Sa poitrine se soulève. Haletante. Paniquée. Son cœur vient battre contre ses côtes jusqu’à ce qu’elle en ait mal. Mais quand elle se retourne en prenant appui sur un arbre, c’est l’obscurité qui l’attend. Elle ne peut même plus voir la frontière qu’elle a franchie. Mais c’est fait. L’aventure est accomplie. Des semaines entières pour trouver les faux-papiers nécessaires à lui permettre de quitter Aureus. Et elle comptait attendre, Johari. Attendre un peu plus longtemps, ne pas prendre de risque et trouver d’autres papiers contrefait qui lui permettraient de se mettre en sûreté à Karez. Mais le temps lui a manqué. Un frisson s’empare soudain d’elle, partant du haut de sa colonne vertébrale pour finir vers ses pieds lorsqu’elle se souvient. Ou plutôt lorsqu’elle essaye de se souvenir. Car il n’y a qu’un flou dans sa mémoire. Un flou terrible qui l’a laisse encore tremblante. Elle a perdu tout contrôle et elle ne sait pas pourquoi. La conscience est revenue, le sang sur ses mains trop vif et Johari a pris sa décision. Partir, partir, partir . Fuir de nouveau dans un endroit où personne ne saurait, un endroit où elle pourrait se cacher. Juste le temps de comprendre, de retrouver un appui. Un refuge. Un sentiment illusoire de sûreté.

C’est à tâtons qu’elle avance. Une pointe de regret à l’idée d’avoir choisi la nuit, tout en sachant que l’ombre lui procure l’avantage de la discrétion. Mais s’orienter devient plus compliqué, d’autant plus qu’elle est seule. Un léger pincement de regret s’empare d’elle. Peut-être aurait-elle dû prévenir. Elle a laissé un mot pour ceux du cabaret. Ils comprendront elle le sait, et s’ils peuvent, ils la rejoindront dans les jours à venir. Peut-être pas au complet, mais elle ne pouvait pas attendre Johari. Elle peut reconstruire, elle peut recréer, mais pour cela il faut qu’elle soit libre. Peut-être aurait-elle pu le rester à Aureus, mais la brune ne pouvait pas en être sûre. Et puisqu’elle comptait de toute façon partir, autant se lancer. Un craquement la fait sursauter. Pas de raison d’avoir peur pourtant, désormais elle est du bon côté. Et pourtant elle se fige, les muscles tendus, le corps en alerte, tout en sachant pertinemment qu’il semble improbable qu’elle puisse gagner l’avantage contre un quelconque assaillant. Des pas qui se rapprochent et elle est trop épuisée pour courir. Trop désorientée également. Absolument perdue.

Un éclair de lumière et sa respiration se bloque dans sa poitrine avant de lentement se relâcher. La panique encore présente dans ses yeux, se mélangeant à l’incompréhension qui l’a envahi depuis ses derniers jours. « Oh. C’est toi. » La voix est tremblante, fragile et si loin de la femme qu’elle est devenue. Mais la force et la certitude se sont envolées, il ne reste que le doute et la terreur d’a nouveau perdre le contrôle d’elle-même.

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