« darling, come here. » sa mère tend vers lui la main qui ne repose pas contre la joue du nourrisson emmailloté. un nourrisson qui a désormais un sexe, de même qu'un prénom.
une fille. encore. clove.
le garçon de huit ans hésite rien qu'un instant, mais c'est quand même trop. d'une main impatiente, on exerce une pression sur son épaule pour le pousser en avant. alors le gamin s'exécute. s'arrachant à sa soudaine léthargie, il se dirige vers le centre de la pièce occupé par un grand lit dont les draps viennent d'être changés. la chambre parait immense soudain aux yeux de l'enfant et le nouveau né n'en semble que plus minuscule en comparaison.
« come here. » la voix de sa mère, douce et marquée par la fatigue, le presse. il s'exécute et quelques instants s'écoulent encore avant qu'il ne se hisse prudemment sur le matelas. il a presque l'air d'un enfant trop sage. un ravissant angelot, avec son visage cerclé de soyeuses boucles brunes et ses grands yeux soucieux. le gamin turbulent s'est soudain évanoui. cela fait rire sa mère de voir son garçon ainsi assagit. un petit rire cristallin que celui d'erin oaklong. un joli son que naegel aimerait entendre encore plus souvent. « are you okay ? » il l'interroge, les sourcils légèrement froncés. sans détourner le regard de celui de sa mère, il laisse doucement glisser sa main sur les draps frais, immaculés. « i'm fine, but i  want my little man against me. come, let me introduce you to your little sister. » les lèvres du garçon s'étirent en un sourire et, précautionneusement, il s'approche davantage de sa mère, se plaçant à ses côtés et prenant appui comme elle sur la véritable mer d'oreillers entassés à cette intention. ce n'est qu'une fois ainsi installé qu'il lui est possible de contempler le visage rougeaud et fripé de la dernière née.
« clove. » il prononce le prénom sans y penser, comme pour goûter à la saveur particulière de cette nouvelle sonorité. il sent le regard de sa mère sur lui alors que lui-même peine à détourner son attention du minuscule bébé. « she's got our eyes. » « yes and look, she's got your hair too. » et effectivement, quelques boucles chocolatées sont déjà là, habillant un peu le petit crane tout rose. « she's very pretty, isn't she ? » les coins des lèvres de naegel se mettent à tirer malgré lui vers le bas alors qu'il juge sévèrement le minuscule visage tout ridé de sa nouvelle petite sœur. cela fait rire sa mère de nouveau. elle ne lui laisse pas le loisir de répondre, ce qui l'arrange bien au fond. « you thought the same for your other sisters and you find them cute now. » yeah. sometimes. « naegel. » la voix de son père, douce mais empreinte d'une forme de fermeté, lui fait dresser la tête. « come with me now. We should let your mother get some rest. » le garçon se mâchouille la lèvre et détourne brièvement les yeux pour chercher le regard de sa main. « he's right, darling. i would gladly get some sleep. » alors il acquiesce, prenant juste le temps de presser un baiser sur sa joue avant de filer.

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il y a comme un monde entre eux deux, à présent. ils s'agacent l'un l'autre, sans même y penser. ils sont encore jeunes, les adultes aimant même encore à les qualifier d'enfants, mais quelque chose a changé. les regards sont plus durs et les expressions faciales plus figées. les tempéraments s'opposent et l'enfance n'est plus là pour gommer souplement les différences. dans les yeux de noah, il discerne une forme de jugement qui lui fait doucement crisser les dents. un agacement dans la courbe de ses lèvres face à l'attitude, toujours trop frivole de naegel. et ça semble presque fou soudain, d'être restés amis si longtemps. et ce n'est pas vraiment de la colère. l'amitié qui vire avec le temps à l'inimitié. il n'y a pas d'affront, pas de trahison. juste une scission pénible, volontaire, que ni l'un ni l'autre n'est en mesure de contrarier. il en va ainsi, qu'ils y consentent ou pas. certaines vies, en dépit de solides attaches passées, sont fatalement destinées à se séparer.

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« I don't need you ! » à ce stade là, il lui faut déployer des trésors de force et de contrôle de soit pour ne pas l'étrangler. silhouette rageuse et entêtée, Nysa xi'nora ne tique pas, s'obstinant stupidement dans son refus. « it won't make you look weak ! that's the whole point ! » il essaie de se montrer sympas, là, bordel et elle ne lui facilite vraiment pas la tâche. il n'est pas assez stupide pour prétendre qu'il comprend ce qu'elle ressent. il sait bien que ce n'est pas le cas. il n'a pas été exposé à ce qu'elle endure au sein de la caserne. il n'a jamais suscité de rire ou de regard ouvertement moqueur. il n'a jamais goûté à cette remise en question perpétuelle, injustifiée,  qui ne repose que sur le sexe. ça lui donnerait envie de frapper sur le monde entier. il le sait. il voit la même chose se produire avec ses soeurs. ce n'est pas juste tout ça. mais juste, personne n'a jamais prétendu que le monde l'était. « that's not right, the way they treat you. i get that, heard that. and i know i can help, even just a little. so let me. » mais il n'ira pas plus loin. il ne va pas la supplier, bon sang. il n'a pas que ça à faire non plus. il fouille son regard inflexible et s'apprête à détourner le regard, lassé, quand elle le prend brutalement de court. « okay. » il hausse les sourcils, surpris. il est presque tenté de lui faire répéter ce mot pour le plaisir, mais elle serait capable de revenir sur sa décision. il s'abstiens donc, en s'autorisant malgré tout un soupire. « good. when ? » les occasions ne manquent pas. il suffit pour ainsi dire de se baisser pour se saisir instantanément de l'une d'elles. il fouille l'expression faciale de Nysa, s'emploie à deviner sa réponse avant qu'elle ne la prononce. « what about now ? » pour toute réponse à cette soudaine proposition, il se fend d'un haussement d'épaules. great. now it will be.
et sans délivrer d'affirmation orale, il se détourne, l'invitant implicitement à le suivre. Il ne fait pas mine de regarder par dessus son épaule pour s’assurer qu’elle le suit. Inutile, il perçoit le bruit de ses pas de même que celui de sa respiration. Quelques minutes s’écoulent tout au plus avant qu’ils ne se retrouvent entourés par leurs camarades. et la comédie démarre. il hausse le ton, son menton élevé vers le ciel et elle fait de même. la voix de Nysa se fait plus tranchante, autoritaire, ourlée d'une assurance dont il doute qu'on puisse seulement vraiment la feindre. et sa voix à lui se fait plus modérée. il courbe l'échine, juste ce qu'il faut. ni trop, ni trop peu. il la laisse prendre l'ascendance tout en faisant grand cas de ne pas entailler sa propre image. il n'autorise son regard qu'à se poser sur Nysa, mais n'en est pas moins hautement conscient des nombreuses têtes tournées vers eux. il sent les différentes paires d'yeux, braquées sur l'altercation et, loin d'en être brusqué, il s'en trouve à l'inverse galvanisé. la joute verbale se poursuit sans mal. c'est presque confortable, en fait. les mots sortent sans heurt et naegel sait qu'ils ont réussis avant même que ne survienne le bouquet final. ils finissent par se taire l'un l'autre, leurs lèvres scellées, leurs expressions fermées. et leur petite bulle se brise quand Nysa détourne le regard pour le braquer vivement sur leur bienvenu auditoire. « what are you looking at ?! you have nothing else to do ?! » quelques uns sursautent carrément, ramené à la réalité par ce nouvel éclat. seule son aptitude à contrôler sa propre expression faciale empêche naegel de laisser entrevoir un sourire victorieux. « get back to work ! NOW ! »
et ce n'est qu'une petite victoire. elle le sait. il le sait. ça ne changera pas tout, pas maintenant, pas tout de suite. ce serait trop simple et rien ne l'est autant. il y aura d'autres remarques sexistes. peut-être une poignée de gestes déplacés, aussi. il y aura d'autres frustrations, d'autres colères. mais ils ont quand même fait un pas en avant. naegel le sait, avec une certitude implacable. même si il entends certains gars grogner dans leurs barbes. des insultes murmurées qui brulent tant l'oreille que la gorge. des crétins, le monde en abritera toujours. mais pour un crétin, il y a trois autres types qui s'empressent de baisser les yeux avant de s'esquiver. et ce n'est pas rien.
elle le sait. il le sait. et, durant un instant, ça suffit presque.

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« shut up ! » la voix de sa soeur nadya, mordante, fiévreuse, le fait ricaner. « i didn't say a word ! » qu'il lui rétorque toujours, ses bras noués sur son torse. « well you don't need to ! you think too loud ! » c'est si facile de l'irriter et il ne s'en lasse pas. aussi prévisibles que soient devenues les méthodes de naegel, sa soeur mord toujours à l'hameçon, se jetant sur chaque occasion de répondre, trop fière qu'elle est pour se résoudre à garder simplement ses lèvres scellées. « so i can't think anymore ? » il en rajoute tout le temps, toujours. et elle part au quart de tour, invariablement. ses boucles brunes virevoltent autour de son visage alors qu'elle fait volte face pour ficher son regard dans celui de son frère. « you. are. the. worst. » tss. d'un geste il désigne le centre de la cible dessinée sur l'un des murs et la lame de sa soeur, fichée loin du centre. « but still not as bad as you. » avec une grimace, nadya tend l'autre lame qu'elle tiens dans sa main et, levant son bras d'un geste leste, fait soudain mine de vouloir le viser lui. « Oh, honey. you couldn't touch me even if i was standing right in front of you. »
il n'a pas le temps de la pousser davantage au fratricide cependant. la porte de la salle d'entraînement s'entrouvre à ce moment là et leur joute s'immobilise dans l'instant. le frère et l'aînée des filles oaklong font tous deux volte-face pour découvrir leur cadette, clove. « nae, cael is here. » d'un sourire naegel remercie sa benjamine qui ne s'attarde pas. elle disparait aussi vite qu'elle est apparue, laissant à la place entrer leur cousin. « hey.. » mais naegel a à peine le temps d'achever de saluer caellum qu'on lui coupe déjà l'herbe sous le pied. « he shouldn't be here. » et ce n'est pas une accusation au sens propre du terme, mais la voix est trop préventive, trop ferme. such a pain in the ass. « who are you nads', his mother ? » mais il est moins fier qu'il le prétend, naegel. il doute lui aussi et sa soeur ne facilite rien en appuyant de plus belle sur une corde pour le moins sensible. « no, i'm not. i'm just someone who care enough about him to protect him, even he doesn't want me to. » comme il la préfère la bouche fermée, nadya. il déteste quand elle a tort et le sentiment n'est que plus fort encore quand elle a raison. « i know what i do. » et sa voix renferme plus de certitude qu'il n'en éprouve. c'est un peu son truc, ça. naegel oaklong ne flanche pas. « that's new. » le ton de sa soeur se veut sarcastique, mais il perçoit une forme d'inquiétude malgré tout dans sa voix. ce n'est que trop courant dans leur famille, cette angoisse tangible qui s'invite dès que le nom de leur cousin est associé à la moindre activité trop physique. « leave, nadya. » et de la même façon, il n'y a plus vraiment d'agacement de sa propre voix. la tension est retombée aussi vite qu'elle est familièrement montée. everything will be alright. frère et soeur échangent un long regard. elle se mâchouille la lèvre et il patiente. il doit attendre un petit moment avant qu'elle ne lâche prise avec un soupire. « okay. fine. » en quelques pas, elle rejoins son frère, juste pour lui tendre la lame de métal qu'elle menaçait quelques instants plus tôt de lui jeter à la figure. il obtempère, referme délicatement ses doigts sur la surface froide. il accroche le regard de sa soeur encore un peu puis elle se détourne et quitte la pièce sans dire un mot. une fois la porte refermée sur elle, l'air se fait plus vivable. s'arrachant à son immobilité, naegel traverse lestement la distance qui le sépare de son cousin. une fois à sa hauteur il lui presse doucement l'épaule. « don't worry about nadya, she won't say anything. she's a nightmare, but she can be trusted. » cela, on ne peut pas le retirer à leur fratrie. en dépit des conflits, des grognements et des diverses complications, la confiance demeure, trop solide et ancrée pour être seulement mise en doute. « great, can we start ? » un sourire viens corner les lèvres de naegel face à ce relent d'impatience. il n'est que trop familier à pareil sentiment. avec des mouvements d'une lenteur délibérée, il tend la lame qu'il tiens encore vers son cousin. « yes, let's start. »

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il n'aime pas ce sentiment. cette impression, un peu absurde, qu'il est sur le point de couper un lien sacré. c'est ridicule, d'autant plus que le lien est déjà passablement effilé. le pont solide établi par le passé entre eux deux se fait moins stable à chaque jour qui passe. il a l'impression de la laisser vraiment partir seulement maintenant, mais c'est un mensonge. une espèce de fable qu'il s'est maintes fois répété religieusement tout en sachant pertinemment que la vérité est autre. il l'a perdue il y a longtemps, qu'il ai consenti à s'en apercevoir alors ou non. elle n'est pas à lui. en fait, pour ce qu'il en comprend désormais, elle ne l'a jamais vraiment été. et ça ne devrait pas faire aussi mal. il devrait être plus fort que ça. il a envie de détourner les yeux, de soustraire son regard au sien, mais il s'y refuse, sachant pertinemment que si son attention se détourne de ses yeux, elle viendra instinctivement se poser sur son ventre. un ventre grossissant, dont la courbe arrondie se devine de plus en plus clairement. un ventre au sein duquel s'épanouit l'enfant de noah. « we should have been doing this months ago. and maybe we did, sort of. » car s'ils n'ont pas clairement énoncé de rupture, ils se sont malgré tout éloignés peu à peu. elle réside toujours dans sa tête, dans son cœur, mais elle est déjà loin de lui. leur histoire a déjà revêtu un goût de cendre dans la bouche de naegel. le présent et le passé entremêlés. et ce n'est pas tenable tout ça. ça ne l'est plus, du moins. et il est juste fatigué. fatigué de la voir, de la garder dans sa vie alors même que tout indique qu'elle n'en fait déjà plus partie. « you carry his child. you belong to him. » et sa voix, par un réconfortant miracle, lui paraît posée, presque détachée. malgré tout, il suspecte son regard de conter une autre histoire.  et outre la tristesse, outre le manque qui surviens déjà, il ressent presque une forme de colère. une émotion étrange, vorace, dont il peine à interpréter précisément le sens. en colère contre elle, à moins que ce ne soit contre lui-même ? il y a pas un peu de tout ça, certainement, mais il suspecte cette émotion d'être moins personnelle. et il est juste en colère contre la vie, naegel. en colère de s'être à un moment ou à un autre distancé d'une réalité qui surgit soudain devant lui, lui faisant l'effet d'une claque retentissante. et il en arrive presque à regretter de l'avoir rencontrée finalement, même si c'est ignoble. « have a good life, nysa. he is great, he will give you that. » ça n'est plus de son ressort, quoi qu'il en soit.

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Sous lui, le sol tangue rudement, menaçant à chaque nouveau pas de l'expédier à terre. Il poursuit sa progression dans les rues, malgré tout. Il a l'estomac au bord des lèvres et un mal de crâne assourdissant.. Lui parviennent des pleurs, des lamentations, des cris, mais tous ses sons sont  étouffés par la vibration persistante qui résonne avec véhémence à réintégrer de sa tête. Ses jambes, d'ordinaire si sûres, le trahissent. Elles lui paraissent trop longues, trop lourdes, incertaines. Il lève les pieds pourtant, sans discontinuer, guidé par une détermination macabre. Il sait déjà. Il ignore comment et par quel miracle funeste lui viens cette certitude, mais il sait. Il est certain que, loin de se tracer un chemin vers une source quelconque de réconfort, il file à la place impitoyablement vers sa perte. 
couvant les rues d'un regard à la fois fiévreux et curieusement délavé, il cherche jusqu'ici en vain un faciès familier. une tignasse brune, un petit visage résolu. il lui semble que le sol est agité par une douloureuse secousse quand, finalement, un corps familier, vibrant, achève de pénétrer son champ de vision  il reconnait ruth, sa seconde sœur dans un battement de cœur, bien avant qu'elle ne l'atteigne. son regard glisse sur sa silhouette abîmée avant de se poser plus sérieusement sur son visage éclaboussé de larmes et de sang. l'instant s'étire, à la fois trop court et trop long. et puis, avant même qu'il n'ait eut le temps de vraiment ancrer son regard dans le sien, elle le heurte de plein fouet. elle noue avec force ses bras autour de son cou et, dans un réflexe conditionné en dépit de sa propre fragilité, il l'enserre dans une étreinte, la soulevant légèrement du sol. elle le serre à l'en étouffer, sanglotante et il lui rend pareille. « she's dead, she's dead... she's gone, nae, she's gone. » sa voix décomposée, larmoyante. les mots à peine perceptibles deviennent grognements. elle a la bouche collée contre son épaule mais il perçoit malgré tout avec une acuité tranchante les propos qu'elle lui tiens. leurs deux corps tremblent tellement que le fait qu'ils ne soient pas tous deux avachis sur le sol tiens presque du miracle. ruth se retiens à lui et lui... il sombre. il sombre en dedans, en lui-même, sans aucune amorce de fin. il chute sans s'arrêter avec l'impression que le monde tout entier se retrouve soudain paralysé. mais c'est faux. les minutes continuent de s’égrener. l'univers poursuit sa course. il viens fourrer à son tour son visage cendreux contre l'épaule de sa petite sœur. il ferme les yeux, gagne l'obscurité. et les mots tournent, invariablement, laissant une empreinte plus tranchante encore sur les ténèbres de ses paupières scellées. she's dead, she's dead, she's dead. une éternité pourrait tout autant s'être écoulée quand il arrive enfin à rouvrir la bouche. « how ? » et sa voix d'ordinaire si ferme, si fière, tiens plus du coassement soudain. How did she die, ru' ? dans l'étreinte serrée de ses bras, sa sœur continue à sangloter. elle ne répond pas, ne l'a peut-être même pas entendu. il est à deux doigts de ré-itérer quand la réponse lui parviens soudain d'une bouche nouvelle. « an oblivion. clove... she blew up. » nadya a échoué devant lui, à un moment qu'il serait bien en peine de définir. elle est là, droite, imposante et son visage à la couleur du papier. sa vue est saisissante mais ce sont ses yeux cependant qui capturent pleinement l'attention de naegel alors qu'il relève la tête pour se confronter à ce qui lui reste de fratrie. dans les prunelles foncées de nadya oaklong brille une vulnérabilité violente. une carapace drastiquement fendue. ne reste qu'une fille soudain. une fille fragile, brisée. et sans avoir à se regarder pour cela, naegel devine qu'il doit offrir un spectacle similaire. deux silhouettes vidées, coupées. « she just... and i... nae, ru, i... » la voix coupée, scindée, rongée. elle secoue la tête, son regard toujours ancré dans celui de naegel. et c'est la fin, ou du moins ça y ressemble. ruth, nadya et naegel. trois alors qu'ils sont devraient être quatre. et le spectre de clove, de cette vie soudain arrachée. le poids aberrant d'un corps qui ne subsiste plus en aucune façon.
she blew up. she just blew up.

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« it's just... » il se mord la lèvre, ferme un instant les yeux. « I can't help but think about it. how she died, how they get her killed... » il n'aime pas parler de ça et pourtant, il est en train de le faire. allongé à côté de Noah, il ne parviens pas à endiguer le flot de ses propres paroles. les mots s'amoncellent à la commissure de ses lèvres et il les prononce sans filtre. ça fait du bien, vraiment. c'est presque... réconfortant. ça ne lui ramènera pas clove, bien sûr, mais rien ne le fera. « she was there and then she just ... disappeared. » et il n'a pas pu la sauver. il se trouvait dans cette foutue ville, avec elle, mais il n'est pas parvenu à la maintenir en vie. il s'est retrouvé soudain écrasé sous le poids de sa propre impuissance, comme tous les autres. cette pensée n'en finit plus de le terrasser. il a faillit à son devoir et n'est vraiment pas sûr de parvenir un jour à se le pardonner. « and you haven't had a chance to really to knew her, but she was good. better than me, clearly. by far. » non pas que ce soit particulièrement difficile, d'ailleurs. « she didn't deserve this. » of course, not. pas clove, si réfléchie, si posée, si adroite. sa toute petite sœur. il secoue doucement la tête. il déteste qu'elle ne soit plus là. il déteste vraiment, vraiment, ça. c'est trop. et il n'a pas d'autres choix que de la venger. c'est le seul moyen auquel il soit capable de penser pour glaner un peu de repos à l'avenir. « i will kill them all. » et sa voix est froide, résolue. il est ailleurs, presque. Noah lui parait loin, soudain, à l'instar de tout le reste. il est lové dans sa haine, une colère nouvelle, viscérale, qui le déchire de l'intérieur. et il laisse faire, ne fait pas mine de lutter contre ce triste processus. il n'esquisse pas la moindre once de résistance, laisse librement les ténèbres gagner du terrain, tout à sa joie de pouvoir désigner un coupable. il a besoin d'un but. décimer la race mutante. purifier la terre. venger clove. voilà un objectif sur lequel il peut se concentrer. ça parviens presque à le faire sourire. un sourire sale, ensanglanté.
mais un sourire quand même. un sourire qui persiste à valoir quelque chose. mais c'est bien sordide tout ça. s'arrachant à tous ses fantasmes macabres, naegel se redresse, prenant appui sur ses coudes, couvant brièvement noah du regard. c'est un peu bizarre, être si proche de lui, après tout ce temps. c'est à la fois familier et franchement étranger. comme un bout de lui qui lui a été rendu mais qui a été vaguement altéré par le temps. il s’emboîte toujours bien, mais il y a quelque chose de différent... une subtilité ardue à identifier. et il ferme les yeux là-dessus, naegel. il a trop à penser pour se pencher plus que de raison sur pareille broutille. « I'm getting morbid. sorry. not the best words to say to introduce a new day. » ses lèvres s'étirent en un sourire fatigué. il repousse le drap qui le couvre encore et fait tranquillement mine de se lever. une nouvelle journée s'annonce et il relève de son devoir de l'affronter sans broncher. il n'a pas de regard pour noah alors qu'il commence à déambuler dans la pièce, y repêchant les vêtements qu'il a semé la veille. « Will you think at what I proposed you? » Si bien des paroles ont été échangées au cours des dernières heures, il n'est pas difficile de mettre le doigt sur ce à quoi Noah fait allusion. Les paroles du Sielle tournent encore dans l'esprit tourmenté de l'Oaklong. Une proposition qui exige de sa part une réflexion sur laquelle il entend bien se pencher. mais pas tout de suite, pas maintenant. soon. « Yes. sure. I will keep you in checked. » quelques années plus tôt, dans un éclat de spontanéité mordante, il aurait été capable d'accepter immédiatement. et ça lui est bien venu à l'esprit cette nuit là. car, ce que noah fait mine de lui offrir, c'est tentant et il brûle de s'en saisir. mais la réalité de la situation exige de peser attentivement le pour et le contre. et c'est ce qu'il fera. alors, sur un dernier sourire mesuré, il prend congés, prêt à entamer une nouvelle journée de boulot.

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« so... will you follow me? » il se retiens de faire tournoyer en un tic traître l'anneau ciselé qui enserre son doigt. ses pensées s'égarent peu à peu vers son père alors qu'il demeure coincé dans l'attente d'une réponse. il essaie de se représenter clairement arminas oaklong, un nom qui le pèse mais qui l'allège aussi, curieusement. le souvenir d'un père qu'il aimait et dont il savait qu'il l'aimait aussi. un père dont il aurait voulu qu'il soit présent en cet instant, de sorte à pouvoir accrocher son regard au sien avec assurance et recueillir son assentiment. mais arminas n'est pas là. le poids de son absence alourdit tangiblement l'air de la pièce de même que celle de clove, plus assommante encore. clove qu'il pleure encore, en silence, une fois son intimité. clove à qu'il ne veut pas trop penser en ce moment, pas alors qu'il est is important qu'il conserve un esprit clair et aéré. il lui faut réfléchir et agir avec doigté. il a pris sa décision quant à la proposition faite par noah. et il ne bronchera ni ne transitera à ce sujet. il le sent, le ressent dans chaque parcelle de son corps. mais il quémande tout de même, malgré lui, l'approbation des trois femmes assises à ses côtés. il a pris place à côté de sa mère qui, bien que finement apprêtée comme  à l'accoutumée, semble vieillie depuis le meurtre de sa fille. et il fait face à ses deux autres sœurs. ruth, dont il sait qu'elle le suivra et nadya, dont l'opinion est déjà largement moins prévisible.
et le silence s'installe, s'étire. l'air oppresse et naegel refoule l'envie grossière de porter sa main à sa nuque pour se défaire tant bien que mal de toute la pression accumulée. il sent le regard de sa mère sur lui. « of course. » et cette affirmation l'apaise, un peu. pas suffisamment, encore moins totalement, mais tout de même. sans la regarder, il tend une main en direction de sa mère qui s'empresse de s'en saisir. thank you. la mère et le fils vrillent ensuite leurs regards semblables sur les deux autres occupantes de la pièce. ruth est la première à desserrer les lèvres. un sourire vient transparaître son visage. un sourire pas tout à fait comme d'habitude. plus sombre, moins éclatant. un sourire qui laisse percer aussi tristesse, doute et un peu d'incompréhension. elle fouille de son regard celui de naegel pour lire avec plus de précisions ses intentions. « i'll go wherever you'll go. » il n'en attendait pas moins d'elle, jamais, mais ça ne manque pas de le rassurer tout de même. sa sœur place sa confiance en lui, comme de coutume et il n'incombe qu'à lui seul de vernir et protéger cette foi viscérale, inaltérée. Protecting her. Doing for her what I wasn't able to do for Clove. l'approbation de la cadette obtenue, c'est vers nadya que tous les regards convergent. nadya qui a à peine desserrer les lèvres depuis que son frère s'est mis à parler au début de cette conversation.  nadya qui, des trois soeurs oaklong, a toujours été la plus prompte à entrer en conflit avec son frère aîné. naegel vrille son regard dans celui de sa sœur, lui intimant de silencieusement de le suivre. car même s'il ne compte plus les disputes les ayant opposés l'un à l'autre, ils ne sont jamais divisés, pas lorsque la situation exigeait d'eux un front uni. et cette unité, ils en ont plus besoin que jamais. « do you trust him ? do you have faith in noah sielle ? » à ces mots naegel hausse un sourcil. il s'accorde un temps de réflexion avant de formuler sa réponse. « he's gonna give us what he promised me. about that, i have no doubt. » pour tout dire, l'inverse ne lui traverse pas particulièrement la tête. noah n'a aucune raison de revenir sur sa parole ou de chercher à l'avoir d'une quelconque façon. les conditions sont claires et posées par le sielle lui-même. il n'est demandé à naegel que d'accepter ou refuser. « an for the rest... we can't know for sure what's gonna happen. it's war. everything's possible. but i really think that's a risk we have to take. » et là-dessus le silence retombe. le monde se suspend de nouveau aux lèvres closes de nadya. une bonne minute s'écoule avant qu'elle ne consente enfin à trancher. « okay, then. i'll take that risk with you. »