Cela faisait des jours que Noah tentait d'oublier ce que Opaline lui avait confié. Comment croire de telles accusations alors que celle qui en était la cible était si prévenante avec lui, et ne semblait vouloir qu'une chose : leur bonheur commun. Nysa était bonne comédienne, cependant, et une voix dans l'esprit torturé du roi ne cessait de le répéter.

Pendant des années elle avait été celle qui avait su dissimuler sa haine aux yeux du monde, donnant le change quand le regard de la foule se posait sur eux. Ils avaient longtemps eu l'air unis alors que le soir venu ils se torturaient, souvent avec leurs pouvoirs respectifs. Mais tout était censé avoir changé. Ils ne devaient plus s'me haïr, pour leur fille morte trop tôt, pour leur fils désormais héritier d'un royaume encore fragile, pour les autres enfants que Noah voulait d'elle.

Il devait en avoir le coeur net.
Les rumeurs n'étaient souvent que ça : des rumeurs. Il devait lui demander, et il l'a croirait sur parole, préférant s'abreuver de ses mensonges que de se déchirer dans sa vérité.

Sa main pousse la porte des appartements de la belle, mais une colère sourde gronde de plus en plus dans le cœur et l'esprit du magnetron. Les objets en métaux vibrent tout autour de lui, comme attirés par l'aimant de doutes que forme Noah. Il s'approche, presque à pas feutré, à l'image de l'immense tigresse qui marche sur ses pas. Il l'a prise avec elle parce qu'elle lui octroie une force que tous les Sielle puisent en leurs fauves.

"I've had the pleasure to discuss with lady Opaline Whalberg a few days ago.", Commence le brun. Sa voix n'a pas ce ton désormais doux qu'il a avec son épouse. On dirait plutôt un grotesque retour en arrière, la méfiance est de retour. Finalement, Noah n'acceptera pas le mensonge. C'est sa vie qui est en danger.

"She brought some disturbing news. I tried to ignore what she claimed to be the truth but I can't.", le brun soupire, le calme le quitte a chaque battement de coeur. Pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Alors qu'il savait depuis plus d'une semaine, déjà. L'homme s'approche et lui attrape le menton. Dans son dos, le fauve grogne. "Is it true?", Leurs regards sombres se heurtent, plus violemment encore que deux épées sur un champ de bataille. "You planned to murder me.”

Le soleil qui persiste à rester absent de leur ciel éveille les inquiétudes de tous, même de la reine. Tout cela ne présage rien de bon, Nysa le sait. Un pressentiment qui s'est installé en elle, depuis ce jour où la lune est venue chasser le soleil sans jamais lui laisser l'occasion de revenir. Qui s'est intensifié avec ce premier rêve qui l'a éveillé en pleine nuit. Ou était-ce vraiment la nuit? Les journées et les nuits se ressemblent, désormais, plongées toutes deux dans la même obscurité, habitées par le même froid mordant qui lui rappelle étrangement les longs hivers de Hiokuri. Le froid ne l'a jamais dérangé, mais la Sielle sait que tout ça n'a rien de normal, que tout ça n'est en rien semblable aux phénomènes météorologiques de sa région d'enfance. Elle n'ose même pas imaginer le froid mordant qui a dû s'abattre sur ses terres natales.

Un bruit et la louve s'arrache à sa contemplation du ciel et des paysages extérieurs assombris par les ombres créées par l'absence du soleil. Les portes de ses appartements s'ouvrent pour laisser entrer Noah. Des appartements qui sont les siens, mais qu'elle délaisse bien plus qu'elle ne le faisait avant, quand ils avaient chacun leur chambre dans leur appartement à Aureus. Ici aussi, Nysa possède sa chambre, mais elle n'y passe jamais la nuit, ayant trouvé un réconfort qu'elle n'aurait jamais soupçonné pouvoir exister entre les draps du roi, contre son corps, à profiter de sa chaleur rassurante. Lentement, la shiver se tourne pour faire face à son époux, et se heurte au visage fermé de ce dernier. La démarche a tout de celle d'un prédateur, et cela fait bien longtemps que le Sielle ne s'est pas approché d'elle ainsi, comme s'il s'apprêtait à lui sauter à la gorge. Bien trop familière au comportement de son époux, Nysa sent son corps s'emballer, son esprit habité par l'incompréhension. La voix du magnetron est froide, distante. Comme pour se protéger, la louve vient croiser les bras sur sa poitrine, toisant son époux de là où elle se trouve. « And? » Il n'attendait pas vraiment qu'elle pose la question, poursuit à peine le mot a passé ses lèvres. Alors le cœur s'emballe dans la poitrine de Nysa, et même si elle essaye de le calmer, elle n'y parvient pas. Elle ne connaît que peu la jeune femme, ne sait pas d'où elle vient, pas vraiment en tout cas. Mais le comportement de Noah, la manière qu'il a de s'exprimer, de la regarder, tout ça lui crie que quelque chose ne va pas. Noah poursuit, s'approche davantage, plus menaçant encore, et vient attraper le menton de Nysa. Elle s'est laissée faire, ces dernières semaines, car le même mouvement portait des intentions bien différentes, plus de douceur, d'inquiétude, presque. Mais aujourd'hui, la reine se sent comme une proie piégée entre les griffes du tigre, et elle déteste ça. Is it true. Les mots résonnent, et la louve l'affronte du regard. De façade, elle fait mine de tenir le cap, mais à l'intérieur, elle sent son estomac se tordre, son cœur battre douloureusement dans l'anticipation de ce qu'il s'apprête à dire. Et lorsque les mots sont prononcés, lorsque la sentence tombe, la Xi'nora est un instant prise de court. Le rythme de son cœur accélère un peu plus, et elle se demande seulement combien de temps elle sera capable de supporter une telle cadence. Le sang bat contre ses tympans, le son amplifié de plus en plus, couvrant tout le reste. Elle a l'impression d'être loin de la scène, Nysa, comme hors de son corps, à observer à distance car elle ne souhaite pas prendre part à cette tragédie qui se dessine devant ses yeux. Que faire, que répondre. Mentir, davantage, s'enfoncer toujours un peu plus, un peu plus loin. Elle aimerait pouvoir le faire, et pourtant la Sielle sait qu'elle est déjà allée trop loin dans ses mensonges. Finalement, là voilà à nouveau ancrée dans la réalité, plantée devant Noah, le regard toujours plongé dans le sien. Et ça devient trop à supporter, le contrôle qu'il exerce sur elle, la menace qu'il fait planer en l'observant de haut comme il le fait. Alors Nysa se dégage de son emprise, elle tourne le visage brusquement, se défait de son toucher et fait un pas en arrière. La tigresse lui grogne dessus, et la reine lui jette un regard sombre comme pour l'enjoindre de se taire. Mais le fauve n'a qu'un seul maître, et ce n'est pas le Sielle qui l'intimera au silence.

Le regard se pose à nouveau sur le roi, sur son époux, et Nysa finit par pousser un soupir. Tentant de relayer les mécanismes de défense en arrière plan, de se défaire de cette nature profonde qui la supplie d'ériger à nouveau un mur de glace entre elle et le brun avant qu'il ne soit trop tard, elle reste quelques secondes de plus silencieuse, avant de se décider à lui répondre. « I wish it wasn't. » Elle ne tente même pas de mentir, à quoi bon. Il obtiendra bien la vérité autrement, par d'autres personnes si Nysa persiste à lui mentir. Elle voit, dans son regard, que la méfiance s'est déjà installée à nouveau, et qu'avant même de franchir cette porte il s'était déjà préparé à entendre ses mots de sa part. « I wanted to kill you. » Pourtant, les mots sont désormais employés au passé. Car voilà plusieurs semaines, plusieurs mois, même, que de telles pensées ont quitté sa tête. Et si ça fait toute la différence pour elle, Nysa n'est pas naïve, ni stupide, elle sait que ça ne sera pas le cas pour son époux. Et déjà, son cœur se serre un peu plus dans sa poitrine quand elle pense à tout ce qu'ils ont partagé ces derniers temps, à tout ce qui les attend encore dans l'avenir. Finalement, une catastrophe ne semble jamais arriver seule, et la louve se demande si, de là-haut, dans le ciel, la lune se moque de ses malheurs.

La reine se dégage de l’emprise de son époux, qui ne tente pas de la retenir de force. Noah capte le regard lancé par la louve à la tigresse, mais cette dernière n’en démord pas, découvrant ses longs crocs acérés comme pour menacer la brune, et lui faire comprendre qu’elle n’a pas peur d’elle. Il attend la réponse, implorant mentalement tous les dieux de lui donner une réponse négative, tout en sachant, au fond, que ça devait être la vérité. Et finalement, le couperet tombe et la vérité éclate. Noah déglutit, ses doigts tremblants se referment en un poing et il hésite, une seconde, à l’abimer ce beau visage. Il hésite parce qu’il a été trop idiot pour tomber sous le charme de la vipère qui se cache derrière tous les mots qu’elle lui a soufflé. Encore maintenant, elle semble suinter une sincérité en laquelle il ne croit plus. Son regard semble vouloir s’accrocher au sien, mais Noah refuse, et se redresse. La tigresse à ses pieds ressent la nervosité de son maître, et enfonce ses griffes dans le parquet, rayant le bois ancestral sans la moindre considération pour celui-ci.

Et finalement, il éclate. D’une rage qui dévaste tout sur son passage, il ne peut s’empêcher de s’en prendre à elle. C’est sa bague, d’abord, qui se ressert autour de son doigt, trop fort. « And you thought I’d never know! », le brun se rapproche à nouveau, inconscient que si il sait attaquer, elle sait se défendre. Il l’attrape par le devant de sa robe, et tous ses instincts sont décuplés et les leçons qu’on lui a appris sur les shiver s’envolent. Ils n’ont pas besoin de prendre l’ascendant physique pour se défendre, mais Noah s’en fiche. « How many times did you fail trying? », demande le brun, crachant presque ces mots à la gueule de son épouse. « How many times did you see me with our son, longing for him not to have a father anymore ?! », il la repousse, si violemment qu’elle pourrait tomber au sol mais le brun s’en fiche, toute sa violence s’exprime,

« I should have you killed. », mais il avait promis, à Devona. Dix ans auparavant, il lui avait promis que ses enfants auraient une mère. C’était une promesse envers lui-même aussi, car il n’avait pas eu ce bonheur.

Le silence qui tombe entre eux après les mots qu'elle a prononcé s'apparente davantage au calme avant la tempête qu'autre chose. L'ouragan, elle le voit venir dans les prunelles sombres de son époux. Un orage lors d'une nuit sombre, noire, même. Car c'est tout ce qu'elle voit, lorsque l'observe ; la noirceur de son regard, qui laisse transparaître toute la colère et la haine qu'il peut ressentir. Son poing qui se resserre le long de son corps ne lui échappe pas, tout comme la manière qu'a son corps de se raidir, comme un félin qui s'apprête à bondir sur sa proie. Noah se redresse davantage, et Nysa ne peut s'empêcher de faire de même pour donner le change, pour supporter ce regard qu'il lui lance de toute sa hauteur, et la menace qu'il représente. Puis elle le voit, ce moment où sa colère éclate, qu'elle le submerge entièrement. Elle le sent, aussi, alors que l'anneau à son doigt se resserre, appliquant une pression douloureuse contre la peau, contre l'os, menaçant de briser sa phalange. La louve serre les dents, prête à encaisser tout ce que Noah pourra lui balancer au visage. Sa voix s'élève, il lui crache son venin au visage, sa rage presque palpable dans les mots qu'il prononce. Il s'empare du tissu de sa robe avec violence, la garde là, près de lui, pour lui jeter au visage toute la haine qu'il lui voue désormais. Si elle sait que la colère de son époux est justifiée, elle a du mal accepter la façon qu'il a de l'exprimer, à accepter qu'il la traite ainsi. Vulgaire poupée de chiffon, il la repousse, avec une telle force que la jeune femme perd l'équilibre, se rattrape de justesse sur une commode pour ne pas tomber. Elle se redresse alors, et le regard qu'elle lui lance ensuite est noir, tandis que la colère commence à s'éveiller en elle aussi. Sa voix, lorsqu'elle reprend la parole, est aussi glaciale que les vents qui balayent Hiokuri. « I never tried. » Elle sait qu'elle devrait probablement ne pas se dresser face au Sielle, mais ça ne lui ressemble pas de se taire, pas même alors qu'elle sait être fautive. « Or trust me, you would be dead right now. » Sa main agrippe le rebord de la commode avec une telle force que les jointures de sa main blanchissent. Elle tente de se contenir pour ne pas empirer la situation. Elle ne cherche pas à s'approcher du Sielle, préférant la distance qui les sépare à la proximité dangereuse du fauve. « I hated you for so many years. The way you treated me, what you did to me, after ten years, it was all too much. You were exactly like my father, a man I hated with my whole heart, a man who abused us during our entire childhood. I didn't run away from an abuser to spend my life with another. So yeah, I wanted to kill you. » Elle l'observe, sur la défensive. Finalement, un soupir quitte ses lèvres et sa colère disparaît quelque peu, remplacée par une tristesse qui vient voiler ses prunelles. « And then we lost Neela, and everything changed. You were not the same man I thought I knew. I learned to love you.  » Mais tout ça n'a pas d'importance, elle le sait. Toutes les explications qu'elle peut lui apporter, toutes les justifications qu'elle peut lui offrir, ça n'a aucune importance. Le résultat reste le même, et elle le sait, Nysa. Elle sait que quelque chose est brisé entre eux, définitivement. Qu'il ne pourra plus jamais la regarder comme il le faisait encore il y a quelques jours. La confiance est morte, tout comme la relation qu'ils ont pu partager ces derniers mois, tout comme l'amour qu'ils ont construit sur des mensonges et des secrets. Le cœur se serre davantage dans sa poitrine, c'est douloureux, mais elle encaisse, la louve. « But I guess that's what I deserve. Go ahead, do what I wasn't able to do. Kill me. » Pourtant, elle sait qu'il ne le fera pas, tout comme elle n'en a pas été capable.

Inconscient des niveaux de violence qu’il décuplait, le Sielle avait plutôt le sentiment de n’être qu’en train de se retenir. La rage qu’il éprouvait n’était rien en comparaison aux sentiments de trahison et de détresse qui l’envahissaient, telle une immense vague d’émotion qui venait détruire les digues de sa retenue. Alors il ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait, capta à peine les mouvements de son épouse, qui fut obligée de se retenir à une commode pour ne pas tomber sous son impulsion.

Les grands mots s'échappent des lèvres de la jeune femme, qui n'hésite pas à froidement accuser son époux. Noah plisse les paupières, observant la jeune femme avec un mélange de colère, d'incompréhension et de stupéfaction. « An abuser? », Il souffle, presque plus menaçant ainsi que lorsqu'il criait sur la louve. Le prédateur ne se décide pas encore à lâcher sa proie. Ses méninges sont en pleines actions alors qu'il refuse d’accepter ce mot. Et pourtant celui-ci porte une vérité qu'il n'est pas encore prêt à assumer. Noah était cet homme incroyablement froid, n'offrant que l'indifférence au mieux, la torture au pire. Il s'humecte les lèvres, le roi. Prêt a répliquer, incapable de se laisser faire par celle qui parvient a le toucher sans utiliser ni ses pouvoirs si ses poings. « You don't realize how lucky you were. », entame le roi, la pression sur le métal se relâche doucement. « You don't realize how much marrying you ruined ten years of my life. », Il aurait pu en épouser une autre. Il s'était longtemps plongé dans cette idée, avait longtemps pensé a ce qu'aurait été sa vie si sa femme avait été Kristina et non Nysa. Noah refuse à s’approcher de celle qui avait été obligée de prendre son nom, il la toise de toute sa hauteur, le métal autour de lui répondant à la moindre de ses impulsions. Les portes autour d’eux se verrouillent avec un cliquetis caractéristique. « You think I abused you? », il laisse planer un silence, lourd de sens. « I protected you. », si sa voix est à un volume normal, désormais, ses mots sont crachés, comme si il voulait la salir, lui faire comprendre toute l’étendue de son erreur et de sa bêtise. « That’s the difference. I never used you to get my way to the throne. You did. », persuadé de la véritéde la vérité de ses mots, le brun ne s’arrête pas. «I never tried, nor wanted to truly wanted to harm you. Everytime you were in a position of danger, I protected you. », il se souvient particulièrement de la premiere fois où il l’a fait, sur le terrain d’entrainement. Themyskira et Nysa, assises l’une en face de l’autre. Un éclat de métal destiné à Noah, et qu’il avait évité de justesse, avait failli toucher Nysa mais Noah l’avait dévié à temps. Il avait vu la surprise dans le regard de son épouse, mais ne s’y était pas attardé, pour reprendre l’entrainement. Noah n’était que l’homme forgé par son père, et ce que son père lui avait appris, assené, enfoncé dans le cerveau était qu’il devait, il devait protéger les Sielle. Tous les Sielle, et à l’époque, elle en était une, et tout particulièrement aux yeux de Noah, puisqu’elle portait leur second enfant.

« That’s why I won't kill you. I can’t. » Pour tant de raisons. Parce qu'il aime et que ça lui crève le coeur. Il ne peut pas tous les perdre. Il lui avait dit, qu'un jour il l'a perdrait mais désormais que ce jour était arrivé, le brun était incapable de l'accepter. Il voulait s'accrocher encore. Mais il ne voulait pas qu'elle se complaise dans l'espoir qu'il pouvait lui donner. Si il devait souffrir de ne pas savoir, alors il voulait qu'elle en souffre tout autant. « You’re a Sielle. I don’t care that you hate it or not. ». Juste comme tous les autres Sielle, il lui ferait comprendre ce que cela signifiait de porter ce nom. « So you can stop lying now, Nysa. Quit pretending to be in love, you’re safe anyway. ». Il aimerait partir, la laisser seule, mais quelque chose l’en empêche. Le brun doit lui annoncer sa sentence, mais les secondes passer et il ne sait pas encore ce qu’il lui fera. L’enfermer. A vie. Sans doute.

Incrédule, il l'observe comme si elle avait exposé face à lui la plus curieuse des vérités. Comme si chaque mot qui franchissait la barrière de ses lèvres n'était qu'un mensonge savamment réfléchi, mais qui ne parvenait pas à le convaincre. Pourtant, cette fois-ci, Nysa ne cherche à tromper personne. Des faits, voilà tout ce qu'elle expose, des certitudes et des explications qu'elle tente de lui fournir même si rien ne pourra excuser les actions et les manigances. Adoptant la même attitude glaciale que son épouse, la voix de Noah se fait d'autant plus menaçante qu'il y a quelques secondes. C'est une colère froide qui s'empare de lui alors qu'il prononce des mots lourds de sens à son tour. Et c'est au tour de la Sielle de l'écouter, si concentrée sur les paroles de son époux qu'elle remarque à peine que la pression autour de son annulaire se fait moins forte, plus supportable. Il semble sûr de lui, sûr de ce qu'il dit, des vérités qu'il lui balance au visage. Et, malgré elle, Nysa ne peut s'empêcher de rire. Un rire sans joie, un son tout juste perceptible, un rictus qui étire à peine ses lèvres. « Yes you're right, I'm so lucky. » Dix années à faire subir l'enfer à l'autre, et voilà qu'il ose la dire chanceuse. Voilà qu'il ose balayer d'un revers de la main tout ce qu'elle peut ressentir. Une décennie passée dans une  relation dysfonctionnelle, à se faire souffrir l'un l'autre, et elle serait censée se considérer chanceuse? Incompréhension, colère, tristesse, elle ne sait plus vraiment ce qu'elle ressent désormais, la louve. Elle se rend compte, cependant, qu'il y a bien trop de choses qu'elle a gardé pour elle, trop de rancœur qu'elle n'a jamais eu l'occasion de déverser, trop d'éléments qui auraient fini par se mettre en travers de leur relation, tôt ou tard. Car comment passer au-dessus de ce qu'ils ont vécu, de ce qu'ils se sont fait l'un à l'autre. Elle sait, Nysa, qu'elle a sa part de responsabilités dans cette histoire, que si Noah est son bourreau, elle a été le sien aussi. Loin d'être une fleure délicate et sans défense, elle s'est glissée dans la peau du prédateur de nombreuses fois, elle aussi. Mais peut-être qu'il ne l'a jamais ressenti comme elle, peut-être qu'il n'a jamais eu l'impression qu'on cherchait à le dépouiller de sa liberté, de sa force, pour en faire une chose gentille et docile. Peut-être est-ce pour ça qu'il ne lui balance pas la même chose au visage, et que la manière qu'il a de contester tout ce qu'elle peut dire menace de lui faire perdre son self-control. Noah poursuit, il n'a pas terminé, et chaque mot qu'il prononce semble plus douloureux que le précédent, achevant d'enfoncer un peu plus la lame dans son cœur. Les prunelles se voilent à nouveau, animées par une tristesse que Nysa aimerait pouvoir cacher, en vain. Elle sait que Noah aurait préféré en épouser une autre. Elle sait à qui il s'imaginait donner son nom, avec qui il espérait pouvoir avoir des enfants, un jour. Ça n'a jamais été elle, tout comme il n'était pas son choix non plus. Mais à la différence du Sielle, Nysa ne s'imaginait passer sa vie avec personne. Adulte à peine sortie de l'enfance lorsqu'on a annoncé leurs fiançailles, elle avait encore de l'espoir, un temps. Un espoir naïf, qu'elle a rapidement balayé pour ne laisser place qu'à la rancœur et la haine. Pendant des années, il lui a fait ressentir que ça n'aurait pas dû être elle. Épine que l'on avait placé sur son chemin, et avec laquelle il n'avait pas le choix de composer. La rancœur, elle ne s'est que renforcée avec les années passées à subir l'indifférence et le mépris, là où, secrètement, la gamine qu'elle avait été un jour aurait espéré qu'on l'aime, tout simplement. Qu'on la désire. Elle aurait aimé qu'il la regarde comme il regardait Kristina, qu'elle représente plus pour lui que simplement la femme que son père l'avait forcé à épouser. Aveuglée par la jalousie, elle ne s'est pas aperçue que cette haine, elle l'alimentait volontiers, préférant probablement éveiller en son époux quelque chose, même de la colère, que faire face à son indifférence. « You think I wanted to marry you? Neither of us had the choice, so get over it. » Comme s'il n'avait jamais accepté son sort, même après dix ans. Comme s'il regrettait toujours de ne pas avoir pu l'épouser elle, et Nysa sent son cœur se serrer à cette idée, malgré elle.

Il continue à lui cracher ses mots au visage, tout en la dominant de toute sa hauteur. Le menton levé haut, Nysa soutient le regard brûlant de son époux, cherche à lui faire face. A nouveau le rictus vient déformer ses traits. Elle ne réfléchit pas longtemps avant de lui répondre. « And yet, you hurted me. » Elle pousse un soupir, l'humeur oscillant entre la colère et la tristesse, deux émotions opposées et pourtant si complémentaires dans leur cas. Elle aimerait protester davantage, lui dire que cette couronne ne l'intéresse pas, pas autant qu'il le pense en tout cas. Tout ce qu'elle a fait, elle l'a fait pour leurs enfants, pour Nathanael, pour son avenir. Récupérer la couronne de Valdierva c'était le rêve de Noah, pas le sien, et pourtant elle est restée à ses côtés, l'a soutenu pendant toutes ces années. Mais le Sielle la devance et poursuit, confirmant la certitude qu'il ne pouvait pas la tuer. I can't. Des mots qu'elle ne sait comment interpréter, qui portent tant de significations différentes. Son esprit rationnel lui murmure que c'est pour leur fils qu'il choisit de l'épargner, pour la stabilité apparente de leur royaume qu'ils viennent à peine de retrouver. Mais son cœur, lui, lui souffle que c'est simplement plus fort que lui. A cause de tout ce qu'ils ont partagé, de ses confessions qu'ils se sont faits il y a quelques semaines à peine. De la vulnérabilité qu'ils ont laissé apparaître, des sentiments qui étreignent leurs myocardes. Elle aimerait croire son palpitant, penser que si Noah ne la tue pas, c'est car il l'aime, mais elle n'est plus certaine de rien, la Sielle. Et même si c'était vrai, est-ce que ça changerait vraiment quelque chose?

Finalement, Noah l'achève, ses derniers mots la blessant bien plus que tout ce qu'il a pu dire jusqu'à présent. Car c'est comme ça qu'il la voit désormais. Comme une actrice, une fraude. Leur vie, une simple mascarade, et tout ce qu'elle a pu lui dire des mensonges éhontés. « If only it was just pretending. It would be easier. » Les derniers mots sont soufflés si bas qu'elle n'est pas certaine que Noah puisse les entendre. Mais qu'importe, ces paroles ne lui sont pas vraiment désignées. C'est à nouveau le silence qui les enveloppe, et Nysa sent toute trace de colère disparaître. Submergée, épuisée, elle aimerait qu'il parte, qu'il la laisse seule pour cesser ce supplice, pour qu'elle puisse panser ses plaies et faire taire son cœur meurtri. Pourtant, la simple idée de le voir passer cette porte lui semble insupportable. Car s'il part, elle a l'impression que ça sera définitif. Lorsqu'il franchira le seuil de cette pièce, plus rien ne sera jamais pareil entre eux. « I can't go back and undo what I did. I'm sorry for that, for what this means for us. » Elle s'arrache au regard du Sielle pour laisser ses prunelles brillantes s'attarder sur autre chose, sur n'importe quel élément de la pièce qui pourrait lui permettre de fuir les iris sombres de son époux.

La suffisance avec laquelle elle lui répond enrage le brun, qui doit se contenir pour ne pas laisser un excès de rage lui faire faire quelque chose qu’il ne voudrait et ne devrait pas faire. Le roi sert les dents, et laisse passer cette rage. « You could have married anyone else and not be the queen you are, don’t think I’m the lucky one for marrying a murderer. », crache Noah, sa haine venant éclabousser la louve. Ses ambitions avaient été aux antipodes du nom qu’elle portait. La Sielle n’était pas, il n’y avait là que la Xi’nora qu’elle avait toujours été et qu’elle ne cesserait jamais d’être, incapable de se défaire de cette immonde coutume familiale qui consistait à apprendre aux filles à tuer leur époux. Noah connaissait cette consigne, mais il se pensait protégé par son nom et les coutumes des siens. Il n’aurait pu être plus idiot de faire confiance à la louve. Jamais cette erreur ne se reproduirait.

Et voilà qu’elle tente de se défendre lamentablement en retournant la faute sur lui. Le Sielle lâche un rire dénué de toute joie, un rire froid et presque menaçant. « Oh, how mean I’ve been… », une très courte pause, alors qu’il reprend son souffle. « While you planned to murder me. Sure, I’ve been worse than you, Nysa. » Son ton était piquant, plus piquant encore que la glace qu’elle maîtrisait si bien. L’homme ne cherchait plus à récupérer le moindre morceau de cette relation qui venait de se briser. Il voulait lui faire mal autant qu’elle, elle l’avait blessé. Il voulait l’enfermer dans un coin, et qu’elle ne puisse plus bouger. Qu’elle crève de cette déchéance et de la réalisation de ce que tout ce qu’elle avait planifié lui avait apporté de mal.

Noah balaya ses derniers mots d’un geste de la main, incapable de la croire, n’ayant même pas entendu ceux qui précédaient. « Shut up. », ordonne le roi. « I don’t want to hear anything like this, ever. », sa voix commençait à nouveau à trahir la pluie d’émotions qui s’abattait avec violence sur son coeur. Il laissa passer un long moment, pendant lequel il dû se faire violence pour enfouir à nouveau toutes ses émotions au plus profond de son être, son expression se détendant au fur et à mesure que les secondes passaient. Le masque de froideur à nouveau bien en place. « You will remain my wife, this will not free you. », persuadé que c’était là tout ce don’t elle rêvait, il refusait de le lui donner. « You will keep your title, but that’s about it. You are no longer the Chief Commander of my army, nor are you able to decide anything, anytime. » Un rictus de rage, encore, apparait une seconde sur le visage du brun, mais encore une fois il parvient à reprendre son expression parfaitement lisse. « My whole family will know about all this, and then I’ll tell your brother, and see for myself if I can trust your family. », souffle le brun. Désormais, Nysa n’est plus Sielle qu’aux yeux du monde, mais plus aux yeux des Sielle, il s’en assurera.

Et sur ces mots, le roi se retourne et déverrouille la porte par laquelle il est entrée. Toutes les autres, il les laisse fermées, et scelle la porte derrière lui. Des gardes sont positionnés là. « Do not open to the Queen unless I tell you to do so myself. »