“la mise à nu.” & Elle exècre ce moment, cet instant. Lorsqu’il est venu le temps de s’en aller, de s’éclipser. C’est là que ça la frappe, la fatalité, la réalité. Elle est l’autre femme, l’amante. C’est le rôle qu’elle endosse. Celui qui lui sera toujours incombé. Et, elle s’en accommode, parce qu’il le faut. Elle grappille les miettes d’attention qu’il est en mesure de lui accorder, parce qu’il vaut mieux cela plutôt que rien du tout, le néant, n’est-ce-pas ? Malgré les disputes, leur orgueil et leurs différences, il occupe ses pensées, peut-être même son cœur, mais ça, elle ne veut pas y songer, autant fermer les yeux, se voiler la face. Les sentiments, surtout avec lui, ce n’était pas vraiment prévu, ce n’est pas facile à appréhender. Alors, aucun d’eux n’y songe vraiment, pas de niaiseries. Ils se contentent de leurs nuits, souvent trop courtes, des soirées improvisées, bien trop fugaces, des instants volés. Ensuite, ils se séparent, reprennent le cours de leur existence, comme si de rien n’était. Véritable contrainte, du moins pour elle. On s’y fait, à force, ça n’en reste pas moins pénible. Oui, elle est bel et bien cette autre femme et indubitablement, comme à chaque fois, elle tire sa révérence, jusqu’au prochain moment chapardé.

Il est parti, c’est plus simple ainsi. Sa présence ne fait que rendre plus difficile son départ. De surcroît, elle déteste lorsqu’il est capable d’apercevoir sur son visage à quel point il lui est désagréable de le quitter. Question de fierté. L’orgueil mal placé. Elle ne souhaite pas qu’il lise en elle. Elle ne veut pas se dévoiler à lui, c’est trop périlleux, trop risqué. Ils sont bêtes, c’est sûr et certain. Deux imbéciles finis, réunis.
Ainsi, elle déambule dans les couloirs infinis, la sortie en ligne de mire, attirant le regard de certains domestiques curieux, comme souvent. Elle est le médecin, officiellement. Un médecin un peu trop présent. Forcément, sa présence interloque. « Mademoiselle Strahovski ! » Elle ne saurait dire pourquoi, cette interpellation résonne étrangement à ses tympans. Vieille fille, lui susurre une petite voix sournoise. Elle l’a voulu après tout. Au moins est-elle libre, du moins le pense-t-elle. Elle marque l’arrêt, pivotant légèrement sur la droite, croisant par la même occasion les prunelles émeraude d’une domestique à l’air juvénile. « Il y a un problème ? » Elle espère bien que non. Elle déteste traîner au sein du château plus que de raison. Le visage de la jeune fille, mi-intimidé, mi-contrit, ne lui indique rien qui vaille. Étrangement, elle semble encore plus mal à l’aise qu’elle, plutôt interpellant. « Elle aimerait s’entretenir avec vous. » Le myocarde loupe un battement. Pourquoi ? Question pour le moins judicieuse. Elle n’a nullement besoin d’autres précisions, elle a pertinemment conscience qu’Edelweiss Macanthos, l’épouse, est la personne souhaitant converser avec elle. Autant dire que l’envie n’y est pas. Mais, ce n’est guère comme si elle avait le choix, comme si elle pouvait se soustraire à cette requête. Alors, elle suit la jeune domestique, la mort dans l'âme.

Elle ne la croise que rarement, Edelweiss, elle n’est même pas certaine de lui avoir adressé déjà plus de trois mots. Alors, se retrouver ici, au cœur de son antre, lui procure une sensation indescriptible, pas le moins du monde appréciable. « Vous avez demandé à me voir ? » Sur ces quelques mots, la domestique s’éclipse, sans demander son reste. Ethel ne la comprend que trop bien pour le coup. Elle déteste être ici. Le regard s’attarde ci et là, détaillant les lieux, se heurtant finalement à celui de son hôte. Comme à chaque fois, la prestance et la beauté d’Edelweiss la frappent de plein fouet, provoquant au fond d’elle une vague de jalousie incontrôlable, dévorante. Elle l’envie, c’est évident. Non pas parce qu’elle semble être née avec toutes les qualités du monde, du moins en apparence. Mais, parce que d’une certaine façon, il lui appartient, Hector, et elle exècre cela.

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