feraniski, 2656
Elle n’avait que quatre ans, naïve qu’elle était, la belle enfant. – Come, come with me Shila. I want to show you something. Kiran était son frère. L'enfant, croyait-elle, n’avait pas à le craindre. Elle le regardait même avec ces étoiles dans les yeux, ce regard pétillant de fierté rien qu’à l’idée de partager un moment en sa compagnie. Ils étaient rares, ces instants. Papa lui avait bien fait comprendre qu’elle ne devait jamais importuner ses aînés, surtout ses frères. Qu’elle ne restait qu’une diversion, une distraction à leur éducation. Qu’il prenne le temps de l’aborder, qu’il sollicite même sa compagnie représentait un énorme privilège pour la cadette. Une offrande, un présent qu'elle ne s'imaginait pas refuser. C'est donc aveuglément qu'elle suivit son ainé, marchant dans son ombre, ses petits pieds trouvant chemin dans les empreintes du plus grand. Ils s’enfonçaient dans cette foret boréal entourant leur domaine familial, là où un silence que seuls leurs pas dans la neige venaient troubler. Elle ignorait ce qu’il y avait de si intéressant dans ce territoire inhospitalier, mais la curiosité la menait par le bout du nez. L’effervescence du moment lui intimait de continuer à avancer, et de ne point questionner son frère sur le but de leur excursion, même si une certaine fébrilité l'habitait. Le soleil qui amorçait lentement son déclin dans le ciel ne l'inquiètait d'ailleurs bien peu. Ce n'est que lorsqu'ils atteignirent une clairière que Kiran s'arrêta, forçant Shila à faire de même. – Now, you'll stay here, okay? I'll be back soon. Sa petite tête à la chevelure d'ébène dodelina doucement, alors qu'elle ne cessait de le fixer avec ses grands yeux noisettes. – Why? Un soupir d'agacement passa entre les lèvres du gamin. Même à cette âge, elle assaillait d'ores et déjà, à de trop nombreuses reprises,  ses proches de questions, alors qu'on ne cessait de lui dire de se taire, que l'on attendait d'elle que le silence. – It's too dangerous. You don't want to hurt yourself, do you?  Vigoureusement, elle hocha la tête par la négative, bien décidée désormais à suivre les instructions de son frère à la lettre. Elle le laissa donc s'éloigner, suivant des yeux sa silhouette, jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'un minuscule point parmi les broussailles. L'enfant de glace avait toujours eu ce tempérament patient, avenant, ainsi ne chercha-t-elle pas à tenter de le rejoindre, voire même à s'écarter de leur point d'attache. Quand la lumière se fit moins éclatante et que le monde de la nuit sembla soudainement s'éveiller, la gamine s’inquiéta enfin de l'absence de l’aîné. L'avait-il oublié? C'était-il égaré? Peut-être ne l'avait-il pas remarqué, alors qu'elle s'était blottie contre l'écorce d'un grand conifère et qu'il était reparti sans elle? – Kiran?, troubla de sa petite voix chevrotante la nuit qui venait de tomber. – Kiiiirraann., se mit-elle alors à hurler. Rien, pas un son, pas un bruit autre que ceux de la nature qui l'entourait. Elle était seule, perdue au milieu des bois.
Cette soudaine impression d’être observée l’arracha à ce sommeil léger dans lequel elle avait trouvé refuge. Désorientée, troublée, elle fut incapable de se souvenir de l’endroit où elle se trouvait, mais la noirceur qui la noyait dans son gouffre et le vent froid qui balayait son faciès enfantin furent suffisants pour l’inquiéter. Mais pas le bruit de ces pattes qui martelaient le sol couvert de son lit blanc. Ni même les feulements de la meute qui se rapprochait doucement d’elle. Les loups, elle ne les craignait pas. Ils la fascinaient, depuis ces premières histoires que sa nourrice lui racontait pour l’endormir le soir, ces légendes qui avaient traversé le temps. Sa minuscule poigne s’avança vers le pelage du grand loup blanc, avec toute l’assurance qui pouvait l’habiter. Incapable de détacher ses yeux du canidé, son regard croisa celui de la bête où se reflétaient les quelques rayons de lune parvenus à se faufiler au travers des arbres qui les entouraient. La gueule du loup s’approcha de ce bras tendu, renifla l’inconnue, et dans un geste lent, referma sa mâchoire sur la manche de son manteau. Shila eut un mouvement de recul, par crainte que le chef de la meute n'ait eu l’intention de la blesser. Mais il n’en était rien. Quand il refit le même geste avec le bas de son pantalon, cherchant à l’attirer dans une certaine direction, une petite lumière s’alluma dans le crâne de l’enfant et elle se leva, comme si cette créature le lui avait demandé. Le reste de la meute s’éloigna doucement et bientôt, le meneur partit à leur suite, se retournant vers sa jeune protégée, l’invitant silencieusement à le suivre. Ce qu’elle fit, sans se poser plus de questions. Le loup s’arrêta à chacune de ses chutes, quand ses petits pieds se coinçaient dans une racine ou glissaient sur une plaque glacée. Il la poussa à continuer d’avancer, quand la fatigue cherchait à la ralentir. Et bientôt, elle put apercevoir les lumières du manoir dans la pénombre. C’est un bien curieux attroupement qui s’avança jusqu’à la cour de la résidence familiale, là où des hommes semblaient préparés une possible sortie en forêt. Sans doute pour partir à sa recherche. Ils s’arrêtèrent tous de travailler en voyant cet étrange spectacle, avant que l’un d’eux ne se mette à crier qu’il fallait prévenir le patriarche. Anju Xi’nora ne tarda pas à rejoindre l’attroupement à l’extérieur, ses deux fils sur les talons. Ce fut une chorale de grognement qui accueillir le trio, mais plus encore Kiran, de qui deux loups, dont son protecteur, s’approchèrent au point de le faire reculer, de l’acculer au pied du mur. – Father, do something. Please, Le chef de famille chargea deux de ses sbires à faire fuir les bêtes, mais le reste de la meute les empêchèrent d'approcher. Il ne fallut qu'une seconde pour que la gueule du loup Alpha se referme sur le mollet de son frère, et que l'autre s'attaque à sa main, où ses dents s'enfoncèrent comme du beurre frais. Il hurla, le pauvre enfant. Mais Shila, qui venait d’assister à la scène, l'observait en silence. Un sourire béat ornait ses lèvres grisaillés par le vent.

feraniski, 2674
Le Temple de Feraniski était devenu, au fil des années, plus qu’un simple refuge pour l’enfante du Nord. Elle connaissait par cœur le moindre détail de sa construction, des plafonds aux arcs voûtés jusqu’aux vitraux colorés qui ornaient chacune des fenêtres. Les visages qui y naviguaient lui était désormais familier, les religieuses devenue l’équivalent d’une seconde famille auprès de laquelle elle savait pouvoir trouver réconfort. Les Pryesse et les Sorelline qui faisait office à Hiokuri savaient calmer la louve de par leur simple présence, mais ce sont surtout ces prières à demi-mots, ces chuchotements qui se répercutaient sur les murs de ce lieu de culte qui apaisait la rage et la colère qui lui rongeait le cœur, l’organe devenu aussi glacial que ce don qui coulait dans ses veines.
Le service avait depuis longtemps prit fin, mais la Xi’nora ne quittait pas le siège qui était sien aux premiers rangs. Son regard était rivé sur Hioku, dieu protecteur des siens, elle récitait du bout des lèvres une énième prière pour apaiser son âme et quérir auprès de l’Originel une part de cette bravoure qui faisait sa renommée. Du courage pour affronter sa simple existence et le chemin qu’avaient tracé pour elle ces Divinités, dont elle ne doutait point. Chaque épreuve, chaque obstacle, la jeune femme savait pouvoir les surnommer, car jamais elle n’était seule. Jamais. – Miss Xi’nora. Une voix interpella avec douceur, voix vers laquelle elle se tourna, abandonnant ses psaumes religieux afin de saluer, d’un signe de tête poli, la femme qui s’adressait à elle. – Madre Divina. La nouvelle dirigeante du Dividerrum du Nord, Ella Pernington, se tenait à ses côtés, vêtue de grâce et d'innocence. – My Sisters told me a lot about you, and your devotion to the Divideus. Can I join you? Toujours aussi silencieuse, peu encline à faire l’usage de mots alors qu’il lui était plus aisé de se conforter dans son mutisme presque constant, la Shiver acquiesça à la requête de la sainte mère de se joindre à elle, ce que cette dernière ne se tarda pas à faire, s’octroyant une place à ses côtés. L’une de ses mains vint cueillir la forme du visage de la louve, dans une geste ampli d’une tendresse de plus étrangères à celle qui n’avait connu rien d’autres que la violence et l’indifférence, le geste s’apparentant à celui qu’une mère bienveillante aurait pu envers sa progéniture. – My beautiful child, it's so sad to see so much suffering in your eyes. May the prayers ease your torments. And know that my listening you are acquired, if you feel need to confide. The Gods did not put me on your road for no reason. Follow their path, you know it will lead you on the right way.  Des paroles qui s’insufflèrent en elle, comme une mélodie à ses oreilles. De douces paroles pourtant porteuses d’un venin dont elle ne connaissait ni la composition, ni les réelles intentions. L’Abeille qu’était la Pernington était pourtant pleinement consciente de ces faits et gestes, le tout méticuleusement prémédité afin d’amener le fragile fleur nordique à se tourner vers Elle. Celle qui se voyait déjà comme la Prima qu’elle deviendrait, un jour ou l’autre.

feraniski, 2675
Elle aurait dû pleurer, elle aurait dû se lamenter auprès des siens alors que le son du glas venait de sonner pour son géniteur.  Elle n’avait pourtant ni l’envie, ni l’intention de le faire. On la traiterait sans doute d’insensible pour n’avoir verser aucune larme alors qu’on portait son linceul en terre. De fille ingrate, pour n’avoir su remercier les invités comme il se devait pour leurs souhaits de sympathies. Froide, distance, silencieuse, effacée. Elle était plus que consciente de ce que les gens murmuraient entre eux en la scrutant du regard. Qu’un animal en foire, voilà ce qu’elle était à leurs yeux. Et elle s’en fichait, éperdument. – Can I excuse myself, mother? I'm not feeling well. Un mensonge pour mieux s’effacer, pour fuir le plus loin possible des louanges qui pleuvaient sur feu son père, le regretté Anju Xi’nora. Une véritable farce, une mauvaise comédie qui lui donnait presque la nausée.  Sa mère acquiesça à sa requête d’un geste de la tête, et ainsi fila-t-elle, aussi vite qu’elle le put, loin, très loin de la salle de réception où s’étaient réunis tous leurs invités à la fin des obsèques.  Shila trouva refuge dans ses appartements, là où elle pourrait enfin être seule avec ses pensées. Là où elle pourrait sans crainte de représailles faire ses véritables adieux à son père. La fermeture éclair de sa robe descendue jusqu’à son extrémité, elle laissa le tissu de sa robe glissé contre sa frêle silhouette jusqu’à toucher le sol à ses pieds. Délaissant le vêtement, elle s’avança d’un pas lent vers la large glace qui ornait le coin de sa chambre à coucher. Le miroir lui renvoya son portrait dans son entièreté, et pendant un temps, elle s’observa en silence sans bouger. Quand elle pivota, pour faire dos à son reflet, l’image se brouilla, s’abima. Une peau balafrée, fanée par des années de sévices à la main de l’homme décédé. Des traces indélébiles de l’emprise qu’il avait eue sur elle. Des cicatrices pour toutes ses fois où elle l’avait provoqué. Involontairement, pour la majorité du temps. Obstinément, par moment. Ses doigts vinrent tâter la plus longue, la plus profonde de toute. Celle qui terminait sa course dans le creux de ses reins. Des larmes de rages perlaient au coin de ses yeux, les seules larmes qu’elle s’autorisait à verser en cette foutue journée.  – You're never going to hurt me again,  murmura-t-elle d'une voix cassée. – You don't have all this power over me anymore. Des mots qu'elle se répéta, tel un mantra. Des mots qui pourtant n'avaient pas le pouvoir d'effacer ses tourments.

aureus, 2675
Jamais ne s’était-elle abaissée à solliciter l’aide de son frère pour parvenir à ses fins. Et pourtant, la voilà qui frappait à la porte de son ainé de son plein gré, s’invitant dans ses appartements sans prendre même le temps de le saluer. – Pavel, I might need your help. Son timbre de voix teinté d’assurance, ne laissant pourtant pas croire que ce fut réellement le cas, mais le chef de famille ne put s’empêcher de sourciller face à la requête de sa cadette. Une sollicitation des plus Inhabituelles, au point où il lui semblait impossible de combler les doigts d’une seule main pour les marquer dans l’espace-temps. – What can I do for you, Shila? N’en restait pas moins que pour regagner la confiance de sa jeune parente, l’homme n’hésiterait pas à faire des pieds et des mains pour combler quelconques requêtes pouvait-elle lui faire. Même s’il doutait que ce soit suffisant pour effacer ces nombreuses années d’ignorance, une jeunesse marquée par le courroux d’un père intransigeant. – Organize a private meeting between me, Noah and is father. You can be there too, I don’t mind.  Piqué, la curiosité du loup ne pouvait en être autrement. – And what for? La question resonnait aux oreilles de la Shiver comme une forme de provocation. Combat quotidien qu’était celui de prouver sa valeur. Plus encore pour elle, à qui on avait rabâché sans cesse qu’elle n’en avait aucune. – I have a proposition to make. Something that can be usefull for The Circle.  Une brèche ouverte dans laquelle elle pourrait se glisser avec aisance, une opportunuité offerte sur un plateau d'argent : rejoindre l'Ad Maius Bonum. Mythe devenu réalité, comment pouvait-elle étudier ce mouvement qui relève presque de la légende urbaine, ne serait-ce qu'en agissant de l'intérieur. La Xi'nora était prête à se mettre en péril pour les idéaux familiaux. Et ça, Pavel ne pouvait le lui reprocher.

aureus, 2676
Il avait demandé à la voir, requérant sa présence auprès de lui pour un entretien des plus privés. Le son de ses talons qui frappait contre le parquet eurent tôt fait d’annoncer son arrivée, et Pavel lui ouvrit lui-même la porte du bureau. Le même ayant longtemps servi à leur père et qui désormais était le sien. – You wanted to see me. Consciente était-elle que cette rencontre n’en était pas une de simple courtoisie. Encore moins une rencontre fraternelle des plus anodines. C’est dans cette pièce que se discutaient les affaires familiales. C’est ici même que les grandes décisions concernant leur famille étaient prises.
Là aussi où son père faisait claquer le fouet contre sa peau, autrefois.
Sans dire un seul mot, l’homme qui dirigeait désormais leur clan l’invita à se mettre à l'aise sur l’un des sofas à disposition, lui-même s’installant sur l'un deux, lui faisant ainsi face. Sans chercher à tester la patience de sa sœur, Pavel resta un moment silencieux avant de prendre la parole, cherchant sans doute la meilleure façon de procéder.  – So? s'enquit-elle d'un ton plus froid qu'elle ne l'aurait désiré. – Father arranged your wedding, before he die. Guess it's now on me to tell you all about it. Ses mains, posés le long des accoudoirs de la massive chaise en cuir se serrèrent à la mention du patriarche. Même mort depuis plusieurs mois, l’homme continuait de la hanter. De garder mainmise sur sa propre vie. Son avenir. De pourrir son existence. – I see. furent ses seuls mots. Elle n’ajouta rien de plus, laissant à Pavel l'odieux de poursuivre cette conversation avec si peu pour la nourrir. – Do you wanna know? Shila ne se contente que de hausse les épaules, plus désintéressée par cette conversation qu'elle ne l'a jamais été. L'identité de son promis, de l'homme à laquelle on l'avait fiancé et avec qui elle devrait passer le reste de ses jours ne l'intéressait guère. – No. But you'll probably tell me anyway, won't you? Elle ne manqua pas de remarquer le roulement des yeux de son frère, sans doute blasé par ce filon d'insolence qui coulait sur chacun de ses propos. – Go ahead, tell me who's my future husband.
L'homme ne se fit pas prier pour répondre à la demande, sachant pertinemment qu'il était inutile de leur faire perdre un temps incommensurable à ce petit jeu de pouvoir. – The heir of the Gavon's family, Cillian. Un nom qui n'évoquait rien de plus à ses yeux qu'une indifférence marquée. Elle se trouvait pourtant désormais  fiancée à ce dernier, menottée à son propre destin. Peu lui importait véritablement l'identité du malheureux à qui on venait de la jeter en pâturage. Tout ceci n'était qu'une vile mascarade, dernier présent empoisonné de son paternel, sur la tombe de qui elle se retenait bien d'aller cracher.

feraniski, mai 2677
Dans les moments de silences, elle entendait encore les cris, les hurlements de terreurs. Et à ses oreilles sifflaient toujours ces projectiles d’arme à feu, le corps toujours marqué par cette terrible sensation qu’elle ressentit quand le métal traversa sa chair. Une cicatrice toute fraiche trônait désormais sur son omoplate. Parmi ces autres, elle disparaissait presque, bénigne petite égratignure sur un corps défigurée par des années de châtiments paternalistes. Rares étaient ceux ayant eu accès à cette partie d’elle-même, à ce secret honteux qu’elle cachait sous des tissus au coût onéreux. Son fiancé ne connaissait qu’un pan de cette réalité qu’elle se refusait encore à lui montrer. Mais pas elle. Pas celle rose qui avait su trouver chemin jusqu’à ses draps, et qui parvenait à fissurer ce cartilage de glace qui enserrait son palpitant.
Pourtant, l’argentée se mouva dans un geste de recul quand sa belle l’approcha. L’inquiétude était palpable sur le visage de la Faring, plus soucieuse de l’état de son amante qu’elle n’aurait plus se l’imaginer. Shila, pourtant, ne parvenait plus à trouver l’apaisement qu’elle ne cessait de cueillir dans les bras de l’Épine. Les mots de la Prima la hantait, s’ajoutant à l’écho constants des horreurs que ce dix-sept mai avaient engendré dans tout Akkadia. Son esprit, torturée de toute part, ne parvenait plus à réfléchir de lui-même. La crainte seule parlait. Mutant. Ce sang carmin parsemé d’éclat brillant qui coulant dans leurs veines les rendaient différents. Danger, menace étaient les mots qui perlaient sur toutes les lèvres. Abomination lui susurrait-on à son oreille, quand elle laissait les mots empoisonnés d’Ella la contaminer. – Don’t touch me, grogna-t-elle en direction de Matild, une froideur perçant sa voix. Froideur qui s’intensifia dans la pièce, marquant avec plus de mordant la température plus glaciale qui régnait au Nord du continent. – Why? What happends? I won’t hurt you, you know that Shila. Seul un rire lui suffit en guise de réponse, un éclat involontaire qui empestait le sarcasme et l’indifférence. Son visage s’était refermé de toute sympathie, effaçait d’un seul clignement de cils chacun des sourires qu’elle avait pu lui adresser. – No, I’m not sure about that. I was so wrong trusting you. You… and your kind. Le dégout. La répulsion. Voilà maintenant tout ce que lui inspirait celle pour qui elle avait pourtant développer un semblant d’affection. Des sentiments que désormais, elle s’évertuait d’étouffer, de noyer dans cette haine naissant de ses seules craintes. – I don’t want to see you again. Ever. What we had, no matter what it was, is over.

aureus, juillet 2677
Le regard scrutateur de son ainée la transperce comme nul autre ne sait le faire, passant au travers de ses couches protectrices comme neige qui fond au soleil.  La Sielle n’est pas dupe face à sa cadette qui s’entête à lui faire croire qu’elle n’a aucune raison de s’inquiéter pour elle. – I told you I’m fine, Nysa, qu’elle lui répète encore, sans que les yeux de sa parente ne se détache d’elle. L’une comme l’autre sait pourtant que c’est loin d’être la vérité. La mission qui repose sur ses épaules la pèse plus que jamais, et son esprit vogue dans la tourmente, perdant ses repères dans ces chemins contraires. Mais faillir n’est pas dans ces options, et admettre ses faiblesses consentirait à s’avouer vaincue. Elle ne peut se permettre de confier ses doutes à sa sœur, à lui faire part de ce petit monde qui se bouscule dans ces pensées. Pas alors que la mort de Neela est encore trop fraichement ancrée dans sa mémoire. Une mutante qu’elle se devrait de maudire pour le simple statut de son sang, mais auquel elle ne peut s’y résoudre. La juxtaposition entre le visage poupin de cette douce enfant morte avant son temps et la violence de ceux qu’on prénomme les Silences lui semble impossible. Et pourtant, elle est la première à les avoir jetés dans le même panier. Sa nièce, ses cousins mutants. Matild, aussi. Les Abeilles et leur reine avaient se servir de ses faiblesses à leur avantage, tout comme, ultimement, elle se servait des leurs. Un jeu dangereux duquel elle faillit bien en sortir perdante. – If you say so… even if I don’t believe you at all. Pour une rare fois, Nysa préféra déclarer forfait devant l’obstination de sa cadette. Mais ce n’était que partie remise. Tôt ou tard, sa sœur saurait la prendre au tournant, car tout comme elle, l’ancienne Xi’nora ne renonçait jamais. – Just… Never forget who you are. Use it as an armour to protect your heart, and your mind. Don’t let them get the best of you. De sages paroles, qui touchèrent une corde sensible de la louve, un point de tension sur lequel l'ainée venait de s'appuyer. – I won't. I promise you.