Hector s'entrainait, il savait que d'ici quelques jours une nouvelle bataille aurait lieu. Cette fois-ci ça se passerait différent, il le fallait. Alors même subrepticement, le doute n'avait pas sa place. Concentré sur sa cible il tirait. La rage semblait plus intense encore. Pourtant il était calme. Chaque mouvement était minutieusement calculé, ses gestes millimétrés. Jusqu'à ce qu'on vienne le déranger. Semble-t-il l'ordre qu'il avait donné : Merci de ne pas venir me déranger n'avait-il pas été assez clair. Un servant lâcha alors ces quelques mots : Je m'excuse votre majesté, une jeune femme du nom de Ethel Strahovski a demandé à s'entretenir avec vous pour une affaire importante.. Si pendant un bref instant c'était le servant qu'il mourrait d'envie d'enguirlander, ces quelques lettres, syllabes formant deux mots représentant ce nom qui signifiait tant pour lui, elles, changèrent la donne. Il déchargea le servant de tout regard lourd de reproches et lui signifia qu'il prenait cet entretien. Avec plaisir même avait-il envie de rajouter, ironie. Quelques jours passés à l'attendre, plusieurs semaines même et voilà qu'elle réapparaissait soudainement. La colère le gagnait peu à peu, pour ne pas dire qu'elle le consumait. Il espérait au moins qu'elle ait des raisons valables d'avoir agi comme tel.

Tandis qu'il s'affairait à suivre le jeune servant, ses pas raisonnaient et l'on pouvait déjà entendre à sa démarche que toute interruption aurait été des plus mal venues. Rien ni personne ne l'arrêterait. Qu'on essaya même de le tenter. La démarche manifestement décisive, mais une apparence pour le moins, comme toujours, neutre, avec quelques tendances légèrement ascétiques, il passa alors la porte de la pièce dans laquelle la principale intéressée l'attendait.

Ses yeux se posaient sur elle, la détaillaient attentivement. Il n'eut pas à faire le moindre signe au domestique de quitter la pièce et n'adressa pas son sourire habituel à celle qui avait tant fait pour les Macanthos, qu'ils avaient pu garder ici et pour laquelle il avait une affection particulière, Joséphine. Cela dit, il ne s'agissait nullement d'un quelconque amour, rien de plus qu'une reconnaissance pour celle qui avait su se montrer loyale et fidèle. Les domestiques avaient compris d'eux-même qu'il ne devaient pas rester. Ses yeux se posaient sur son invité et s'il ne détourna pas le regarda quand bien même ils n'étaient pas seuls dans la pièce, il ne lui fallut qu'attendre que le personnel ait quitté les lieux pour qu'enfin, son air maîtrisé s'effrite et qu'une émotion plus réelle se saisisse de son corps jusque sur son visage. Un souffle s'échappa d'entre ses lèvres. Il pensait au moins la trouver dans un piteux état, quelque chose qui puisse expliquer cette disparition et cette absence de réponse. Mais non. Elle était étrangement normal. Parfaitement ordinaire. Rien. Elle brisa alors, enfin, le silence. Ou peut-être aurait-il mieux valu qu'il perdure. « Je suppose que tu es en colère. » Un souffle, presque un rire, constitué de cynisme s'échappa de sa bouche. Ses poings se serrèrent, du regard il la fusilla. « Tu disparais du jour au lendemain.. Il marqua une pause, se tourna légèrement puis continua —sans laisser ne serait-ce qu'un mot, ni même envoyer une lettre. Rien. Nada. » Je pouvais croire qu'il t'était arrivé quelque chose. Il lui fit à présent face. « Et tu reviens des semaines plus tard en t'attendant à recevoir un bouquet de fleurs ? Vraiment, Ethel ? » Il haussa alors le ton sur ces deux derniers mots. Sa rage le consumait, mais il ne criait pas. Pas encore du moins. Il tentait de se maîtriser, comprendre, mais d'ici quelques minutes, sans l'ombre d'un doute, des cris de colères résonneraient contre les murs de la pièce. « Alors j'espère que tu as une bonne explication à m'apporter. Je t'écoute. » Il s'appuya alors sur le rebord de la fenêtre et, les bras croisés, lui fit face, faisant pénétrer son regard opales dans celui de sa voisine. Sans ciller il l'observait, guettant la moindre faille.