décembre 2667 - rezbia
elle n'aime pas vraiment ça, qu'ils soient tous là. elle ne devrait pas nourrir pareilles pensées à l'égard de ses frères et sœurs mais elle ne dispose d'aucune prise sur ce genre de choses. en fait, il lui semble parfois qu'elle n'a de prise sur rien du tout. comme si sa vie s'écoulait sans elle, sourde à toute tentative de contrôle.
« you are not focused enough. we will resume this later. »
elle détourne le regard du tableau offert par sa fratrie pour se heurter à la place à la frustration grandissante de sa préceptrice.
une gentille femme que celle-là, sablier comme elle de son état et engagée par ses parents pour l'aider à amadouer ce pouvoir étranger aux sielle.
cassandra secoue la tête; alourdie par une nuée de remords.
« no, i'm sorry. i can do better. »
et sur ce, sourde à la protestation de la femme, elle braque son attention défaillante sur l'étendue de sable présente à ses pieds. elle s'efforce de projeter de pouvoir, de jouir d'une prise de main ferme sur l'habileté traîtresse qui lui cause tant de soucis.
ses pensées malgré tout se délitent. elle peut presque voir son pouvoir s'écrouler lourdement en un écho funeste. elle parviens tout au plus à faire virevolter un filet de sable qui a tôt fait de chuter de nouveau vers le sol.
pathétique.
« the conditions aren't good. it's okay. you'll do far better soon. »
le regard de la préceptrice vrille à son tour du côté des magnetrons. celui de cassandra fait de même bien qu'elle sache qu'il serait préférable de s'en abstenir. elle ne peut s'en empêcher malgré tout.
noah est en train de s'entraîner et c'est sur son frère aîné que l'attention de cass se braque. les gestes du magnetron sont sûrs. il se dégage de lui une aura de contrôle qui éclabousse d'autant plus la maigre performance de sa cadette. comme elle se sent petite, en comparaison à lui. ridicule. insignifiante, même.
et elle l'a en horreur ce sentiment d'insuffisance.
elle se mord la lèvre et s'apprête à prendre congés quand son regard est attiré vers un autre coin de la vaste pièce. arabella, loras et eliot s'y trouvent, eux aussi accaparés par la démonstration visuelle qu'offre noah. le regard de cassandra glisse sur le reste de sa fratrie. sur la silhouette encore infantile d'eliot et sur le regard brillant de loras, même à cette distance. et enfin, son attention échoue vers sa sœur.
arabella, qui ne regarde plus noah. arabella, qui l'observe elle.
et elle jurerait à l'éclat distant dans le regard de son aînée qu'elle n'a rien manqué de son échec. sans doute qu'elle a trouvé ça drôle, là où, en public, c'aurait été pour elle plutôt humiliant. elle brûle sans doute, moqueuse, de le raconter à noah, à moins que ce ne soit pas suffisamment digne d'intérêt pour seulement en parler.
cassandra ne saurait pas dire quelle perspective la blesse le plus.
elle sait juste que c'est trop pénible alors elle détourne le regard. elle cède, elle ploie. on ne peut que trop compter sur la présence de sa fratrie pour la faire irrémédiablement passer pour une imbécile finie.
« cassandra. »
et il y a de la compassion dans la voix de la préceptrice.
de la compassion et puis aussi un peu de pitié.
ça irrite la tigresse qui vient nouer ses bras sur son ventre en une attitude inutilement défensive. « i'll see you tomorrow, then » rétorque-t'elle d'une voix qu'elle aurait voulu moins raide.
elle a envie de n'en avoir que faire de tout cela. le désintérêt des siens et tous ses regards soudain viciés, altérés, lorsqu'ils viennent se poser sur elle.
elle voudrait être moins vulnérable face à ce comportement odieux. elle voudrait être plus en colère et puis plus forte, dans tous les sens du terme. mais elle flanche. elle flanche toujours. elle échoue à diriger adroitement sa rancune, se laissant avaler par elle.
au final, elle ne parviens qu'à leur donner raison.


août 2677 - aureus
« are you sure ? » « are you sure ? »
leurs voix se mélangent, leurs mots se superposent maladroitement.
elle pouffe, son rire solaire, léger, gourmand. il sourit aussi. d'un sourire doux, qui n'a plus rien de figé. elle ne le connait pas encore par cœur, cassandra, mais elle a le sentiment que c'est suffisant. qu'ils s'apprivoisent chaque jour un peu plus et ça suffit à la mettre en confiance.
are you sure ?
oui. elle l'est. depuis un moment, en fait.
elle l'est vraiment.
elle fouille le regard de son époux. elle cherche la confirmation qu'il éprouve aussi ce qu'elle ressent. un sentiment de familiarité. la pensée d'un refuge. d'un foyer. c'est ce qu'il s'est mis à représenter pour elle et plus que tout le reste, elle veut savoir que c'est réciproque.
« yes. »
un petit mot que celui-ci. trois lettres venues s'élever entre eux deux et elle ne réclame rien d'autre. son sourire se fait plus sûr et ses joues se mettent à rougir.
elle est un peu anxieuse et elle devine dans le regard de marcus que le sentiment est réciproque. il n'a pas l'air fier non plus. ils s'aventurent l'un comme l'autre en un terrain inconnu et elle préfère qu'il en soit ainsi.
même si elle n'est pas sotte. ça non. s'il n'a à priori jamais couché, elle sait en revanche qu'il a le cœur tourné vers une autre. et ça fait mal, forcément. l'idée qu'il puisse avoir dans la tête un visage différent pendant qu'il est au lit avec elle.
« cass ? »
leurs regards s'accrochent à nouveau et elle laisse échapper un soupire. ce ne sera pas parfait. une pensée qu'il serait de bon ton d'accepter. la perfection n'est pas. une fable, un fantasme, corrompue par une réalité irrémédiablement décevante, fanée. parfois l'espoir, l'attente, pourri tout.
cassandra, elle ne veut pas de ça. elle a soif de beauté, de splendeur, de plénitude, même si c'est bref. même si ça doit se résumer à un goût sur sa langue, à un souvenir qui finira peut-être par se diluer avec le temps.
elle n'a pas le luxe de penser à ce qui suivra, pas dans un monde comme le leur, un monde constamment baigné d'incertitude.
alors elle banni la réflexion pour se repaître dans l'action. boudant l'interrogation venue s'inviter dans les yeux bleus de marcus, elle se penche vers lui et viens presser énergiquement ses lèvres contre les siennes.
elle s'applique à mettre sa cervelle en arrêt. oublier qu'il ne l'aimera certainement jamais de la manière dont il aime une autre. s'ôter de la tête qu'il n'est à elle que par le biais d'un contrat signé par leurs pères. elle se déleste de toutes ses chaines qui la pèse et l'embrouille et à la place, elle consent à réduire son univers entier au garçon qu'elle embrasse passionnément.
il lui rend son baiser et elle sent sa main qui s'égare dans sa chevelure. ça la fait sourire. ça la rend absurdement heureuse.
avec des gestes encore un peu fébriles, elle entreprend de lui retirer sa chemise et le sent se tendre un peu. il n'en faut pas plus pour qu'elle s'interrompe, le regard soudain embourbé d'incertitude.
« what's wrong ? » et son assurance se fane. ça se perçoit jusque dans sa voix.
sa bouche se réduit en une ligne trop fine et elle se recule un peu, soudain anxieuse. elle persiste à regarder Marcus tout en craignant soudain ce qu'elle pourrait bien se mettre à lire dans ses yeux.
peut-être qu'il veut déjà revenir sur sa décision et elle est pétrifiée par cette pensée. elle sent ses joues qui s'empourprent déjà à l'idée qu'il pourrait bien la repousser. ce serait de trop, vraiment. elle est trop fatiguée d'être ainsi maintenue au loin.
« it's not you- »
it's me qu'elle finit mentalement et ça lui donne envie de rire tant c'est cliché. bon sang. elle commence à secouer la tête et fait déjà mine de descendre du lit, les joues brûlantes d'embarras. « don't say a thing. it's... » fine. mot qu'elle ne prononce pas car elle sait déjà qu'il sonnera absurdement dans sa bouche. non, elle ne va pas bien. pour ce qu'elle en sait, rien ne va bien.
elle est à deux doigts de filer quand il l'en prive, refermant doucement une main sur son poignet. elle s'immobilise à ce contact et lève sur lui un regard chagriné, agité.
what ?
elle n'est pas sûre de vouloir entendre ce qu'il s'apprête à lui dire, mais elle ne fait pas mine de se dégager pour autant. elle prend sur elle, tendue, une boule logée au niveau de l'estomac.
elle attend, suspendue à ses lèvres.
le silence s'étend, l'instant s'allonge et elle est sur le point de le presser, agonisante, quand il commence à enlever sa chemise avant de se tourner légèrement pour lui présenter son épaule.
la vision de la peau brûlée la laisse sous le choc et elle porte une main à ses lèvres. son regard reste rivé sur le soleil qui souille violemment la peau de marcus.
« why... » commence-t-elle à l'interroger avant de s'interrompre. elle secoue la tête, la main toujours contre les lèvres. « no, i'm sorry... you don't have to tell me if you doesn't want to. » elle a la gorge sèche, le ventre noué.
elle aimerait qu'il lui parle bien sûr, mais elle ne l'y poussera pas. elle finit par détourner son regard de la marque pour venir trouver celui de marcus à la place. « does it hurt ? » s'entend-elle lui demander au bout d'un moment.
elle laisse glisser sa main sur le drap jusqu'à trouver la sienne. et elle la prend, elle la serre. i'm here. « it doesn't, don't worry. » plus facile à dire qu'à faire, bien sûr. « it's simply ugly. » il essaie d'insuffler de la légèreté à nouveau. elle le couve du regard, entrelace ses doigts aux siens. « as far as i'm concerned marcus, there's nothing ugly about you. »
et sur ces mots, elle se remet à l'embrasser. un baiser doux qui ne tarde guère à se faire plus pressant. et elle perd pied, toute entière, sans aucune forme de retenue.
sourde au chaos, aux distances, aux secrets, aux regrets. elle écarte tout cela, toutes ses barrières qui auront tôt fait de reprendre position plus tard. seul compte l'instant  présent. elle. lui. maintenant.

5 septembre 2677 - aureus
« so it was a lie ? that's what you're doing from all this time, lying to me ? »
voix trop aiguë, colère trop sourde.
elle secoue la tête en tournoyant dans l'appartement comme un fauve à l'étroit dans sa cage. sa jupe l'agace, trop longue, trop imposante. elle la relève brusquement, le visage crispé par la colère.
elle est plus que furieuse en fait. elle veut hurler, elle veut le frapper, elle veut...
elle ne sait pas ce qu'elle veut. juste qu'elle ne l'a pas.
et elle se sent si sotte. les pensées affluent dans sa tête en une cacophonie virulente qui la fait enrager encore un peu plus.
elle remonte le temps, analysant furieusement les tours et détours de leur relation. elle voit rouge alors que le passé se défigure, altéré par ce qu'elle vient de découvrir.
elle évite de le regarder lui.
c'est préférable. outre sa fureur, elle retarde le moment où elle devra le revoir, vêtue de cette foutue cape, un masque dissimulant partiellement ses traits.
« you're overeact... »
d'un grognement elle le coupe, l'invitant rudement au silence. qu'il se taise pour une fois. qu'il se taise donc, bon sang !
Elle a besoin de ça. Elle a vraiment, vraiment, besoin de ne pas entendre sa voix.
Car il n’y a pas de mots, aucun qui soit susceptible de suffire, du moins.
La vérité est là, visible, assourdissante, et ça lui coupe le souffle.
Il a l’air d’un gosse, l’époux. Un gamin, attrapé la main dans le sac. Et elle… Elle a l’air d’une imbécile. Une fillette, elle aussi. Une poupée candide, trop heureuse de se laisser convaincre qu’elle est enfin appréciée, estimée… Aimée même.
Il faut vraiment qu’elle soit débile.
elle se remet à arpenter la pièce d'un pas furieux, fiévreux. elle a l'impression que si elle s'immobilise, alors elle ne manquera pas d'exploser.
« cass... »
elle n'y tiens plus. c'en est juste trop. elle s'arrête brusquement et darde sur lui un regard qui a pris la consistance de la glace. elle a l'air plus animal que fille en cet instant. il y a une flamme folle, bestiale, coincée dans son regard.
« you should shut up, marcus. you should really, really, shut up. »
sa voix cinglante résonne dans la pièce. une morsure. un ton brutal, glaçant et brûlant tout à la fois. une intonation virulente et étrangère qu'elle n'avait jusqu'alors jamais employée pour s'adresser à lui.
« make yourself a favor and stop talking. »
vraiment, c'est ce qu'il a de mieux à faire. quoi qu'il dise, de toute façon, elle ne l'entendra pas, pas alors que toute leur relation se rejoue rudement sa tête, déformée par une vérité qu'elle a eut la sottise d'ignorer.
elle a été bernée, trompée. et peut-être que ça ne devrait pas lui faire mal à ce point, mais c'est le cas. et elle déteste ça. elle déteste d'être si furieuse et si sotte et si vulnérable. elle s'est attachée. elle s'est même amourachée. elle le sait. elle le ressent. mais elle ne le dira pas. les mots se massent à la frontière de ses lèvres, mais elle ne les prononcera pas.
elle secoue juste la tête, l'expression trop raide, dure comme de la pierre alors que son regard, lui, ne parviens pas à masquer suffisamment le flot d'émotions qui la submerge.
colère, peine, regrets... de l'incompréhension aussi, car elle pensait le connaître.
et puis de la lassitude. car elle est vraiment fatiguée, soudain.
« i trusted you. »
ça sonne mal. ça a mauvais goût, tant ainsi, suspendu dans l'air entre eux deux, que dans sa bouche. i trusted you.
« i know you're able to understand. you keep standing with your family, this family who has never treated you the way you deserve to... »
no.
elle porte ses mains à son visage. elle masque ses yeux, essaie de se subtiliser par ce geste au monde qui l'englobe, qui l'enferme.
no no no.
« don't talk about my family. you don't know them, and you clearly doesn't know me either. » et pourtant, elle s'est ouverte à lui. elle lui a parlé et ce en s'abandonnant à plus de  franchise qu'elle n'en avait jusqu'alors jamais utilisé avec personne. « and don't you dare tell me what i deserve. cause i deserve a lot of things, marcus. i deserve love, respect and, above all, i deserve trust. »
elle se remet à bouger dans la pièce, mais cette fois-ci avec un but. elle a besoin de sortir. elle a besoin de sortir immédiatement. elle entend les bruits de la manifestation plus bas dans la rue. ça semble si loin d'elle et pourtant si proche. elle attrape un épais manteau et l'enfile avec des gestes saccadés. elle cale sa tignasse brune sous le col du vêtement en évitant scrupuleusement d'accorder plus d'attention qu'il n'en mérite à marcus. « i deserve much more than such a shitty husband. » qu'elle persiste à grogner, la colère pour l'instant plus forte que le chagrin qui enfle néanmoins à toute allure dans sa gorge.
il faut qu'elle parte avant de craquer. il est hors de question qu'il soit témoin de la douleur qu'il lui inflige. le peu de fierté qu'il lui reste encore, elle entend bien déployer tous les efforts nécessaires pour le sortir indemne de cet appartement.
« where are you going ? cass, it's dangerous out there. »
elle l'ignore, totalement sourde à sa protestation. qu'il perde donc son temps à essayer de la convaincre, pour ce qu'elle s'en soucie. « trust me, you are the one who will be danger if i stay stucked more time here with you. » et sur cette menace, elle traverse en quelques grands pas la pièce, le regard rivé sur la porte d'entrée. sa main est à deux doigts de se refermer rageusement sur la poignée quand marcus l'intercepte, il referme rudement sa main sur son poignet, ses doigts s'enfonçant dans sa chair.
elle aurait mal si ses sens n'étaient pas amoindris par la colère qui pulse dans tout son être. « Let go of me ! » qu'elle jappe. elle doit avoir l'air hystérique. peut-être qu'elle l'est. elle remue, essayant de se libérer de la poigne de son époux. « Let go of me marcus ! » elle rugit toujours plus fort et il ne lâche pas et c'est vraiment un foutu miracle qu'elle ne l'ai pas encore giflé. « i swear that if you... » mais elle n'a pas le temps d'aller au bout de sa menace. le bras de marcus retombe de lui-même, libérant le sien. sa peau est marbrée par la trace de ses doigts. mais elle est libre. elle est libre enfin.
elle darde son regard furibond dans celui de son époux et elle y lit tant de chagrin soudain. ça la perturbe un instant et elle flancherait presque. mais non. elle secoue la tête, serre les dents, et elle se rue sur la porte, impatiente de disparaître dans les rues grossièrement peuplées de la capitale.

octobre 2677 - rezbia
« are you alright ? »
la voix de son frère, chantante et assurée, la ramène au présent.
are you alright ?
Et elle pourrait essayer de se convaincre qu’il s’en soucie vraiment, que ça compte pour lui. Que ça lui importe. C’était le cas par le passé. Ça l’était vraiment.
Alors elle lève les yeux et sottement, elle espère. Elle s’accroche à un espoir diffus dont elle sait déjà qu’il sera trop vite douché, rincé.
Son regard embrasse l’expression de Loras.
Il est en train de lui sourire, le genre de sourire qui dévoile sa dentition parfaite. Un sourire tendre, solaire. De ceux qu’il ne maîtrise trop bien. Le sourire d’un grand frère, peut-être, mais le charme s’effondre dès l’instant où elle lève un peu plus la tête.
Son regard foncé accroche celui, si similaire, de son frère et elle se sent tomber.
Car le sourire de Loras Sielle n’a pas achevé de remonter jusqu’à ses yeux. Et ça fait mal. Encore, toujours, tout le temps. Ça n’en finit plus de faire mal.
are you alright ?
Et elle brule de lui dire que non, sur un ton trop aigre.
Que plus rien ne va bien depuis vraiment, vraiment longtemps.
Et qu’elle est fatiguée de tout cela, de ces faux semblants, de ses mensonges colorés qui ne comblent jamais rien.
Elle est épuisée.
Et son frère ne flanche pas. Il reste planté là, alors même qu’il aimerait sans doute être ailleurs. Elle n’en doute pas. Ça fait longtemps qu’il ne recherche plus sa compagnie.
Il est comme tous les autres, ou du moins il l’est devenu. Et c’est peut-être ce qui la blesse le plus, finalement. La pensée lugubre qu’il n’en a pas toujours été ainsi.
Elle se souvient, Cassandra, et en un sens c’est encore bien pire.
Ça la blesse de se remémorer Loras, tel qu’il était autrefois avec elle.
Son grand frère, chatoyant et solaire. Le gamin fougueux, empli de lumière, qui avait le don de tout rendre plus radieux, plus brillant. L’aîné bienveillant qui acceptait la proximité de sa cadette, qui attrapait invariablement sa main avec un regard confiant. Le garçonnet chaleureux qui trouvait toujours le temps de renouer un ruban mal fixé dans sa chevelure.
Loras tel qu’il avait été avec elle.
Et il ne reste plus rien de lui, désormais.
Juste un sourire fabriqué contrecarré par un regard trop froid.
it's not fair.
C’est ce qu’elle a envie de dire. de crier, même. elle a envie de hurler.
Lui hurler qu’il est injuste. Qu’elle est traitée en anomalie, en créature étrange et inopportune alors même que ceux qui la jugent sont ceux-là même qui lui témoignent une attitude raciale, presque animale.
Que vraiment, elle ne mérite pas tout ça.
Elle bouillonne. Elle veut éclater. Ses émotions sont à vif, son cœur saturé d’angoisse et de colère. Peut-être que ça lui ferait du bien. C’est ce qu’elle songe alors que ses lèvres restent trop longtemps scellées.
Et Loras, il attend toujours, l’air un peu ennuyé maintenant, comme s’il regrettait déjà d’être venu de s’enquérir de son état.
I hate you.
Mais c’est faux. Elle ne le hait pas. Elle ne hait aucun d’entre eux. Elle devrait sans doute, mais non. Elle ne peut pas et elle ne veut pas.
there's no point hating someone you love.
alors elle se mord la langue et elle secoue la tête. comme si ça allait. comme si elle n'était pas furieuse et fiévreuse et brisée.
« i'm fine, thank you. »
un échange qui ne pourrait que difficilement être plus impersonnel.
des paroles étrangères, pour deux étrangers.
sur ces mots-là, elle se détourne, plantant son frère avant qu'il ne le fasse, maigre consolation dont elle se saisit malgré tout.

mi-novembre 2677 - rezbia
ses doigts s'agitent en un mouvement gracieux, pinçant doucement les cordes de l'instrument.
les notes s'élèvent dans l'air cloisonné de sa chambre, rompant l'atmosphère trop silencieuse. là est son refuge, depuis toujours. dans le confort de la harpe lovée contre son corps, dans la mélodie sincère, viscérale, qui ne manque jamais d'emplir son être.
mais pas ce jour-là.
en cet instant, chaque son lui parviens sinistre, grignoté par l'amertume.
et l'angoisse aussi. elle a peur, Cassandra et ça l'agace. alors elle se détourne, boudant son instrument.
elle est enfermée à l'intérieur de sa tête et rien n'est jusqu'alors parvenu à l'arracher à cette sordide prison.
de ses doigts, elle viens tâter doucement son ventre. il commence à peine à s'arrondir, ne suffisant guère encore à trahir physiquement son état. elle le camoufle déjà, cependant, boudant déjà tout vêtement cintré.
comme si dissimuler son ventre pouvait, d'une façon ou d'une autre, la défaire de cet enfant qui s'épanouit en elle.
et est-ce que c'est ce qu'elle veut ? ne pas être enceinte ? car ce bébé a sauvé son mariage, pour ce que ça vaut. mais peut-être que c'est vain tout ça. peut-être qu'il n'y a plus rien à sauver. peut-être que l'union est déjà irréparablement brisée.
ça la bouffe, toutes ses interrogations. ça la terrasse, ça la brûle.
ça la tiens éveillée jusque très tard dans la nuit, lorsqu'elle n'aspire pourtant qu'à trouver un semblant de quiétude dans un sommeil bienvenu.
malgré les semaines passées au coeur du nouveau royaume de valdierva, cassandra a toujours la tête à aureus, vers Marcus, et elle déteste ça.
son époux ne se trouve même plus dans l'ancienne capitale. il a fuit avec les trinitaires, pensée qui n'en fini plus de ronger le cœur déjà bien amochée de la tigresse. elle a été soulagée pourtant, d'apprendre qu'il s'en était sorti vivant. elle avait presque sourit sur le moment avant de se rappeler qu'elle n'avait aucune raison de se réjouir.
car marcus l'a trahie et eliot... eliot n'est plus en capacité de trahir qui que ce soit.
au souvenir de son frère, elle porte d'instinct une main à ses yeux encore secs pour écraser ses larmes avant même qu'elles n'aient l'idée de couler. son émotivité est en train d'atteindre des sommets et cette perte de contrôle ne manque pas de l'exaspérer.
ça lui donne l'air bien faible, cette propension trop élevée à pleurer et c'est là une image qu'elle n'entend pas laisser entrevoir à qui que ce soit. non pas qu'elle ait le loisir de se faire beaucoup observer ces derniers temps. Noah y veille, transformant pour sa jeune sœur le palais en une espèce de glorieux donjon.
à cette pensée, cassandra se mâchouille la lèvre avant de se lever. d'une main, elle se met à tresser distraitement sa longue chevelure foncée tout en commençant à arpenter la pièce. son regard sombre embrasse la vue présentée par les rideaux écartés.
la nuit s'étire au delà des fenêtres. une nuit qui n'en finit plus de durer, longue et inquiétante. la tigresse fronce les sourcils, de plus en plus oppressée par cette obscurité qui commence à lui peser.
le monde a beaucoup changé et elle n'est pas sûre que ce soit pour lui plaire. cette nuit interminable lui laisse un goût cendreux en bouche. trop d'inconnu à l'horizon. trop de questions en suspend. et elle bouillonne, cass. elle grimace, elle ronchonne dans sa barbe. elle porte un enfant et pourtant elle se sent soudain gamine.
une enfant effrayée, distante, contrariée.
elle s'approche d'une fenêtre qu'elle ouvre, laissant l'air de cette nuit éternelle l'envelopper. elle frissonne un peu, nouant ses bras fin autour de son buste comme pour se protéger du froid. elle ne fait pas mine d'aller se couvrir pour autant. elle reste là, silhouette immobile face à un monde qui tournoie encore et encore, lui filant le vertige.