Tu n’as pas de père, n’en as probablement jamais eu. Ou plutôt, tu ne t’en rappelais pas ou plus. Juste des échos d’un visage brouillé par les années. Pas de voix. Pas de souvenirs. Pas d’objets. Rien. De ton géniteur, tu ne connaissais que le nom. Mayers. Rory Mayers. Natif d’Hoikuri, maître de la glace, famille bourgeoise argent. Un jour, comme lui, tu fus Mayers. Tu étais liée à cette famille glacière, tu faisais partie de cette lignée de pêcheurs et d'artisans. Mais plus maintenant. Plus depuis très longtemps. Plus depuis qu’un soir, ta mère ne vienne vous chercher dans votre lit et ne vous mène dans sa terre natale, arrachant le nom de votre père pour vous coller le sien.

Tu n’as pas de père, n’en a définitivement jamais eu. De lui, tu n’as que le physique, que le pouvoir et le sentiment d’avoir été bien trop souvent l’innocente témoin de nombreuses disputes conjugales. Il te semble encore les entendre, les cris, les coups, comme des échos de mémoires presque oubliés. Pas sur toi et jamais sur vous. Mais sur ta mère. Mais sur ton père. Tes parents qui s’entre déchiraient autant qu’ils s’aimaient.

Tu n’as pas de père, la mémoire que tu en as de lui étant morte. En ton entourage, personne pour l’entretenir ou encore moins la raviver. Pas tes oncles, pas tes tantes. Surtout pas ta mère. Mais si tu n’as pas de père, tu n’as probablement pas plus de mère. Comment le pourrais-tu quand Hilda ne sait jamais comment se comporter, quand elle te regarde ? Elle t’aimait, sûrement, probablement, tu le savais. Tous, vous ressembliez à votre géniteur, toi sans exception. Elle vous adorait pour ça. Adorait vous regarder et voir l’écho d’un homme qu’elle a aimé de tout son être. Adorait voir le simulacre d’une vie qui fût et ne sera plus jamais. Elle vous haïssait pour ça. Était répugnée de constater les traits d’une personne qu’elle ne saurait plus jamais revoir. Était hystérique que de ce constant souvenir. Tu n’avais pas de mère, non. Juste l’ombre d’une femme qui t’avait donné naissance.

Mais qu’importe ton père, qu’importe ta mère. Tu avais ta fratrie, tu avais tes oncles, tes tantes, tes cousins à foison. Tu n’étais pas née Montgomery, mais tu n’étais définitivement devenue.


Penchée sur ton bureau, une montagne de papiers devant les yeux, tu étais en pleine réflexion. A présent que le fruit de ton labeur avait aboutit, à présent que tu avais enfin entre les mains ton diplôme, un nouvel univers s’ouvrait à toi. Celui du commerce, celui de l’économie et de l’argent. Tu le connaissais de vue, ce monde, pour avoir observé tes oncles et cousins nager avec les pires requins. Tu les avais observé et tu avais appris, car bientôt, ce serait toi à leur place. Réflexion et décision mûrement réfléchie, ce n’étais pas vers l’or noir de ta famille que tu souhaitais te tourner, mais vers un métal bien plus mécanique et pliable. Pourquoi se contenter de ce que nous possédions déjà, alors que nous pouvions avoir plus ? C’est ce que tu voulais faire, c’est ce que tu voulais découvrir. Tu voulais chercher et trouver et inventer tous ces petits outils qui améliorerait votre quotidien, qui le rendra plus agréable, plus sûr. Tu avais travaillé dur pour ça, refusant de te baser sur ta seule intelligence ou ton nom. Tu ne serais pas de ces imbéciles qui se contentaient de ce que leur avaient donné leurs parents. Tu voulais plus. Tu avais toujours voulu plus. Le commun, la médiocrité ne t’intéressaient pas, n’y avait que l’excellence et la perfection. Et une nouvelle fois tu les avais eu, obtenant des notes parfaites à ton examen. Et une nouvelle fois tu les auraient dans cette future entreprise qui sera la tienne. Tu n’attendais rien de moins des autres et de toi. Mais avant d’être couverte de lauriers, il fallait franchir les premiers pas qui mèneraient à la gloire. Où serait ton usine ? Quels matériaux utiliseras-tu ? Que développeras-tu en premier ? Quels seront tes acheteurs, tes clients ? Devras-tu emprunter ? C’était toutes ces questions auxquelles tu réfléchissais et essayais de répondre, gribouillant inlassablement sur tes papiers. Tu es si concentrée à ta tâche, que tu n’entends pas ta soeur arriver dans ta chambre.

“Thea …” Tu sursautes, manquant de faire une rayure sur tes calculs. Agacée d’être ainsi interrompue, tu te tournes pour faire face à ta cadette, la bouche pincée. “What ? You know i’m busy, right now.” lui dis-tu, l’irritation ouvertement présente dans ta voix. Prima que tu voulais terminer tous ces calculs le plus rapidement possible. Mais ta sœur ne te répond pas, se contentant de te regarder en se mordillant les lèvres. Tu fronces les sourcils. Pourquoi ne parlait-elle pas ? Ce n’était pas dans ses habitudes d’être si hésitante. “What ?” répètes-tu, l’agacement faisant lentement place à l’inquiétude, sur ton visage de glace. Ta jeune sœur avait-elle des ennuis ? Quelque chose lui était arrivé ? “It’s …” commença-t-elle, ses dents mordillant toujours autant ses pauvres lèvres. “It’s Clayton … He’s dead.” Ah. Ton fiancé. Ton si grand, ton si brutal, idiot et chauvin de fiancé. “How did he died ?” demandes-tu, ton visage reprenant une expression presque ennuyée. “He was attacked in the streets.” continua ta sœur, essayant de jauger tes réactions, ayant probablement peur que tu ne prennes mal la nouvelle. Ce cher cœur. Que tu l’aimais pour ça, ta cadette. “Some thieves tried to rob him and they killed him, instead.” Tu hochas la tête, acceptant la nouvelle comme on accepte le temps qu’il fait dehors. “Well, i suppose Uncle’s going to be furious about it. Him who was so happy to have this alliance.” Ta sœur te regarde toujours, ses épaules se détendant à mesure qu’elle comprend que tu ne fondras pas en larmes devant elle. Elle non plus n’avait jamais été douée pour gérer les crises de pleurs. “I suppose, yes. But … Are you sure you okay ?” Tu haussas un sourcil, un rictu amusé au coin des lèvres. “Worried about me, little sister ? But yes. I am. I never liked him that much, anyway.” Ta soeur grimaça, se rappelant probablement la si charmante et raffinée créature que n’est pas, pardon, n’était pas Clayton. Elle également n’avait eu aucune affection pour l’homme. “And well. After two dead fiancé, i was waiting to see if there would be a pattern to this.” Ta sœur fronça aussitôt ses sourcils. “Don’t joke with that, Thea !” Trois fiancés, trois morts malheureuses. Les gens allaient finir par te croire maudite. Tu haussas simplement des épaules, pas plus dérangée que cela par tes paroles. “Only stating the facts, Sister. It seems someone does not want me to marry, out there.” Son visage s'adoucit aussitôt et, doucement, elle vint saisir ta main dans la sienne, la serrant légèrement. “I am here if you want to talk, you know … If you need anything.” Tu lui souris tendrement, une expression qui est presque miraculeuse tant elle est rare sur ton visage. “I know. Thank you, but i’m okay. Really. Don’t worry about me.” Lentement, elle hoche la tête, un petit sourire aux lèvres, avant de quitter ta chambre. La porte fermée, tu perds ta douce expression, en retournant contempler tes papiers. Il faudrait que tu songes à remercier Zyna, trois morts proches de toi auraient finit par devenir suspect.


Tout de blanc vêtue, tu sembles parfaitement à ta place, dans cette grande réception remplie de requins des affaires. Tu leur souris, les laisses entendre ce qu’ils désirent. Tu charmes et flattes et n’est jamais sincère. Tu n’éprouves rien pour ces hommes et ces femmes avec qui tu parles, seul t’importe le contrat qu’ils pourraient te donner. Tu n’étais là que pour affaire, après tout. Décidant de prendre une pause, tu t’excusas poliment avant de te diriger vers le buffet. La nourriture était somptueuse et raffinée, un véritable délice. Mais ce n’était pas les viandes délicates ou les succulents accompagnements que tu cherchais, non. Véritable palais sucré, c’était vers les desserts que tentait de se tourner ton regard. Sans succès, le plat des sucreries semblait avoir disparu. Aussitôt, tes sourcils se froncent dans une moue contrariée et ton humeur noircit à vue d’oeil. Supporter tout ces vieux croulant toute la soirée sans nul sucre en récompense ? Tu finirais par arracher la langue de quelqu’un. Ton humeur se dégrade encore plus à l’idée et tu t’apprêtes à aller immédiatement chercher un serveur pour palier à cet horrible manquement quand quelque chose vient bloquer ta vue. Tu clignes des yeux, une forme pleine de couleurs auréolée d’argent se trouvant à présent sous ton nez. Il te faut probablement une seconde de trop pour te rendre compte qu’il s’agit de ton si recherché plateau de sucreries. “Looking for this, wife ?” Tes yeux quittent les merveilles sucrées pour se poser sur le visage rieur d’un homme aux yeux bleus. Face à toi, tenant les douceurs que tu ne demandais qu’à goûter, se tenait Caellum Oaklong. Argent, homme d’affaire aussi peu scrupuleux que toi, riche, propriétaire d’un hôtel prestigieux. En outre, depuis un an ton mari. Tout de noir vêtu, il te regarde avec son sourire en coin amusé, ses yeux bleus ne te lâchant pas un instant. “I knew you would be looking for this, so i took it for you.” qu’il te dit, approchant un peu plus le plateau vers toi. Sans un mot, avec un simple hochement de la tête en guise de remerciement, tu prends une des sucreries proposées et commences à la manger avec la plus grande des dignité. Le sucre fond dans ta bouche et tu pourrais en soupirer de plaisir, si tu n’étais pas en public. Le rire de ton mari retentit à côté de toi mais tu l’ignores avec la plus belle des habitude. Certains jours, tu ne savais quoi penser de ce mari que tu n’aurais jamais pensé avoir aussi longtemps. Noces faites sous le signe de l’argent, ce n’était pas par amour que vous vous étiez mariés, mais juste pour affaires. Tu t’étais parfaitement préparée au futur accident qu’aurait l’homme, quand tu as prit son nom. Un accident qui te permettra d’empocher toute sa fortune, comme le stipule le contrat que vous avez tout deux signé. Mais à ta grande surprise, il ne t’agaçait pas plus que cela, l’Oaklong. N’y avait pas beaucoup de vide dans sa tête, il était terrible en affaires était presque agréable. Qu’il était étonnant qu’il t’apparaisse plus intéressant vivant que mort. Ca et le sex était plus qu’excellent.

Tu es entrain de prendre une nouvelle part quand il s’adresse de nouveau à toi. “And do i get something for my efforts, wife ?” te demande-t-il, un éternel sourire en coin amusé aux lèvres. Silencieusement, tu prends le temps de terminer ta sucrerie, refusant d’en gâcher le moindre morceau. Puis, t’approchant doucement de son oreille, tu viens lui murmurer dans un sourire en coin : “You will need to wait until we’re home for that, husband.” t’approchant de son oreille, tu continues doucement sur ta lancée. “Be patient, it will be worth it.” Et puis, parce que le taquiner te plaisait un peu trop tu ajoutas malicieusement. “I am wearing something red, tonight …” Paroles prononcées, tu t’éloignas rapidement de ton mari, robe blanche volant sous tes pas. Les taquineries reviendrait plus tard : tu étais là pour affaire, après tout.


Cher Uly,
Une amie dont je tairais le nom m’a permi de t’envoyer cette lettre. Je ne sais pas si tu pourras répondre mais j’espère au moins que tu recevras cette lettre.
Je vais bien cousin, je n’ai nulle blessure sur moi, physique ou morale. Grâce à une aide extérieure, j’ai pu m’échapper à temps d’Aureus et du massacre perpétué par les Rouges. Oh Ulysse, je n’ai jamais été aussi heureuse qu’aucun d’entre vous ne fusse là. Les rues étaient jonchées de cadavre et ce n’était pas de l’eau qui coulait dans les caniveaux mais le sang de nos semblables. J’ai faillis mourir, cousin, j’ai failli retourner dans l’embrasse de nos dieux. Sans une aide inespérée, je ne serais plus là pour t’écrire cette lettre. J’espère de tout coeur qu’aucun d’entre nous ne fut perdu dans cette attaque.
Je suis à Rezbia, cousin, avec mon mari. Ne m’en veux pas de ne pas vous avoir rejoint, je n’ai pas eu le choix de ma destination. La guerre gronde, Ulysse, et j’ai peur qu’un jour elle ne vienne vous prendre. Je ne sais pas ce que je ferai si vous deviez tomber sous les épées d’hommes ne désirant qu’asseoir leur pouvoir sur les autres. Ne sois pas choqué de mes mots, tu as toujours su ce que je pensais de cette Confrérie et de leurs ambitions. Malgré tout ce qu’ils peuvent dire, le Cercle leur ressemble sur beaucoup de point.
Brûle cette lettre après l’avoir lue, je m’en voudrais de t’attirer plus d’ennuis que nécessaire.
Porte toi bien, cousin, et que les Dieux te gardent.
Tendrement,

Galathea Montgomery.

PS: Je te prierais de passer le restant des lettres à mes frères et soeurs. Tu n’as pas besoin de dire de qui il s’agit : ils sauront.