A défaut d'être chaotiques, du fait de la relative préméditation et de l'anticipation pré-existantes, les derniers évènements n'en avaient pas moins été mouvementés. Pas de quoi créer de trop grands hauts le cœur à Themyskira, cependant, ou pas pour ces raisons ci. Néanmoins, il ne s'agissait pas non plus d'un parcours de santé, surtout compte tenu des circonstances, sans parler du fait que, si en tant qu'adulte et jeune femme formée depuis longtemps à savoir gérer ses émotions et continuer de tenir la barre en toutes circonstances, elle savait ne pas s'effondrer et se montrer trop déboussolée, il n'en allait pas de même concernant son fils, Isaiah. Le petit était encore quelque peu traumatisé des tragiques évènements qu'il avait dû vivre à Aureus, lors des attentats de Mai, et si la situation s'était améliorée sur ce point, à mesure des semaines écoulées depuis, il n'en demeurait pas moins qu'il n'y avait rien d'habituel et de normal dans la teneur des derniers jours. Il posait beaucoup de questions, voulait comprendre sans tout pouvoir saisir des nouvelles réalités des choses, et ce malgré le fait qu'il n'était en rien lent mentalement. Tout ce qu'il semblait retenir, pour l'instant, c'est que, désormais, les gens étaient encore plus aux petits soins avec lui comparé à avant, qu'il vivait maintenant au Château des Sielle, et que son oncle Noah était devenu le Roi. Cela semblait beaucoup lui plaire, même si Themyskira savait très bien qu'il ne réalisait pas réellement tout ce que cela signifiait et sous-entendait. D'abord parce qu'il était encore trop jeune pour ça, et ensuite parce que cela ne l'avait absolument pas poussé à s'inquiéter de ne peut-être plus pouvoir jouer avec Nathanael. Si seulement les préoccupations enfantines pouvaient être de la même teneur que celles qui assaillaient les adultes ...

Car bien des choses avaient changé pour elle, depuis les événements fatidiques du 5 Septembre, plus qu'on ne le pensait d'ailleurs. Tant professionnellement que personnellement. Plus que jamais, elle devait être vive et efficace, tout en sachant être habile et réactive. Une constante nécessité d'être sur le qui-vive, donc, la poussant à ne plus dormir autant et aussi bien qu'avant. Pas de quoi la laisser avec un teint terriblement blafard ou des traits trop tirés, cependant. On lui avait appris, dès toute petite, à toujours paraître à son avantage et à garder la main sur ses turpitudes pour ne jamais les laisser l'assaillir trop conséquemment et de façon trop perceptible par autrui. Elle devait donc plus que jamais avoir la maîtrise d'elle-même, y compris lorsque Murray vint la quérir, l'informant que Noah requérait sa présence. Un instant, telle une griffe acérée, l'une de ses mains s'était attardée sur l'épaule de son fils, qui jouait au sol avec des cubes de construction en métal. Il n'avait rien remarqué, Isaiah, ou à peine, bien trop concentré par l'édification d'une citadelle d'acier pour constater que sa mère se levait pour partir. Et ce ne fut que parce qu'elle savait que Mahpee, allongé de tout son long auprès du petit, ne laisserait personne s'approcher du garçonnet que la jeune femme put se lever sans trop chanceler. Ce qui ne l'empêchait en rien de sentir son cœur se serrer, malgré tout. Pas par crainte de ce que pouvait bien lui vouloir Noah, mais parce que, par définition, elle ne pourrait plus s'assurer de première main que rien n'arriverait à son fils. Après tout, elle était en deuil de deux de ses cousines, là où l'un de ses cousins par alliance, frère benjamin de Noah, avait lui aussi succombé. Alors, lorsqu'elle pénètre dans le petit salon d'or, son esprit n'en a pas encore fini d'élaborer des trajectoires les plus efficaces possible pour s'élancer vers Isaiah, en cas de souci. Cependant, elle doit mettre fin à de telles tergiversations, étant à présent face à Noah. « Bonjour Noah. » Elle n'a pas peur, Themys', ne se sentant aucune raison de l'être. Cependant, comme toujours, elle ne peut s'empêcher de ressentir l'existence de cette aura de puissance et de charisme autour de celui qui, après avoir été son cousin au second degré, est devenu son cousin tout court lorsqu'elle a épousé Asher.

A son invitation, elle prend place dans l'un des fauteuils, non sans demeurer des plus attentives et curieuses quant à ce qu'il avait à lui dire. Croisant gracieusement une jambe par dessus l'autre, et posant ses deux mains jointes sur le haut d'une de ses cuisses, elle est donc toute ouïe, et la vérité ne tarde pas à émerger. Si un petit sourire vient taquiner le coin de ses lèvres, comme une confirmation silencieuse au fait que, oui, elle sait parfaitement qu'il n'est point du genre à faire des ronds de jambe dans l'eau ou à s'embarrasser de trop de propos préliminaires, ses sourcils ne se froncent pas moins quand elle apprend, de la bouche de Noah, quelle couleur revêt désormais les orientations des Ackermann en terme d'allégeance. Pas qu'elle en soit grandement surprise, tout comme Noah lui-même, cependant, cela n'en demeure pas moins une nouvelle qui est loin de la ravir. Ackermann, Kolikowski, Sielle, Xi'nora, Iskander. Voilà quatre lignées qui ne lui étaient pas étrangères. Car, comme le relevait si bien le nouveau monarque, Aleksios avait épousé une Ackermann, là où leur mère à tous deux était née Kolikowski, que leur grand-mère paternelle avait vu le jour au sein des Xi'nora, tout comme l'une de leur tante, et que eux étaient nés Iskander. Sans parler du fait qu'elle avait épousé un Sielle, Asher, en l’occurrence. Et si la jeune femme n'avait nullement besoin d'être brosser dans le sens du poil, détestant cela, il n'en demeurait pas moins qu'il lui était toujours agréable d'entendre plus que d'apprendre que Noah avait été ravi de son union avec Asher, sachant pertinemment que la grossesse prématurée n'avait fait qu'accélérer les noces plutôt que de les créer de toutes pièces. Asher et elle étaient déjà fiancés quand le bébé s'était annoncé. Signe d'une potentielle anxiété, comme par crainte des propos qui s'ensuivraient de la part de Noah, la jeune femme décroise les jambes pour les croiser dans l'autre sens, alors que ses doigts se contractent sur sa cuisse. Avec lui, elle n'a sans doute pas tant à jouer à l'imperturbable Themyskira, n'est-ce pas ? Cependant, elle ne manque pas de garder le silence, de le laisser finir pour voir où il voulait en venir exactement, non sans redresser un peu le menton, sans ployer les épaules. Et finalement ... « Tu t'en doutes, je suis loin de m'être délibérément fourrée dans les petits papiers des Ackermann. Il n'a jamais été question que de relations d'affaires, purement basées sur le profit. J'ignore donc quelles sont les réelles relations entre Ysalis et les siens. Tout ce que je sais, c'est qu'elle a toujours été une belle-sœur agréable et des plus cordiales avec moi.  » Elle marque une pause, avant de reprendre. « Même si je crois la savoir aujourd'hui à Flevion, auprès des siens, avec mon neveu. Ce qui ne m'enchante guère ... » Elle serre quelque peu les dents, Themyskira, si peu habituée à voir Aleksios être en porte à faux par rapport à elle. Il avait toujours été le fils et le frère prodigue ... « Je comprends ta position. J'espère cependant qu'elle ne reflète pas ce que tu penses plus généralement des miens ... » Elle se veut et se fait prudente, Themys'. Bien qu'elle n'est point née tigresse, elle aussi sait avancer avec félinité mais non sans prédation. Elle attend, pour mieux pouvoir aviser, par la suite.

Themyskira ne s'en était jamais sentie honteuse ou penaude de se faire presque prendre la main dans le sac, sans mauvais jeu de mots, par Noah, cette fameuse fois où, justement, Asher et elle avaient connu leur première fois ensembles, chez Jeremy et Devona Sielle. Ils n'avaient après tout presque rien fait de mal, si ce n'était qu'en ce temps là, Asher était tout de même en couple avec une autre, et que, bon, en règle générale, il n'est pas forcément recommandé par les conventions sociales de s'envoyer en l'air chez quelqu'un qui vous avait invité ! En tout cas, si elle remettait parfois une petite piqure de rappel, à ce sujet, à celui qui était aujourd'hui son mari, il ne lui viendrait jamais réellement à l'idée d'en faire de même avec Noah. Tout en priant les dieux pour que Nathanael ait tout oublié de cela et qu'à l'adolescence, le poids de la réalisation ne lui tire pas des grimaces d'horreur ! Quoi qu'il en était, Themyskira avait tout de même su se présenter sous son meilleur jour à sa future belle-famille, et elle y était désormais pleinement chez elle. Son entente avec chacune de ses belles-sœurs était une chose connue, et sans doute les parents d'Asher avaient-ils pu relâcher un soupir de soulagement en comprenant qu'ils n'allaient pas hériter d'une capricieuse diva casse-pied, ni même d'une fille à papa incapable de vivre sans les siens. Et ce même s'il était inenvisageable pour elle de renier d'où elle venait, et de quelle Lignée elle était issue. De toute façon, bon sang ne saurait mentir, alors ... Alors Noah avait raison : on pouvait présenter un visage clément et agréable à sa belle-famille sans renier ses origines, et sans entièrement couper ses ramifications familiales de jeune fille. De là à envisager un seul instant que cela puisse automatiquement signifier qu'il y avait duplicité et anguille sous roche ... Ce n'était évidemment pas ce que faisait le jeune monarque de Valdierva, mais la prudence demeurait de mise, une chose que Themyskira elle-même n'oubliait jamais. Tout comme, une fois de plus, elle n'oubliait jamais d'où elle venait. Descendante d'Aurion Khalasar, devenu le tout premier Iskander, elle savait que c'était à cet instant là que la loyauté et le soutien des Iskander s'était enroulé, tel un serpent, autour de la stature des Xi'nora, pour ne jamais faire défaut à ces derniers. Et si, aujourd'hui, Pavel et Cassiopée se trouvaient être fiancés, il ne fallait pas forcément remonter à trop loin pour retomber sur d'autres mariages entre les deux Lignées. Que ce soit avec Roma, qui venait de perdre l'une de ses filles, d'ailleurs, ou Sheeva, qui avait tenu bon, alors qu'elle était une si jeune veuve avec de si nombreux enfants.

Crispant quelque peu les doigts sur sa jambe en entendant Noah se répandre en sous-entendus qu'en oreille perspicace et esprit avisé, elle déchiffrait totalement, elle ne pouvait que reconnaître qu'il savait où frapper. Et qu'il ne parait pas ses coups pour la ménager juste parce qu'elle se trouvait être sa cousine par alliance ... Un instant, elle eut presque le cœur au bord des lèvres, à moins que ce ne soit plutôt un début de nausée qui commence à vouloir faire des siennes. Serrant un peu plus la mâchoire, elle apaisa intérieurement cette situation qui ... Elle devait lui dire, elle le savait, et ce malgré ses craintes. Elle devait lui dire de sujette à monarque, et moins de cousine à cousin. Elle le ferait, mais pas dans l'instant immédiat. Inutile de donner l'impression de dévier la conversation. « On ne peut jamais entièrement contrôler le futur, même pas avec une poigne d'acier. Malheureusement ... » Sa grand-mère le lui avait expliqué, quand, furieuse contre sa propre mère, Themyskira avait voulu vérifier auprès de son aïeule si Sheeva n'aurait pas maintes fois plus préféré que son fils aîné, Aslan, le père de la jeune femme, épouse une autre que Ilithya Kolikowski, sœur de celui qui avait endeuillé la Lignée des Iskander par excès de convoitise, de luxure et de fierté. Présentant sans doute un visage moins avenant à Noah, Themyskira se dévoilait pourtant telle qu'elle se savait être faite, avec force et réflexion. Le tout en plissant tout de même quelque peu les yeux. Son côté volcanique n'était après tout jamais loin, et c'était encore plus vrai avec ses hormones qui lui jouaient de si vilains tours, actuellement ... « Mon frère a d'innombrables défauts, et je pourrais aisément tous te les citer, c'est un de mes passe-temps favoris de le lui rappeler. Mais nous n'avons pas suffisamment de temps pour cela, et tu ne souhaites en rien tous les connaître, crois-moi. Mais c'est un Iskander. Et je suis sa première sœur. C'est ... Dans ma Lignée natale, cela représente quelque chose de pur, d'intouchable, de sacré. Jamais il ne ferait quoi que ce soit contre moi, ou contre mes enfants. Père passe pour être un homme avisé, raisonnable et terriblement redoutable en affaires. Mais il ne laisserait pas passer cela. Même si je sais que cela n'est sans doute en rien une garantie pour toi. Et que cela ne peut de toute façon pas impliquer Ysalis, ni même mon neveu, du moins, malheureusement pas tant qu'il est à Flevion. » Elle ne pouvait conceptualiser le fait qu'Aleksios s'en prenne à elle d'une quelconque façon que ce soit. Cela signifiait ne pas s'allier avec des forces qui voudraient nuire à ceux qu'elle avait rejoint et qui, par ricochets, viseraient également sa propre disparition à elle. « Yllan est mon neveu. Mais il se trouve que je suis également sa marraine. Il m'incombe de m'assurer qu'il devienne un jeune homme aussi avisé que possible. Un jeune homme avec sa tête sur les épaules, et dont le seul tatouage sera celui du phœnix.  Alors s'il faut aller moi-même le chercher là-bas ... S'il faut y aller, j'irais. Et si Ysalis s'y oppose ... » Elle n'énonçait pas les faits, mais la réalité serait là. Et Themyskira avait déjà tuée. Volontairement, et involontairement, mais jamais par caprice. Cette fois-ci ne serait pas l'exception à la règle.

Petite, il était hors de question pour elle de laisser qui que ce soit critiquer son frère Aleksios. Et plus largement un membre de sa famille d'ailleurs, mais il fallait bien reconnaître que son aîné avait tout de même occupé une place à part dans son cœur. Loin d'être aussi réfléchie et mature qu'aujourd'hui, les coups de pieds dans le tibia la connaissaient alors, sans parler de ses doigts qui trainaient et qui, à leur mesure enfantine de l'époque, savaient faire souffrir dans une moindre mesure, en vengeance tout à fait puérile, il fallait bien le reconnaître. Aujourd'hui, sans doute les moyens avaient-ils changé, mais le fond, finalement, demeurait plus ou moins le même. Elle s'arrogeait le droit de suprême d'ériger des reproches à l'encontre de son frère, tout comme de lui passer un savon en règle, et appréciait peu que quelqu'un d'autre qu'elle s'y mette. C'était très peu mature finalement, mais bien mieux qu'hier, elle savait désormais comment cacher ses émotions. Sauf peut-être là, car, encore une fois, il s'agissait d'Aleksios, et que Noah abordait tout de même un point plus que sensible. Là où son cœur de sœur se plaçait invariablement du côté de son frère, son esprit de femme d'affaires avisée savait combien Noah avait raison. Et au milieu de tout ça, il y avait son cœur et son esprit de mère. De future mère, surtout. De quoi presque lui mettre la nausée au bord des lèvres, sans que cela n'ait tant à voir avec la certitude à peine couverte que, pour un Iskander, y compris aussi jeune et innocent qu'Yllan, et surtout pour un petit être tel que lui, Themyskira serait prête à tout, même au pire. Y compris si cela signifiait devoir se débarrasser de sa belle-sœur. Une option envisagée, mais pas encore enclenchée, que Verane en soit remerciée. Du moins, à ce qu'en savait la jeune femme ...

Noah reste muet, attentif, à l'écoute et à l'affût, ce qui est loin de surprendre la jeune femme, peu dépaysée par une telle attitude de la part de son cousin. Tout comme elle n'est en rien surprise de le voir taper si juste et si bien en son cœur, en sachant tirer les ficelles qu'il fallait pour ne pas la brusquer tout en ne la ménageant pas non plus pour autant. Alors elle encaisse. Elle encaisse sans pouvoir s'empêcher d'être furieuse contre son frère. Après tout, c'était lui qui s'était mis dans de beaux draps en s'en allant faire un enfant à une autre que son épouse. Il n'était guère étonnant qu'Ysalis et lui semblent être en froid en ce moment, la poussant à ... Bref. Tout ça, c'était de la faute d'Aleksios, ce qui n'empêchait pas Themyskira de devoir quelque peu réparer les pots cassés. « Je comprends. » Elle n'avait pas besoin qu'il lui réexplique les choses, et pas besoin non plus qu'il la convainque plus en amont. « La destinée de ma sœur pèse également dans la balance, et je ne peux l'oublier. » Résignée, elle ferme un instant les yeux, non sans tiquer intérieurement sur une partie des paroles de Noah. S'il savait ... Mais il ne sait pas, et dès lors, il ne peut pas comprendre. L'hésitation naît alors dans l'esprit de la jeune femme, comme si, soudainement, elle ne savait plus trop sur quel pied danser. Elle n'est pas prête. Pas prête à rendre public sa grossesse, pas quand elle a encore si peur que, brusquement, tout cesse dans la douleur et le sang, comme la dernière fois. Mais alors qu'elle pose de nouveau un regard déterminé et quelque peu scrutateur sur Noah, elle comprend bien que, présentement, ils parlent de roi à sujette, et non pas de cousin à cousine. Et cela change tout. « L'amour doit pourtant bel et bien régir mes actions, désormais, ou tout du moins concernant la position dans laquelle je me trouve personnellement. Mais tu as tout de même raison, tu ne peux me laisser gérer tout ceci seule. En tout cas pas physiquement. » Il n'en mourra pas, si elle se tait là, mais ce serait tout de même cruel de sa part de parler en de telles bribes sans aller au bout des choses. « Je suis enceinte Noah. » D'Asher, bien évidemment. Mais cela allait de soi, et elle n'avait donc pas besoin de le préciser.