle se lève, mais pas avant de le repousser un peu. Fixant ses poings sur ses hanches elle le fusille du regard. Elle s'en fout. S'en fout de tout. « I. Don't. Care. » Son frère lève les yeux au ciel. « For fucks sake. » qu'il marmonne alors qu'il l'attrape et la dépose sur son épaule comme un sac de pommes de terre. Elle se débat, crie et mort presque, mais Nael ne bronche pas. « Let. Me. GO. » Elle sent son corps se tendre et voit qu'il a la mâchoire terriblement serrée. « No. » Le regard de Nomi parcourt le peu de la capitale qui a subsisté aux explosions et voit au loin un soldat qui n'en est pas un. Uniforme non militaire, mais armé, armé comme un commandant ou un capitaine, elle se débat davantage, l'emprise de son frère perdant de son mordant. « No let me go. I found one, one of them. I'm going to kill him. » Perplexe son frère la repose par terre et observe la silhouette qu'elle pointe du doigt. Elle attrape une arme posée par terre et s'approche du meurtrier, revigorée par la rage qui coule dans ses veines. À quelques mètres de lui, elle lui saute sur le dos, se fichant bien de son apprentissage dans le combat. c'est l'hystérie et la haine qui parlent, qui prennent contrôle de son corps, de ses mains qui agrippent l'épée qu'elle vient de trouver. « Little piece of shit. » Qu'elle crie alors qu'elle l'égorge, un amas de sang lui explosant à la figure. Un sourire fend son visage défiguré, alors que la douleur de son abdomen fait enfin effet. Sa vue se brouille alors même que Nael la rattrape dans sa chute. Elle ferme les yeux et sait pertinemment qu'elle ne devrait pas; la dernière chose qu'elle entend, c'est les mots tendres balbutiés par son frère.
Elle croit mourir et peut-être, peut-être que c'est mieux ainsi.


Nael entre dans le petit appartement suivi de près par Noé. Ils regardent les lieux et tous les deux grimacent simultanément, comme dégoutés par le chaos qui s’y trouve. Nomi ne peut pas leur en vouloir, après tout elle vit dans le bordel et la crasse depuis quelques jours, incapable de bouger ou se mouvoir, même Ezra a abandonné l'idée  de la faire se lever. Abonné aux absents, ça fait quelques jours déjà qu'elle ne l'a pas vu. Trop occupé, excuse qu'il lui sort dès qu'il le peut; mais ses excuses vagues elle n'en veut pas, elle sait très bien pourquoi il n'est pas là. Il l'évite et peut-être qu'à sa place elle ferait de même. « Come on, get up. » Nael la pousse avec son pied pour la secouer mais elle l'attrape et le pousse. « I don’t want to. » Il soupire tout en levant les yeux au ciel et réitère l'action avec un peu plus d'énergie. Elle grogne, et le frappe dans l'abdomen alors qu'il est forcé de faire un pas en arrière. « Fuck that, come on, get your ass up, we have things to discuss. » Elle arque un sourcil en guise d'interrogation, mais se voit vaincu par le regard réprobateur de Noé, celui qu'il a perfectionné avec le temps et qui a coutume de la faire courber l'échine. Elle le hait, tout autant qu'elle l'aime pour ça. Sa responsabilité, sa nature calme ont toujours eu un effet positif sur les Nael et elle, deux boules composées d'une énergie dévastatrice, Noé était l'intermédiaire, le modérateur, leur fil conduction; jusqu'à ce qu'il parte, jusqu'à ce qu'il quitte le navire pour se construire une vie ailleurs. Sans eux. Irritée, mais à la fois rassurée, rassurée de savoir que ses frères ne l'ont pas encore abandonné, elle se redresse et pose ses pieds sur le sol. « Pass me the water. » Ordre, autorité qu'elle a toujours vriller en direction de ses frères, ils n'ont pourtant cette fois-ci pas l'air impressionné. Elle aime contrôler, mais il semblerait qu'aujourd'hui le contrôle est entre leurs mains. « Ah, so you still know what water is then? Wasn’t sure considering all the ale bottles scattered on the floor. » Qu'il dit tout en tapant avec son pied dans une bouteille qui vient se fracasser contre le mur. Nomi le fusille du regard et se lève, tout en s'étirant. Elle sent les points de soutures s'étirer sur son abdomen, mais elle s'en fout. Que ça s'ouvre, qu'elle pisse le sang, peut-être que ça lui donnera une bien assez bonne raison pour ne pas retourner au front. Elle tourne ensuite son regard en direction de ses deux frères. « Is this an intervention? Are you here to save me? To tell me I need to get my shit together? Because fuck that. » Elle les fusille du regard avant d'attacher ses cheveux. S'ils sont là pour la forcer à revenir travailler, s'ils sont là pour lui dire que son comportement est tout sauf productif, elle sait, elle sait qu'elle va exploser. Parce que c'est ce qu'elle redoute depuis des jours, ce jour fatidique où ils forceront à se battre à nouveau pour une cause pour laquelle elle n'a que peu de convictions. Une armée qu'on dit forte et puissante et qui s'est pourtant faite écraser par quelques rouges à la gachette facile. Pathétique, voilà ce qu'ils sont; et nomi est déjà bien assez pathétique à elle seule. « Yes Nom’, this is an intervention, one that is well overdue. You can’t continue like this, mom and dad are starting to ask questions. » Elle lève les yeux au ciel puis les vrille en direction de Noé. Fils parfait, place à pourvoir après la chute de Nomi, elle sait que son frère en a toute la carrure, et surtout la patience. Elle pourrait le haïr pour ça, mais l'idée même qu'il puisse dérober cette place à Nerin l'en empêche. Ça la cajole presque. « Fuck them too. » Qu'elle rétorque alors qu'elle hausse les épaules et leur envoie un rictus qui n'a rien d'honnête. « You look like you were run over by a truck. » Que Nael rétorque alors qu’il lui donne un de ces sourires méprisants qui la mettent hors d’elle. « Wow, thanks. » Il la pousse et s’assoit sur son lit nonchalamment, comme seul Nael sait le faire. Elle a envie de le baffer, de le virer de son appartement, de crier et de leur dire d’aller se faire royalement foutre. Elle se contente de les fusiller du regard tout en croisant ses bras sur sa poitrine. « If you're able to be your insufferable self again, you’ll be able to get back to work tomorrow. » Elle ricane. As if. Elle décroise ses bras et pousse Noé hors de son chemin, et s'avance en direction du robinet. « The hell I am. Do you think I’m in shape to work ? Do I look okay to you ? » Noé pince les lèvres comme pour s'empêcher de lui faire une remarque désobligeante; ah ce frère presque parfait, toujours tiré à quatre épingles, parfait même dans la provocation, même dans la dispute qui commence à détoner. Ce contrôle qu'il a sur lui, ce contrôle qu'elle a perdu. Et pour ça, pour ça elle le hait plus que jamais. « You know they don’t care for that. » Qu'il riposte, le ton est condescendant, exaspéré. Mais Nomi l'ignore, elle l'ignore comme elle a toujours su si bien le faire. Lorsqu'elle échafauder un plan qui était moralement répréhensible, il avait l'habitude d'utiliser la même voix.  L'ignorance dont elle a toujours usé à son égard, surtout pendant de ce genre de situation, elle l'a perfectionné au cours des dernières années. Et pourtant, c'est la mine sérieuse cette fois-ci qu'elle se tourne vers eux. « Do you care, hm? » Parce que jusqu'à maintenant, tout comme Ezra, il s'est abonné aux absents, cette fois-ci depuis bien des années. Elle ne le voit pas comme un inconnu, parce que ça il ne pourra jamais le devenir, et pourtant elle ne le voit plus non plus comme son triplé. Là où Nael est resté à ses côtés, coûte que coûte, Noé s'en est détaché. Cherchant une indépendance que Nomi ne pouvait probablement pas lui donner. « Yes, even when you’re being a bitch, like now. » C'est Nael qui lui répond alors qu'il lui envoie son oreiller dessus. Elle pourrait l'étrangler, mais sait qu'elle ne le fera jamais. Pour tous ses défauts, une chose que Nael n'a jamais entravé c'est sa sincérité et surtout sa loyauté. À sa soeur, tout particulièrement, cette soeur qui l'a traîné dans n'importe quelle situation sans jamais qu'il ne bronche. Si elle ne l'étranglera pas, elle ne peut pourtant s'empêcher de ressentir une rancune à son égard qu'elle ne se reconnaît pas. Si Nael l'a toujours suivi, et n'a jamais, à proprement parlé, posé de problème, c'est parce qu'il s'est toujours contenté de sa place de second. Efficace, bon combattant, il n'est pourtant pas dévoué à son rôle de soldat comme Nomi l'a toujours été, il n'a jamais cherché à prouver son utilité ou sa place dans ce monde. Et pourtant, elle a entendu des rumeurs, des retours à propos de son frère; quand elle s'est écrasée suite à la tragédie dont ils ont été témoin, lui s'est élevé. Ne restant plus dans l'ombre, se jetant face aux feux des projecteurs, Nael a su remplir son rôle de roc, d'arbre inébranlable même par la pire des bourrasques. Et Nomi a échoué, elle a échoué vaillament. « Go back being the perfect little soldier you always dreamt to be. Funny isn’t that you finally got your shit together when I lost mine. Guess you were done being overshadowed by yours truly, hm? » Poison qu'elle crache aux pieds du frère qui le mérite le moins. Elle ne veut pourtant pas de leur aide, ni de leur pitié, si elle sait que Nael ne lui offrira jamais ça, elle se refuse pourtant à sa main tendue. Pourquoi? Parce qu'autrefois c'était elle qu'ils allaient voir pour de l'aide, c'était elle qui se chargeait d'intervenir quand rien n'allait plus. Les tables ont tourné, et ce fait même n'est pas encore dans le prospect de ses réalisations. Plutôt crever que d'accepter l'aide de quiconque; le meilleur moyen donc, est de les repousser en crachant des fausses vérités qui n'ont pas véritablement lieu d'être. « That’s hardly nece- » Noé, médiateur, et pourtant trop peu réactif. Elle lève la main comme pour le faire taire en lui offrant un orage dans ses yeux. « And you. You don’t care, haven’t for a long time. Always with Nerin and only her, not caring for us in Karez. You left us and barely gave a sign as if we didn’t exist anymore. Now you care? Pff, let me laugh. Even if you did it’s too late. » Parce que là où repose tout le noeud du problème. Noé est parti, et même si ce n'était pas son choix, il aurait tout pu faire pour revenir, pour être avec eux. Mais il a décidé de faire tout le contraire, de vivre sa vie paisiblement alors que tout tombait en ruines ici. Elle sent une rancune plus vieille que le temps remonter dans ses entrailles, alors qu'elle reverse toute sa colère, tout son poison sur eux, et surtout sur lui. Noé, les yeux grands ouverts, attentif qui n'a pas flanché, ni réagi face aux accusations qu'elle souhaite lui confesser depuis maintenant des années. « Shut the fuck up Noms and let us help. Pushing people away, especially us, won’t make us care less. On the contrary you just motivated me to piss you even more off. » Nael sauveur, venant toujours à la rescousse de son frère, de celui qu'il voit comme son cadet. Ça pourrait presque la faire rire alors qu'elle se souvient des moments où elle se moquait de Noé pour son incapacité au conflit. Mais cette fois-ci elle ne rit pas, elle ne rit pas, parce que ce problème, cette rancune elle n'est pas entre eux trois, mais entre elle et ce frère absent. « Fuck off. » Qu'elle dit tout en se tournant en direction de Noé.  « We made a promise and you didn’t keep it. » Qu’elle crache en pointant Noé du doigt. « Don’t have to pretend it isn’t true, because it is. So, go back to your pathetic lives and let me drink until I don’t even know my name. And what a great name it is. » Qu’elle ajoute amèrement alors qu’elle lève le menton dans leur direction comme un défi auquel ils ne pourront décemment pas se mesurer. Noé secoue de la tête comme exaspéré alors que sur les lèvres de Nael plane un rictus qui n’annonce rien de bon.  « We were children when we made that promise. We’ve grown up Nomi, you should try to do the same. I’m going to leave now; I’m too tired to put up with your shit and your ungrateful ass. » Il soupire longuement avant de se tourner vers Nael. « She’s all yours. » Nael applaudit alors que noé quitte l’appartement. Il a toujours été plus robuste que Noé, toujours plus enclin à la supporter, courant contraire au sien, il était pourtant un pilier, sa seconde moitié, plus que Noé ne le serait jamais. L’un était parti ; l’autre était resté. Et le voilà, souriant fièrement, ébouriffant les cheveux de sa sœur comme si de rien était, comme s’il y a quelques minutes elle ne l’avait pas insulté. « Mental breakdowns don't suit you. But now that you got everything off your chest, we can go fight. » Il attrape sa main et la tire en direction de son armoire. Il lui sort sa tenue d’entraînement et la lui jette dessus. « I’ll be outside. » Exaspérée, mais décidée à sortir toute cette colère de son système, Nomi courbe l’échine et enfile son pantalon puis son t-shirt. Si Noé n’est presque plus là, s’il n’est pas le frère qu’elle connaissait, Nael, lui, le sera toujours.


Son colonel la regarde droit dans les yeux, une once de sérieux dans son regard, un sourire crispé fendant son visage. Elle sait pas exactement pourquoi elle est là, mais à peine réveillée, à peine sortie de sa nuit à boire et à fumer, elle se sent particulièrement mal. Gueule de bois accentuée par le réveil matinal, elle regrette presque d’avoir dû obéir aux ordres de son supérieur. « Thank you for coming Captain Galathynius. » Le ton est froid, professionnel, mais signe d’un mauvais présage. Nomi a travaillé avec cet homme depuis ses dix-huit ans, ancien ami de ses parents, supérieur compréhensif, parfois même empathique, il l’a toujours apprécié, peut-être même favorisé ; pourtant aujourd’hui il n’y a rien de tout ça. C’est de l’indifférence qu’elle reconnaît dans ses yeux, peut-être même du mépris. Et elle a envie de s’enfoncer dans son siège et disparaître, elle a envie d’ignorer ce besoin constant de fuir, prendre ses jambes à son cou et partir. Elle sait déjà ce qu’il va lui dire, et pourtant elle nie, elle fait semblant que ce n’est pas la fin de sa carrière. Après tout elle n’a qu’elle-même à qui en vouloir, c’est de sa faute si elle boit, si elle fume, si elle déglingue sa vie pour tenter de s’ankyloser complètement dans son état de mutisme. Et pourtant c’est boire qui la sauve, qui lui fait oublier les cauchemars qui la hantent, qui l’aide à s’endormir quand rien ne semble fonctionner. « What happened to your comrades is a situation we all dread to face one day. It’s never simple to lose one of your own, but it is part of the job. » Elle déglutit alors que les images des attentats reviennent s’imposer dans son esprit, ce jour fatidique qu’elle tente tant bien que mal d’oublier, d’effacer, complètement gommer de sa mémoire. Elle voudrait hocher de la tête et dire qu’elle comprend, qu’elle comprend que c’est une partie de son travail, un sacrifice à faire pour protéger les siens ; et pourtant elle ne comprend pas, ne comprend rien. Pourquoi ce sont eux qui sont morts et pas elle ? pourquoi l’armée n’a pas encore contrattaquée ? Pourquoi cette attaque n’a-t-elle pas été évité ? Trop d’interrogations et si peu de réponses, laissant dans sa bouche une pâteuse amère ; un mélange entre l’alcool à peine digérer, son vomi et ce chagrin dont elle ne sait se défaire. « Unfortunately, I have read some negative reports on  your rehabilitation since the attacks. » Elle serre les poings dans une prière. On l’a donc vendu aux supérieurs, ses soi-disant amis, ses collègues n’ont pas hésité à détrôner l’ancienne rising star de la caserne. Elle les voit parfois sourire face à son malheur, face à la déchéance qu’elle est devenue, à croire qu’il trouve la situation ironique. Elle qui pendant des années a tout donné et qui aujourd’hui ne sait donner plus rien. Ils jubilent presque face à sa chute ; et peut-être qu’elle jubile avec eux. Qu’est-ce que Nerin lui avait dit? Que le karma viendrait la pêcher, il semblerait presque que l’instant est arrivé. « I know, more than anyone, that it’s hard to get back to it, to forget your brothers and sisters who sacrificed their lives for our country. Nevertheless, it is necessary, and I’ve been told you haven’t been consistent in your duties in the last couple of weeks. » Il marque une pause tout en soupirant, un air de déception fendant son visage. Elle n’a pas réagi comme il l’attendait d’elle, elle l’a déçue, tout autant qu’elle se déçoit. Où est le contrôle, où est l’ambition, où est l’opportunisme, où est la détermination ? Écrasée sur la chaussée à côté de ses anciens camarades, criant contre un mur qui ne lui renvoie que du silence. « You have been coming late to drills, ignoring fellow soldiers and even drinking during the day. » Ce sont des vérités qu’elle n’a plus envie de nier, elle boit oui, elle ignore sa vie, ses tâches et toutes ses responsabilités. Pourquoi? Parce que son obéissance ne lui aura rien apporté, juste la mort sur les épaules, ou plutôt la survie qu’on lui a forcé. « With all due respect colonel, I don’t know who your sources are but if they were reliable, they'd seen I’ve been trying to do my best going back to training considering the situation I'm in. » Qu’elle articule, alors qu’elle ne cherche pas même pas à user des honorifiques habituels. Elle est malpolie, mais surtout épuisée de faire semblant. Nomi à quatre épingles, parfaite et combattive contre la vie, la terre toute entière a disparu. N’est plus là. Error 404. « It’s just hard getting used to this new environment. » Qu’elle avoue dans un murmure, parce que c’est vrai. Autrefois elle aurait pu se sortir de n’importe quelle situation presque indemne, plus aujourd’hui. Parce que les attentats lui ont non seulement volé ses amis, mais aussi sa vie, son cœur, tout ce qui faisait d’elle, elle.

« I understand and yet I unfortunately cannot overlook your behavior anymore. It has come to my attention that your brother has been through the same and yet has shown excellent result during his rehabilitation. » Qu’il lui rétorque tout en souriant discrètement. Elle sait exactement ce qu’il tente de faire: instaurer une compétition, tenter de la monter contre son frère afin de sortir de l’abysse dans laquelle elle s’est coincée. Mais ça ne marche pas, ne marchera pas. Nael l’a sauvé, Nael mérite d’en sortir indemne, Nael est plus courageux qu’elle, peut-être qu’il l’a toujours été. « Well, we’re all dealing with it differently. » Qu’elle ajoute sèchement, parce que c’est vrai. Chaque individu est différent, chacun se charge de son deuil différemment. Quelques-uns s’élèvent face au défi, d’autres s’écrasent face à celui-ci. Elle fait partie de la seconde catégorie alors que son frère s’est retrouvé dans la première. « Yes, but your way of dealing with it is having consequences on the reputation of our barracks. » Oeillade insistante dans sa direction, alors qu’il la regarde de bas en haut, de haut en bas, comme pour lui faire comprendre que tout commence déjà avec son physique désordonné. Et ça l’énerve, ça l’enrage. Cette audace, cette audace la rend folle. Pour qui se prend-il ? Il n’était pas là, lui, quand les bombes ont détoné, quand des gens sont morts, quand elle a failli se faire exploser contre un mur. Quand elle n’a pas pu dire adieu aux siens, parce que tout ce qu’on a encore trouvé d’eux, c’était des membres dispersés. Il n’est personne pour lui dire comment elle devrait se comporter ou comment elle devrait se sentir. L’ancienne étincelle revient, elle enflamme ses entrailles, alors même qu’elle frappe son poing contre le bureau de son supérieur. « I will not apologize for being heartbroken over the friends I’ve lost. What has the army done to help me? And I don’t mean physically, but mentally. You’ve not given me time, you pushed me back into work without even asking me how I was doing. What exactly were you expecting? » Un sourire, un merci? Elle s’est saignée toute sa vie pour ces ingrats. Elle a transpiré, pleuré, tout sacrifié pour eux, pour ces gens qui l’ont laissé crever la bouche ouverte quand elle n’était plus capable de s’élever à leurs standards. Elle les hait, tout autant qu’elle hait sa famille pour l’avoir forcé à poursuivre cette route. « I’m not doing well, and I told that to my superior, but you ignored my cry for help. Of course, I’m having a hard time to cope. Yet I feel like you’re not going to try to find a solution or help me, are you? You’re just going to dispose of me. Because at the end of the day, we’re all cannon fodder, aren’t we? » Elle le fusille du regard alors même que le colonel ne réagit pas. Droit comme un piqué, presque inhumain, androïde sans émotion, peut-être que la Nomi d’autrefois aurait été pareil, peut-être qu’elle a été élevé pour devenir ça, cette chose sans cœur. Et pourtant la voilà enfin, en grand besoin de quelqu’un qui lui tend la main, parce que le cœur glacé qui battait autrefois dans sa cage thoracique vient de fondre, y laissant un myocarde en besoin d’empathie. « You tell us how important we are, how we’re protecting our people and yet when one of us is struggling with the aftermath of an attack, is sick or having problems coming to terms with the deaths around us, you do everything but protect us. » Elle sent le sanglot niché dans sa gorge alors qu’elle essuie rageusement avec sa manche les larmes qui coulent le long de ses joues. Elle ne sait pas si ce sont des larmes de colère ou de tristesse, elle sait juste qu’elle a envie, besoin de pleurer, chialer comme la gosse qu’elle est censée encore être. Nomi inspire, expire, se foutant bien que l’homme face à elle voit son craquage, cette brèche en train de s’émanciper et casser tout l’orgueil qu’elle a voulu protéger au cours des dernières semaines. « You push us around like we’re nothing, disposable. Well, colonel, I’m far from being disposable, I’m a human being but it’s been a long time since I’ve felt like it in our barracks. » Qu’elle ajoute, les yeux défiant cette fois-ci, parce qu’elle ne va pas courber l’échine ; si elle doit partir, au moins le faire dans un bang.

Elle veut continuer, elle veut parler, crier, mais il lève la main dans sa direction, ordre pour la taire ; ordre auquel elle obéit. Elle ne veut peut-être plus être soldat, mais c’est dans son sang, percé dans sa tête, accroché à sa peau. « We don’t dispose of you; we protect you by sometimes isolating you or drilling you to get back to work. Methods that have worked well before. » Elle arrive à lever les yeux, à ressourcer son insolence d’autrefois, cette comédie à laquelle elle se donnait à coeur joie, mais qui aujourd’hui, lui donne tout simplement envie de dégueuler. Qui était-elle et qu’est-ce qu’elle est aujourd’hui? Le colonel soupire longuement, alors qu’il plisse les yeux dans sa direction comme partagé dans un dilemme qui n’a pas lieu d’être. Ils devraient tous lui donner du temps, comprendre, comprendre ce que ça fait de perdre des proches; et pourtant, et pourtant si c’est de la pitié qu’elle veut, c’est tout le contraire qu’elle obtiendra. Ici, personne n’a un coeur, ici c’est ordre et obéissance, autorité non questionnée, perfection effleurée, mais jamais touché. « Your job is to protect others, to follow orders, I cannot let a loose cannon in the street of Akkadia by fear that you will turn on them. » Il lie ses doigts dans un poing qu’il pose sur son bureau, se penchant dans sa direction. C’est peut-être pour la première fois qu’elle voit de la pitié dans ses iris, mêlé à quelque chose comme du mépris. « You’ve become unpredictable and that is too dangerous. » Dangereux? C’est eux qui sont dangereux. C’est eux et leurs règles inhumaines, leur incapacité à protéger les leurs. Comment les soldats peuvent-il apprendre à protéger si l’entité même qui le leur inculque n’y parvient pas? Mâchoire serrée, elle lève le menton dans sa direction, la confiance pompant dans ses veines. « So, what are you going to do with me? » Qu’elle s’entend dire avec un ton bien plus confiant qu’il ne devrait l’être. Et pourtant ce sont des ruines de l’ancienne Nomi, celle étouffée par la tragédie qui l’a frappé de plein fouet. Un vestige d’autrefois pour lequel elle et reconnaissante à cet instant. « For the foreseeable future you’ll be a soldier instead of captain under the orders of your brother. He’ll keep an eye on you and make sure you’re well integrated again in your ranks. » Elle ricane alors même que le colonel arque un sourcil. « When I see a change for the better, when I see you’ve started to respect your position again, you’ll be reinstated as captain. » Pour toutes ces années données, c’était donc comme ça qu’ils allaient la repayer? Pathétique. Elle se lève, et pointe en direction de son supérieur. « Fuck that. » Elle se sent revigorée, elle se sent presque humaine, vivante alors qu’elle se délecte de l’incrédulité du colonel. « Excuse me? » Elle rit cette fois-ci, fortement, longuement, la pression, la nervosité quittant son corps alors même que ses ricanements résonnent dans la salle. Elle est devenue folle, mais son esprit est clair, clarifié par l’ingratitude de ceux pour qui elle aurait pu crever ; pour qui elle a crevé, parce que si elle est honnête avec elle-même, de Nomi Galathynius ne reste plus rien. « Fuck that and fuck you. » Qu’elle dit tout en crachant à ses pieds. « I’m not doing this. » Qu’elle crie, alors qu’elle tourne les talons et s’en va. Pour de bon. Pour toujours.
Quelque part c’est presque libérant.


Capuchon enfoncé sur la tête, elle réussit à se mouvoir dans la foule assez discrètement pour ne pas se faire remarquer. Aureus est tombée et avec elle le gouvernement qu’elle a pendant si longtemps supporté. Plus aujourd’hui, plus maintenant alors qu’ils lui ont tourné le dos, alors qu’il ne lui reste plus grand-chose à cause d’eux. Et pourtant, le mouvement qui l’a repris hérisse davantage sa chair de poule alors qu’elle les sait prioritaire coupable de sa chute. L’ordre écarlate, politique extrême, crevards prêts à tout pour s’accaparer ce qui ne leur revient pas, ils sont devenus son ennemi numéro un. La tête qu’elle prend pour cible ? Celle de son mari. Ou plutôt ex-mari. Il lui a menti, il a détourné la vérité, l’a bercé d’illusions alors qu’elle lui était honnête ; c’est donc ça que l’honnêteté lui aura apporté ? La perte de sa position, de sa vie, de toute son existence ? Elle cracherait presque par terre à cette pensée, mais s’en empêche, le moins d’yeux sont posés sur elle, plus ses chances seront grandes pour frapper là où lui ne s’y attendra pas. Quelques semaines après les attentats, après sa chute auprès du gouvernement et la voilà qui découvre une lettre qui n’était pas écrite pour ses yeux, mais qui lui a dit bien assez sur qui était véritablement l’homme qu’elle avait épousé. Un menteur, un meurtrier. Et si sa main n’était pas directement engagée dans les bombes qui ont fait exploser les siens, il n’en est pas moins que les idéaux mêmes sur lesquelles sont fondées sa famille en sont le pilier principal. Alors non Ezra n’a pas tué son bataillon de ses dix doigts, mais il y a contribué ; comme Nomi contribuera à sa chute. Elle arrive enfin face à la maison qu’elle convoite, une jolie petite bicoque ne revêtant en rien le monstre qui s’y cache. Sœur aînée dont Ezra a toujours été férue, c’est elle qu’elle a ciblé, parce que Nomi sait très bien que c’est ça qui lui fera plus de mal. Ezra n’est pas mauvais dans le fond, il n’est pas méchant, il est même prêt à toujours se sacrifier pour ce qui compte, alors l’idée même qu’il n’ait pas pu sauver sa sœur du sort que la Haven lui réserve, sera une punition qu’il n’aura tôt fait d’oublier. Elle trouve une fenêtre ouverte au premier étage et s’y plonge, continuant son périple vers sa cible avec minutie et discrétion. Sur la pointe des pieds, dague fièrement serrée dans ses mains, elle arrive enfin à bon port, alors qu’une longue chevelure brune l’y accueille. « Does he know you’re here ? » La Galathynius se tourne en direction de Nomi et arque un sourcil. « No, he doesn’t. » Qu’elle répond tout en haussant nonchalamment les épaules. « What are you doing here Nom’? You’re gonna get yourself killed, it’s not safe here for those who have shown loyalty to the government. » Un ricanement froid s’échappe de la bouche de Nomi, même loyal à l’ordre, elle est sûre que le mouvement ne connaît rien de la loyauté ou encore de la sécurité. Ce sont des sauvages, des sauvages qui tuent et massacrent. Alors, Nomi a appris à user de leurs armes, elle s’est préparée, elle a la situation sous contrôle, répétant chaque pas de son plan dans sa tête, tous les matins quand elle se sent irrévocablement inutile. Inutile parce qu’elle n’a plus rien. Son pouvoir est en grande partie bridée depuis maintenant des semaines dans la préparation de sa vengeance. Entraînement sur entraînement, c’est juste assez pour pouvoir provoquer la chute d’Esther. « I’m not loyal to them anymore. And I can take care of myself, it’s what I’ve been doing for the last couple of months. » Pique envoyée en direction de celle qui appartient à la famille qui aurait dû l’épauler plutôt que tout lui dérober. Rictus planant toujours sur son visage, Nomi s’approche d’elle, la main délicatement posée sur son arme. « And look where it got you. » Qu’Esther rétorque, le nez froncé, les sourcils arqués. Comme pour lui faire comprendre que Nomi est devenue pathétique et qu’elle a peut-être survécu, mais qu’elle ne ressemble plus qu’au fantôme d’elle, d’autrefois. Et à qui la faute, elle a envie de crier. « Right where I need to be. Let’s cut to the chase okay? I’m not here for him, I’m here for you. » elle se contente d’hausser encore une fois les épaules tout en vrillant son regard dans celui d’Esther. Mais Esther ne bronche pas, elle ne bouge pas, elle se contente de rester immobile, le menton haut ; comme une vraie Galathynius. « What are you going to do? If I scream people will come. And they won’t be kind. » Nomi lève les yeux au ciel, ce n’est pas sur leur gentillesse qu’elle compte, elle sait très bien à qui elle a à faire : des monstres. Et c’est un monstre égal à celui qu’ils sont, qu’ils devront affronter. « Only show you some things. The things I’ve been going through, the things that your people have done to me. » C’est toutes ces heures passées à s’épuiser sur son pouvoir pour le maîtriser correctement qui vont aujourd’hui porter leurs fruits, alors que Nomi a perfectionné son illusion, l’horrible scène qu’elle veut montrer à Esther pour la rendre folle, lui prouver à quel point les attentats auront impacté toute sa vie. « I thought we were friends. » Une dernière plaidoierie, un dernier air de pitié auquel Nomi ne croit plus. Si Esther était autrefois son amie, aujourd’hui elle est son ennemie, aujourd’hui elle va vivre, survivre les pires de ses cauchemars ; elle va comprendre ce que Nomi a enduré pendant tous ses mois, par sa faute, par la faute des siens. « I thought so too. But friends don’t lie to each other, do they? » Qu’elle crache à ses pieds, alors elle se concentre, tissant son illusion avec précision. La chambre se transforme en champ de bataille, alors que les cris des mourants résonnent dans l’air, l’odeur de sang vient s’imprégner du lieu alors même que ça pue la mort. L’horreur. Une bataille perdue d’avance. Et les visages qui s’entretuent sont ceux des Galathynius, s’égorgeant un à un à quelques mètres d’Esther. Esther avec ses yeux trop grands, avec les larmes qui montent, avec l’impression consumante d’être sur les lieux, d’être témoin d’un acte plus que macabre. Et Nomi use de leur amitié, des secrets qu’elles se sont confessées pour tisser ses plus grandes peurs, pour détruire la confiance dans ses yeux, pour éradiquer toute sorte de force dans son mental qui souhaiterait tant rejeter les images que Nomi lui imposent. La Haven sort son épée de son fourreau et s’approche de la Galathynius, elle la lève, tissant un visage sur le sien, celui de son frère cadet, Ezra qui observe maintenant sa sœur avec une horrible tendresse avant d’enfoncer sa lame dans l’abdomen de son aînée. Esther ouvre grands les yeux, choquée, paralysée par la douleur, par les images que Nomi force dans sa cervelle. Et elle tombe, elle chute, alors même que la mutante rit, sourit. Et c’est fini, la chambre redevient chambre, alors que le corps inerte de la sœur Galathynius git sur le sol, alors que son travail est terminé.
Si ça ne la tue pas, si ça ne la rend pas folle, alors Nomi réitèrera l’expérience, elle la réitèrera jusqu’à ce que ce soit ancrée dans son âme.


Ce qu’elle lit dans ses yeux, c’est la colère pure et dure, cette même colère qu’elle revête dans son âme. Un masque de mépris vient à présent déformer ses traits, alors qu’il dépose sa main sur son épée. « You did this. » Il crache ces mots avec froideur, une froideur qu’elle ne lui reconnaît pas, une froideur qu’il n’a jamais employé avec elle. Ils sont pourtant si loin de ce qu’ils étaient, de qui ils étaient. Ezra n’a plus rien de ses traits enfantins, il n’a plus rien du garçon qu’elle a tant aimé ; non, il a tout du meurtrier qu’il est devenu, il a tout de l’homme qui lui a absolument tout arraché. « I did. » Et elle réussit à muer un rictus sur ses lèvres, une mécanique de défense, un moyen de faire croire que tout va bien, alors qu’au fond rien, absolument rien ne va. « You made her go crazy. » Il s’approche, elle s’approche à son tour, déposant, à son tour, sa main sur son arme. Il la fusille du regard et dégaine son épée. Nomi n’est pas fière de ce qu’elle a fait, mais il le mérite, ô il le mérite tant. « And you killed my family. » Qu’elle se contente de répondre. Un fait avéré, généralisé peut-être, mais vrai. Un acte qu’elle ne pourra jamais lui pardonner, qu’elle ne pourra absolument jamais oublier. Il lui a tout pris, et elle le lui a rendu, parce qu’elle ne connaît que ça. Jamais que ça. Œil pour œil, dent pour dent ; et ezra en a reçu les frais. « You’re bold Nom’, I’ll give you that. » Petit surnom qu’il avait l’habitude d’employer quand tout allait encore bien, quand ils n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui ; un époux et une épouse sur le bord du précipice. La séparation est imminente, un dernier adieu, le couteau de l’un planté dans le dos de l’autre. Mais elle ne flanche pas, elle ne réagit pas même pas aux réminiscences de leur passé. Elle fait face à des ruines, mais au moins elle y fera face la tête haute. « For coming here ? » Qu’elle articule la mâchoire serrée alors qu’elle empoigne courageusement le fourreau de son épée. Elle n’est pas sûre qu’elle réussira un jour à le tuer, à se venger pour de bon, à faire de lui ce qu’il a fait de son bataillon ; mais elle peut essayer, essayer sur ces terres qui lui sont plus qu’hostiles. « Among other things. What are you doing here? What are you excepting? A sorry? Because I won’t give it to you. » Elle renifle de dédain alors qu’elle lève le menton dans sa direction. Le silence s’oppose à eux, alors que c’est dans le blanc des yeux qu’ils se regardent, observent comme deux prédateurs prêts à sauter sur leur proie. « I don’t expect anything from you, not anymore anyway. » Il lève les yeux au ciel, et approche sa lame de la sienne, l’effleurant presque. Qui est courageux à présent? Nomi donne un coup sec dessus alors qu’il se redresse. « Fair enough. What are you doing here then ? To kill me ? » Proposition alléchante qu’elle acceptait presque si elle s’en sentait coupable, mais elle n’a pas encore complètement les plombs, elle a pas encore complètement perdu pied. Elle est toujours Nomi, une version peut-être un peu amochée, retravaillée, mais le noyau est le même ; et ce noyau l’a aimé tendrement, au point où aujourd’hui, malgré sa trahison et tous ses mensonges, elle sait qu’elle ne pourra pas enfoncer son épée dans son abdomen. « I’m not sure I can. Not now at least. » Ils se doivent au moins des dernières confessions, une honnêteté qu’ils se sont toujours cachés. À s’aimer tendrement, passionnément, ils ont presque oublié de communiquer, d’apposer une base sur leur relation hâtive, sur leur mariage plus que prématuré. Tout est parti en vrille, tout s’est cassé, brisé, et avec ça leurs cœurs battants, battants à présent seulement pour le mépris ressenti pour l’autre. « When do you reckon you’ll be able to do it then? » Il se moque d’elle, la provoque, parce qu’il veut se battre, il veut l’abattre pour sa vengeance, pour la manipulation de sa sœur, mais elle est bien trop épuisée, esseulée pour pouvoir se défendre ou même y penser. « The next time we see each other. » Un petit rictus se mue sur les lèvres d’Ezra alors qu’il hoche de la tête. Il remet son arme dans son fourreau, alors qu’elle miroite son geste. Elle pourrait tendre la main et le toucher, toucher ses cheveux, sa joue, sa peau, et peut-être, peut-être qu’elle en a envie, bien profondément, là où elle a enterré tous ses sentiments pour lui, y a quelque chose qui l’attire vers lui. Et quelque chose qui la révolte comme la révulse. « So, the next time we cross paths, it’ll be the last time we’ll see each other? » Elle hoche de la tête tout en soupirant. « I believe so. » Il lève la tête en direction du ciel, alors qu’une longue pause s’ensuit, une pause où ils s’adonnent, cette fois-ci à cœurs ouverts, au silence qui les entoure. On entend la foule qui clame, la routine qui prend son cours, alors qu’elle a l’impression que la sienne vient tout juste d’être horriblement chamboulée. Ils ne sont plus un eux, mais des entités indépendantes l’une de l’autre. « What are you really doing here Nomi? » Qu’il murmure alors qu’il la regarde de biais, comme encore confus par sa présence. Elle n’en sait trop rien, ce qu’elle fout là, à regarder les nuages passer, à s’apitoyer sur son propre sort, à côté de l’homme qui lui a menti pendant toute leur vie ensemble. Elle prend une grande inspiration et décide de se tourner vers lui, braquant ses yeux dans les siens. « I’m not sure. Maybe to say goodbye, maybe to see you one last time as my husband and not my enemy. Maybe I just wanted to tell you that it’s over, that I’ll never forgive you, that you hurt me more than anyone. » Il se mord la lèvre inférieure alors qu’il passe nerveusement sa main dans ses cheveux. Elle le sait agité, inquiet, signe peut-être que leur relation comptait pour lui, assez pour que ça le touche aujourd’hui. « I know, but also know that I reciprocate everything you just said. » Nomi serre la mâchoire alors qu’il fait de même. Ils ont plus grand chose à se dire, plus grand chose à s’offrir ne serait-ce la mort la prochaine fois qu’ils se verront. L’un ne peut pas vivre sans l’autre ; l’un ne peut pas vivre tant que l’autre est vivant. Un complexe, un dilemme, qu’ils sont pourtant trop fatigués à résoudre maintenant. « I decided to change my name back to Haven. » Elle voit comme ses muscles se tendent, alors qu’il baisse les yeux en direction de sa main où son anneau réside toujours. Elle n’a pas eu le cœur à l’enlever, alors qu’elle voit que lui a su retirer son alliance. Une gifle, un signe de plus que ce n’est peut-être pas autant tragique pour lui que ça l’est pour elle. « I guess that’s for the best. » Elle a envie de le taper, d’enfoncer son poing dans sa figure, de lui faire mal. Mal. Encore plus mal. Mais elle s’en empêche, contenance qu’elle se murmure. Patience, qu’elle se crie intérieurement. « I hate you. » Qu’elle dit en s’approchant de lui une dernière fois pour déposer un baiser sur sa joue. Un adieu, un adieu pour ce qu’ils étaient. « I hate you more. » Qu’il rétorque alors qu’il le lui rend en embrassant sa joue à elle. « Goodbye Ez’. » Elle hoche la tête dans sa direction, tourne le dos et s’en va. « See you soon Nom’. » qu’elle entend crier derrière elle; elle pense presque entendre un sourire dans ses mots. Une promesse d’une nouvelle rencontre, d’actes manqués, de non-dits qui ne finiront cette fois-ci pas en baiser, mais bien en meurtre mérité.


« I think it’d be a good fit for you. » Que l’homme lui dit, un sourire macabre sur les lèvres alors qu’il approche sa bière de ses lèvres et en boit une longue gorgée sans jamais perdre le contact visuel. Il est un peu bizarre, un peu étrange et très certainement mal intentionné, mais ne l’est-elle pas elle aussi ? À force de vouloir voir le monde à feu et à sang, elle se demande si la meilleure solution n’est pas de se mouvoir avec un groupe qui veut la même chose. Les possibilités sont limitées. Nomi, dans ses rêves étranges de grandeur, croit encore à la démocratie, elle y croit, parce que le reste n’a à ses yeux pas grand intérêt. Une monarchie ? Jamais. Alors, elle s’est tournée vers les silences, ces mutants qui se battent pour leurs droits, et si elle n’a jamais vraiment eu l’impression d’avoir été directement persécuté par les rouges ou les argents, elle a entendu de nombreuses histoires. Des histoires qui l’ont amené à passer le pas. « I’m not sure I’m all for the mutants supremacy. » Parce qu’au fond l’utopie d’un monde équitable où l’égalité règne est profondément ancré dans sa caboche. Mais pourquoi se battre pour ceux qui ne feraient jamais de même ? Les argents avec leur couronne, les rouges avec leur violence, et les mutants qu’ont-ils ? Pas grand-chose. Alors, peut-être que la conviction lui manque, mais peut-être aussi qu’il lui faudra peu pour se laisser convaincre. Après tout ils sont prêts à oublier ses méfaits passés, à ne pas la voir comme déserteuse ou traître, tout est de toute façon mieux que ce qu’elle a maintenant. L’homme lui sourit alors qu’il tapote ses doigts contre la table. « Why not? Don’t you think it’s time we get what we deserve? » Elle ne sait pas exactement quoi lui répondre. Oui? Peut-être? Probablement? Est-ce que c’est son combat? Absolument pas. Est-ce qu’elle veut réappartenir à quelque chose, croire en une cause ? Oui. Parce que sans elle, sans ça, elle n’est pas grand-chose, presque personne. Et les ressources sont limitées, mais les silences ont mises les leurs à sa disposition. Ce n’est peut-être pas son agenda politique préféré, ni ce dont elle a toujours rêvé, mais c’est quelque chose. Une future nouvelle famille. « What’s your stance towards the order? » Parce qu’elle ne perd pas le nord, leur combat est la cause mutante, la sienne est d’avoir sa vengeance. De tuer l’ordre, le fait crever à petit feu, comme ils l’ont crevé elle. Alors, peut-être que défendre leur cause pendant qu’ils l’aident pour la sienne est un compromis durable, intéressant. « Not particularly inclined, let’s leave it at that. » Il pince les lèvres, le mépris ancré dans ses iris, ce même mépris qu’elle ressent à leur égard. Un rictus se mue sur ses lèvres alors qu’elle serre les poings sur la table. « I want them dead. » L’homme lui rend son sourire alors qu’il hoche de la tête. « It’s not our priority right now but it surely will become one when we’ll expand. » Ou quand ils se feront attaqués. Elle hoche de la tête, alors qu’elle se sent lentement convaincue, encline à appartenir à eux, ces silences, ces gens muets aux nombreux secrets, se battant pour une cause qui n’est pas la sienne, mais qui reste honorable. Elle a toujours aimé l’idée que le underdog pourrait finalement un jour s’élever, prouver qu’il y a bien plus dans la solidarité que dans le nombre. Ils ne sont peut-être pas aussi nombreux que l’ordre, que le cercle, et pourtant il y a du cœur là-dedans, de l’extrémisme, un besoin impulsif de justice et de sang, les mêmes choses qui coulent dans ses veines. « And you can protect me? As you already know I’m on the run. » Après tout c’est la chose la plus importante à ses yeux, protection et liberté, liberté qu’on lui a dérobé. Il hoche de la tête confiant. « Yes. If you come to Ibao you’ll be one of us, meaning they won’t be able to reach you. » Nomi lève la tête en direction du plafond et soupire. Elle sait qu’elle n’est pas encore prête à quitter Beniria ou le semblant de sa vie passée qu’elle tente tant bien que mal de protéger. « I will not immediately come to Ibao, I have some unfinished business here but I will report to you anytime I’ve found out something interesting. » L’homme lève son verre dans sa direction, alors qu’elle trinque avec lui.
Un nouveau chapitre, une nouvelle famille, une page qui se tourne.
Enfin.