Jamais auparavant n'avait-elle entendu parler du Cercle. La révolution akkadienne avait révélé bien des secrets enfouis, plus que ce qu'elle n'aurait pu imaginer. Pourtant, elle avait fait partie de ceux à vouloir renverser la démocratie hypocrite. Elle avait été de ceux à comploter contre le gouvernement qu'elle servait elle-même chaque jour. On peut se demander qui fut le plus hypocrite là dedans. Sans doute elle, certainement elle. Mais Romilda n'en avait que faire. Elle n'avait jamais été une suiveuse aveugle, une partisane qui mangeait dans la main des plus grands. Peut-être était-ce parce qu'elle était née mutante, qu'elle avait toujours dû en faire plus. Pourtant, elle n'avait jamais vu sa mutation comme une tare, comme une différence, comme un désavantage. Persuadée d'être au dessus du commun des mortels, elle avait toujours oeuvré en ce sens. Les Silences avaient été là au bon moment, là quand elle était perdue, là quand elle se sentait seule, là quand elle avait besoin d'une seconde famille. Mais, aujourd'hui, elle s'apprêtait à les trahir. Elle mentirait si elle disait que cela ne lui faisait rien. Poupée au coeur de pierre sans doute, mais surtout une gamine encore bien trop sensible. Son coeur se déchire en plusieurs morceaux alors qu'elle s'apprête à tirer un trait sur les dernières années de sa vie. Mais, elle ne pouvait plus cautionner leurs méthodes. Elle n'a jamais voulu la mort de tous ces gens, et encore moins l'alliance avec ses ennemis de toujours. Romilda comprend, que pour devenir un véritable royaume, pour s'étendre, se stabiliser, il faut des alliances. Mais, elle n'est pas prête à renier autant, au nom de l'égalité des droits pour ceux de son sang.
Bientôt mariée à un Kolikowski, appartenant aux Iskander et aux Xi'nora, elle avait toujours côtoyée Noah Sielle de plus ou moins loin. Elle avait toujours admiré, d'une certaine façon, son ambition, se retrouvant parfois en lui. Elle n'avait cependant pas l'envie de rejoindre la monarchie de Valdierva, pour le moment, bien que sa future union avec Dmitri l'y obligerait d'une certaine façon. Malgré cela, elle n'avait pas hésité à demander une entrevue avec le roi de l'ouest. L'alliance entre la Confrérie et les Silences n'était absolument pas de son goût, et elle n'avait aucune intention de la voir se réaliser. Ils ne se rendent pas compte du gouffre dans lequel ils s'enfoncent. Les Zarkari veulent s'attirer la sympathie des mutants, prétendre à une certaine tolérance, alors qu'ils tuent les rouges à petit feu. Leur condition n'est, certes, pas glorieuse à Valdierva, mais elle n'est en rien comparable au traitement subi à Othinara. Alors, Romilda ne donne pas cher des mutants, parce que la suprématie argent finira par être l'ambition des tyrans de l'est, elle en est persuadée. Mais, elle ne pouvait cacher non plus avoir choisi cette approche stratégique après une certaine réflexion. Après tout, elle a travaillé dans la stratégie militaire pendant quelques années.
Debout dans un hall, la poupée attend que l'on annonce sa présence au roi. Le majordome finit par revenir et l'autorise à rentrer. Elle toque avant d'ouvrir l'immense porte amenant sur un bureau de standing. Telle une noble, elle rentre dans la pièce le menton levé. Le Sielle lui accorde un regard avant de se replonger dans ses dossiers. Elle adresse un mince sourire. Noah termine ses affaires et finit par se lever pour se diriger vers elle. Romilda courbe légèrement l'échine, bien qu'il ne soit pas son roi, elle a appris la bienséance. ─ Je comprends tout à fait, tu es un homme occupé. Elle prend place en face de lui. ─ Rien de bien réjouissant je le crains. Romilda se redresse légèrement. ─ Je pense que tu connais l'existence du mouvement des Silences, qui s'est installé à Ibao, non loin de la frontière avec l'Othinara d'Orion, n'est-ce-pas ?