Tes lèvres s’étirent un demi sourire. Ta fierté est là, sous tes yeux. Tu l’aimes, personne ne peut comprendre cet amour, elle semble être tout pour toi. Tu tuerais pour la protéger. Tu ferais tout ce qu’il faut afin que tout aille bien pour elle. Est-ce donc cela d’être une mère ? S’oublier soi-même ? Est-ce comme ça qu’il faut être ? Tu te poses sans cesse la question. Tu as constamment peur de ne pas être à la hauteur pour elle. Tu lui mens. Le mensonge est là pour la protéger mais un jour tu sais qu’elle apprendra la vérité. Elle surgit toujours. Elle est tenace. Le mensonge est éphémère et douloureux. Pourtant tu ne regrettes pas. Elle est en sécurité, elle ne risque rien et tu ne sais pas si cela pourrait toujours être le cas. Tu te persuades que tu as fait le bon choix. C’est ce qu’il fallait faire. Quand tu fais le bilan sur ta vie, cette situation, tu n’as pas de doute.

Elle dort paisiblement. Elle est belle, tu vois en elle son père. Elle lui ressemble tant. Tu as toujours cette crainte qu’Il s’en rende compte. Cette chevelure dorée… ce regard azur, cette petite fille n’a rien pris de toi, tout de Lui, seulement il ne voit pas ce qu’il a sous les yeux. N’est-ce pas la meilleure façon de cacher les choses ? Juste-là ? A portée de main? On ne voit jamais ce qu’on a juste à côté. On regarde trop loin pour voir que les choses sont accessibles si facilement.

Ada pousse un léger soupire. Elle ronfle tranquillement et cela t’arrache un léger rire. Tu replaces une mèche de ses cheveux. Ton coeur souffre déjà de devoir la laisser pour quelques jours. Tu sais que tu reviendras vite. Mais tu aimerais l’avoir avec toi partout, seulement Akkadia n’a rien de sûre pour une petite fille de presque 3 ans. Le pays va mal et tu ne veux pas lui faire courir de risque, tu en prends assez.

Tendrement, tu te penches pour embrasser son front, sentir une dernière fois son odeur poudrée de bébé et tu la quittes sans te retourner. La nourrice est là, te sourit comme pour te rassurer mais toi tu n’es que froideur face à cette femme qui n’est là que pour t’aider. « - Je reviens dans maximum trois jours, veillez sur elle, comme s’il s’agissait de votre enfant » C’est un ordre, loin d’être un conseil.Il ne doit rien arriver à ce petit être. Pas même une égratignure ou tu deviendrais un tyran.




Le trajet en train te paraît long. C’est toujours comme ça quand tu n’arrives pas à dormir. La nuit est omniprésente et tu commences à ressentir le manque de vitamine D, comme tout le monde autour de toi. Tu soupires, une migraine t’arrache une grimace. Tu inspires longuement. Le train ralentit. Tu arrives dans cette ville que tu détestes tant. Tu ne comprends même pas qu’Il y soit retourné.

Tu te lèves, tu suis le mouvement, récupère ton sac de transport avant d’atterrir sur le quai de la gare d’Ibao.



Ta chambre est luxueuse. C’est toujours le cas, on ne quitte pas le luxe une fois qu’on y a goûté. Tu l’aimes et le savoure parce que tu t’es battue pour l’obtenir. Ton coeur bat trop vite, ton ventre est noué. Tu ne sais plus bien si c’est une bonne idée. L’angoisse te tenaille tout le corps, toutes tes pensées. Tu n’as plus les idées claires… Tu n’as pas le choix. Tu te prépares, quitte ta tenue d’apparat et enfile ce qui te caractérise bien plus. Combinaison noire moulante, tu accroches un petit sac que tu remplis de drogue. A ta cuisse une arme à feu, tu ne sais même pas si tu t’en serviras, peut-être que cela rendra cette scène plus dramatique.

Tu connais encore les rues de cette ville par coeur et sans mal tu atteins la demeure de Damios. Tu ne perds pas tes bonnes habitudes. Il fait nuit, certes mais c’est également une heure où les gens dorment. Avec aisance, tu atteins la fenêtre et avec aisance tu pénètres à l’intérieur. Tu fais le tout du propriétaire, tout est calme… vide. Tu regardes dans quoi Monsieur vit maintenant, pour quoi il t’a abandonné… et tu en viens à penser pour qui ? Tes doigts glissent un peu partout jusqu’à ce que tu entendes la porte d’entrée claquer. Pouvoir activé, tu l’attends dans le salon. Tu te connais si bien que même sans te voir tu pourras sentir ta présence… tu en es sûre. Tu l’espères…

Tu as à faire. Tu dois t’éloigner de la capitale pour le retrouver. Pour avoir des explications. Il ne peut pas te laisser dans cet état. Il ne peut pas continuer à jouer un double jeu. Tu dois lui poser la question. Tu dois être sûre. Tu dois savoir, tu dois avancer et si c’est sans lui tu le feras. Tu sais d’avance que le lâcher pour continuer sera la pire des épreuves, mais tu ne peux pas reculer à chaque fois qu’il revient vers toi. Tu n’es pas un objet et tu commences à comprendre que tu n’es qu’un pion dans sa stratégie et qu’il n’a pas hésité une seule seconde à sacrifier sa reine. Peut-être que finalement tu n’étais pas si importante pour lui, peut-être que tu n’étais qu’un vulgaire fou dans son jeu et que tu n’as pas l’importance de la reine. Tu deviens folle avec toutes ses suppositions. Tu dois avoir des réponses pour ne pas sombrer dans la démence.

Les tensions politiques sont importantes en ce moment. Tu n’arrives pas vraiment à savoir comment te positionner. Tu ne veux juste pas voir d’argent au pouvoir. Tu as une trop mauvaise opinion d’eux. Tu aimerais une paix stable et durable. Tu aimerais voir un mutant au pouvoir parce qu’ils sont un peu des deux, ils sont tous le monde. Du sang écarlate et argenté. Un peu tout le monde.

Ton don te confère certains droits. Des droits que tu t’octroies toute seule. Devenir invisible a quelques avantages. Personne ne te voit traverser la frontière. Officiellement, personne ne sait que tu es ici. Il pourrait se passer n’importe quoi. Tu songes au pire. Tu espères le meilleur.

Tu aurais imaginé que cela serait plus difficile d’entrer dans cette nouvelle demeure. Tu regardes légèrement autour de toi. Un sourire se dessine sur tes lèvres. Tu ne sais pas si tu aimes cet endroit. Tu te sens vidée, tu ne sais plus quoi aimer, quoi détester dans cette nuit miséricordieuse.

Il est là. Il entre chez lui sans penser que tu es là. Sa renarde est toujours là, toujours fidèle. Wolfgang te manque. Pour des raisons évidentes il est resté à Aureus. Il protège la prunelle de tes yeux. Habituellement il ne te quitte pas, comme Damios et Agartha.

Tu ne pensais pas être repérée aussi vite. Pourtant rapidement un soupir sort des lèvres de Damios. Il semble te reconnaître ne serait-ce que par ton parfum. Tu pestes intérieurement contre lui. Tu portes le même depuis des lustres, forcément qu’il est familier pour celui qui te connaît sans doute le mieux sur cette terre. Tu ne peux pas t’empêcher de rouler des yeux, ce qu’il ne peut pas voir.

Pouvoir désactivé, tu le regardes se servir une boisson qui ne ressemble pas à de l’eau. Tu inspires, longuement, bruyamment. Est-ce que cela traduit ton agacement ? Oui, mais aussi la nervosité qui t’a envahi depuis qu’il est entré dans la pièce. Tu le regardes, tu es visible pour le commun des mortels. Pour Lui. Je avance vers lui sans savoir à quoi t’attendre. Ton coeur bat trop fort, il menace de sortir de ta poitrine, tu agis en adulte et tu fais face à tes démons, à tes craintes. N’est-ce pas une phobie de le perdre totalement ?

Tu approches et tu prends le verre qu’il te tend. Peu importe, à coup sûr il y a de l’alcool et tu en ressens le besoin. Il te faut du courage. Tu bois le verre d’une traite et tu t’en ressers un que tu vas pouvoir déguster. « - Tu ne sembles pas ravi de me voir... » Constatation relativement évidente. « - Mais t’ai-je au moins manqué… » Je bois une gorgée pour noyer cette douleur au coeur. « - Bien sûr que non... » C’est plus fort que toi, tu es sûre d’avoir toutes les réponses… mais ma belle, tu ne sais rien. Strictement rien. Tu es persuadée qu’il va te laisser, t’abandonner, tu as tellement peur ne pas être sa Reine mais juste son Pion… Que feras-tu s’il refuse ? Que feras-tu s’il n’accepte pas de la tuer comme vous avez tué ton époux ? Passeras-tu à l’acte dans un élan de folie ? Tu ne sais pas, tu ne sais rien.

Tu rodes dans la pièce, regarde les murs, les meubles puis tu te tournes vers cet amant passé ton verre à la main. Une gorgée de plus coule dans ta trachée. Tu t’approches de l’homme… Ton souffle vient caresser sa peau, tu caresses sa joue, tu regardes un instant ses lèvres avec envie et tu te souviens que tu dois te concentrer, te rassembler. Tes yeux cherchent les siens mais tu détournes trop vite. Tu te sens si faible face à lui. « - Comment tu peux réussir à avoir autant t’influence sur moi... » Tu le prononces presque comme un reproche, parce qu’au fond cela en est un, tu aimerais pouvoir lui résister mais tu sais que tu n’en es pas encore capable. « - Je ne veux plus être ton pion dans tes manigances... » je veux être ta pièce maîtresse… voilà ce que tu aimerais lui dire… mais ça serait le faire fuir.